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L'Eglise de l'Unité
des Frères
d'E.A. Senft
PREFACE
Le lecteur ne trouvera dans
ces pages qui lui sont offertes, ni une étude digne d'être
appelée une histoire de l'Eglise de l'Unité des Frères,
ni même un tableau, achevé jusque dans ses détails,
de quelques époques de cette histoire. Il n'aura affaire qu'à
des esquisses rapidement tracées, dans lesquelles il lui sera aisé
de découvrir de nombreuses lacunes.
Loin de se faire illusion
à ce sujet, l'auteur est le premier à convenir des grandes
imperfections de son travail. A mesure que son regard a reposé
plus longuement sur le passé de l'Eglise à laquelle il bénit
Dieu de l'avoir joint dès sa naissance, il a senti croître
en lui-même le regret de n'avoir pu écrire d'une manière
plus digne de son grand sujet.
Il espère néanmoins
faire quelque bien. A ses frères moraves il vient dire: Voici les
merveilles de la sagesse et de l'amour divins à l'égard
du corps spirituel dont vous êtes les membres. Rendez grâces,
humiliez-vous, soyez des pierres vives dans l'édifice de l'Eglise
que vous appelez vôtre. - Et aux amis de son Eglise: Apprenez à
mieux connaître ceux que vous avez honorés de votre affection
et auxquels, souvent, vous avez tendu une main fraternelle et généreuse.
Peut-être, en retour de vos bienfaits, auront-ils à vous
offrir le souvenir, de quelque expérience, soit humiliante, soit
encourageante, propre a vous édifier, à vous instruire et
à vous affermir dans la foi et dans la simplicité du cœur,
au milieu des temps spirituellement difficiles que traversent nos Eglises.
- A ceux enfin qui nourrissent des préventions contre l'Eglise
de l'Unité: Nous sommes autre chose qu'une dissidence, abritant
toutes les étroitesses de la secte; l'étude des faits historiques
réfute cette pensée avec éclat.
Après avoir consciencieusement
profité d'un certain nombre de publications sur l'Eglise de l'Unité
ainsi que de plusieurs manuscrits qui se sont trouvés à
sa disposition, l'auteur exprime sa reconnaissance aux frères et
amis qui, par leurs recherches antérieures aux siennes, lui ont
facilité son travail. Il rend grâces, avant tout, au souverain
Chef de l'Eglise de lui avoir fait trouver, au contact intime avec une
histoire qui prêche la puissance de la grâce divine, des jouissances
pour l'esprit et des bénédictions pour le cœur, auxquelles
il ne s'était pas attendu.
Ceci dit, il dépose
son ouvrage aux pieds de son Maître qui s'en servira selon son bon
plaisir.
Peseux, août 1887.
INTRODUCTION
I
L'ANCIENNE EGLISE DE L'UNITE
Aux abords de la ville de Constance,
on montre un grand bloc de granit couvert de lierre et entouré
d'une grille monumentale. La pierre porte deux inscriptions, rappelant
l'une, le nom de Jean Hus, l'autre, celui de Jérôme de Prague,
brûlés vifs, le premier le 6 juillet de l'année 1415
et le second le 30 mai de l'année 1416. C'est des cendres de ces
bûchers que naquit l'Eglise de l'Unité, mère de l'Eglise
morave d'aujourd'hui.
L'histoire n'a pas encore fourni
à ce sujet toutes les révélations nécessaires.
Ce qui semble certain, c'est qu'en 1457 un groupe de chrétiens,
professant les doctrines de Hus, se détachèrent nettement
du parti taborite (1)
et prirent le nom de Frères et Sœurs de la foi de Christ, nom qu'ils
échangèrent plus tard contre celui de Frères de l'Unité
ou Eglise de l'Unité.
Après avoir grandi,
comme grandissent les œuvres de Dieu, au milieu des haines et des violences
d'un monde de persécuteurs, l'Eglise de l'Unité florissait
à l'époque des Luther et des Calvin. Elle comptait alors
deux cents lieux de culte et, dans la Moravie seule, soixante-dix mille
membres. Peu de villages, à peine une ville de la Bohême,
où elle ne possédât quelque adhérent. Les petits,
les grands, les très grands même, se rencontraient dans son
sein, unis les uns aux autres par une même foi et courbés,
sans acception de personnes, sous une même discipline.
Ennemie d'un repos stérile,
l'Eglise de l'Unité se dépensait en œuvres. De 1500 à
1520, elle fonda trois imprimeries, tandis que les Utraquistes n'en possédaient
que deux, et l'Eglise catholique bohème une seule. De ces presses
sortaient des écrits nombreux, variés et puissants : Recueils
de cantiques (le Concional en 1505), catéchismes, traduction du
Nouveau Testament, confessions de foi, apologies, cinquante publications
sur soixante parues en Bohême durant les dix premières années
du XVIème siècle.
Aux travaux de plume, se
joignaient des entreprises d'un autre genre. En 1491, l'Eglise de l'Unité
fit partir de son sein une ambassade de quatre frères délégués
pour Constantinople, la Palestine, la Grèce, la Russie. Quelques
années plus tard (1498), elle se tourna du côté de
l'Italie et de la France - voyages hardis, vrais actes de foi, trahissant
la soif de communion fraternelle et l'irrésistible besoin de trouver
des alliés dans la lutte contre les erreurs de Rome. Mais plus
les espérances de l'Eglise avaient été grandes, plus
ses déceptions furent cruelles. Nulle part ses messagers ne rencontrèrent
dans leur chemin l'Eglise chrétienne modèle qu'ils cherchaient.
L'Eglise vaudoise seule les accueillit, les comprit et accepta avec empressement
un échange de produits littéraires. Partout ailleurs, les
cœurs et les esprits étaient retenus dans les chaînes du
papisme. Erasme de Rotterdam même, auquel l'Eglise de l'Unité
avait fait remettre en 1511 sa confession de 1508, refusa de rendre un
témoignage public à la vérité.
Grands et précieux
étaient cependant les trésors de connaissances évangéliques
que Dieu avait confiés à l'Eglise de l'Unité. Elle
n'admettait, pour régler la vie chrétienne et pour formuler
ses doctrines, d'autre autorité que celle de la Parole de Dieu.
Elle accordait une place centrale au sacrifice expiatoire de Jésus-Christ,
le Fils du Dieu vivant fait homme pour nous réconcilier avec son
Père après nous avoir laissé le modèle de
sa vie. Elle rejetait les traditions, l'adoration des saints, le purgatoire,
les indulgences et la doctrine de la transsubstantiation.
Ne lui pardonnera-t-on pas
d'avoir conservé, à côté de tant de lumières,
quelques erreurs et quelques obscurités ? Les plus grands hommes
de la Réforme n'ont-ils pas eu mille peines à se dégager
du filet pernicieux dont quinze siècles d'interprétation
et de traditions humaines avaient couvert la vérité évangélique
? L'Eglise de l'Unité avait maintenu les sept sacrements de l'Eglise
catholique et le célibat des prêtres, elle avait, en outre,
des tendances anabaptistes et elle manquait de clarté sur le point
capital de la justification du pécheur par la foi seule. Néanmoins,
elle était en droit de jeter à la face des Utraquistes,
s'arrêtant à moitié chemin dans l'oeuvre de la Réforme,
cette parole hardie: " Qui êtes-vous, pour nous mépriser,
vous qui avez quitté les traces de Hus? Vous vous êtes baignés
dans le sang des prêtres taborites, et pour nous, vous nous avez
persécutés jusqu'à la mort. "
Un privilège particulier
distinguait encore cette Eglise. Elle possédait une discipline
forte et ferme. Ses évêques (2)
- dont le premier avait été consacré selon toute
probabilité au sein de l'Eglise vaudoise - ainsi que tous ses pasteurs,
maniaient cette arme sévèrement et infatigablement. Il y
avait là une puissance et des garanties qui devaient faire défaut,
plus tard, aux Eglises de la Réforme du XVIème
siècle.
Telle était l'Eglise
de l'Unité, quand la grande lumière d'un nouveau jour se
leva sur l'Europe. Elle avait vécu plus d'un demi-siècle,
elle s'était frayé son chemin à travers un dédale
de dangers et les fureurs de l'ennemi, elle avait lutté jusqu'au
sang, lorsque le nom de Luther, volant de bouche en bouche, porté
comme sur les ailes du vent jusqu'aux lieux les plus retirés de
la Bohême et de la Moravie, y fit tressaillir tout ce petit peuple,
protestant longtemps avant les jours du protestantisme.
Il importe de savoir quelles
ont été les relations de l'Eglise de l'Unité avec
les héros de la Réforme. Quatre fois des députations
moraves allèrent trouver Luther. Les premiers messagers, Michaël
Weiss et Jean Horn, étaient porteurs de divers écrits. Le
Réformateur les accueillit à bras ouverts, mais des divergences
de vues ne tardèrent pas à se faire jour. Luther reprochait
aux Frères les sévérités de leur discipline,
préjudiciable, lui semblait-il, à la doctrine du salut par
la grâce seule de Dieu, le célibat des prêtres conservé
à cause de la persécution toujours imminente, ainsi que
leur conception du sacrement de la Cène. Mais les petits, cette
fois, n'avaient-ils pas de quoi faire du bien au tout grand dans le Royaume
de Dieu? Plus éloignés encore des Catholiques, quant à
la Cène, que Luther, ils affirmaient la présence réelle,
mais purement spirituelle de Christ dans le sacrement. Plus sages que
lui, ils renonçaient à expliquer ce qui, selon eux, devait
rester un mystère. Bel exemple qui, s'il eût été
suivi, aurait garanti les Eglises de la Réforme de ses plus graves
et plus douloureux déchirements!
La discipline aussi, telle
qu'elle se pratiquait dans l'Eglise de l'Unité, ne renfermait-elle
pas une leçon digne d'être écoutée? S'il y
avait à écarter chez les Frères quelque reste subtil
de la doctrine des œuvres méritoires, leur discipline d'Eglise
en elle-même n'était-elle pas une chose à conserver?
Ne faisait-elle pas défaut dans l'oeuvre de la Réforme allemande,
au détriment de la cause de Dieu ? Et Calvin n'en sentit-il pas
la nécessité? " Je désire, " écrivait-il
en 1540, à l'adresse des Frères, " que vos Eglises
prospèrent. Tenez ferme à votre discipline, car elle est
le meilleur et le seul moyen pour maintenir le cœur dans l'obéissance
chrétienne. Il faut la discipline pour qu'une Eglise de Christ
arrive à bien occuper et à conserver sa place dans ce monde.
" Deux ans plus tard seulement, en 1542, alors qu'il n'en était
plus temps, les Réformateurs allemands aussi reconnurent leur erreur.
" La sévère discipline, telle qu'on la pratique dans
vos Eglises, " écrivit Mélanchton aux Frères,
" me plaît beaucoup et je voudrais qu'on pût la réaliser
chez nous aussi. " Et Luther, parlant devant une nombreuse assemblée
de théologiens, réunis à Wittemberg, et en présence
d'une nouvelle délégation de l'Eglise de l'Unité,
s'écria: " Nous ne vaincrons la papauté qu'en balayant
de la surface du monde jusqu'au dernier des lourds fardeaux dont elle
a chargé les consciences. Toutefois, en danger que nous sommes,
de tomber dans l'autre extrême, nous reconnaissons la nécessité
d'un contrepoids salutaire que nous trouverons dans l'institution d'une
discipline évangélique dans nos Eglises. "
Quatre ans avant cette déclaration
formelle déjà, le grand Réformateur avait consenti
à ce qu'une nouvelle édition de la confession de foi de
l'Eglise de l'Unité fût imprimée à Wittemberg
et en quelque sorte sous ses auspices. Elle parut en 1538 et, trouvant
son chemin dans les pays les plus éloignés, elle y porta
le témoignage puissant des enfants spirituels de Jean Hus.
Jamais cependant il n'y eut
fusion des Eglises de la Réforme et de celle de l'Unité.
On en restait à cette déclaration de Luther: " Soyez,
vous, les Réformateurs de la Bohême; quant à nous,
nous réformerons l'Allemagne. Conformez-vous à vos circonstances
et laissez-nous nous adapter aux nôtres. " Mais à travers
la séparation se conservaient, de part et d'autre, de précieux
souvenirs. Les Frères avaient contracté envers le puissant
Réformateur une grande dette de reconnaissance. A la clarté
de la vive lumière sortie de Wittemberg, ils avaient découvert
leurs points faibles et ils s'étaient affermis dans la vérité.
Et pour ce qui concerne Luther, il rendit aux Frères ce témoignage:
" Depuis les temps des apôtres jusqu'à maintenant, il
n'y a pas eu d'Eglise qui, quant à son organisation et sa doctrine,
ressemblât à l'Eglise primitive autant que celle des Frères
de Bohême. "
Un mot, avant de tourner cette
page de l'histoire de l'Eglise de l'Unité. Rappelé en Suisse,
à peine une année après avoir reçu à
Strasbourg trois délégués des Frères et avoir
longuement conféré avec ceux-ci, Jean Calvin essaya d'organiser
à Genève un Etat chrétien d'après le plan
qu'il développa dans ses Institutions. On sait ses efforts pour
achever, par le rétablissement de la pureté de la vie, la
réformation de l'Eglise que Luther avait commencée en rétablissant
la pureté de la foi. Il est possible que les impressions profondes
qu'avaient produites sur lui les récits de la députation
morave et bohême, n'aient pas été sans influence sur
ce second et grand acte de l'histoire de la Réforme (3).
Puissamment fortifiée
par son contact avec la Réforme, l'Eglise de l'Unité se
trouvait, dans la seconde moitié du XVIème siècle,
sur le sommet de son développement et de sa force intellectuelle
et morale. L'archevêque de Prague se plaignait de ce que "
la chapelle morave réunissait plus de monde que les plus grandes
églises de la capitale. " Bouleversé par les progrès
de l'hérésie, le premier camérier du royaume s'écriait
en 1575 : " Vous voyez que trois quarts du royaume leur appartiennent!
" Le fait est que l'Utraquisme aussi bien que l'Eglise romaine cédaient
de plus en plus la place tant aux Frères qu'aux Luthériens,
et que le premier de ces deux camps protestants possédait les plus
grandes chances de devenir l'Eglise nationale bohème. Une très
forte fraction de la noblesse faisait partie de l'Eglise de l'Unité.
Non moins de quarante jeunes gens, sortis des rangs des Frères,
étudiaient en 1575 dans des universités étrangères,
et, en 1596, l'Eglise fit consacrer au saint ministère, en un seul
jour, vingt-sept candidats en théologie.
Au point de vue intellectuel,
l'Eglise de l'Unité se distinguait. Du milieu d'elle sortirent
des hommes qui eurent sur les destinées de la Bohème une
grande influence: Généraux, hommes de lettres, avocats célèbres,
diplomates brillants par leurs capacités et leurs succès.
L'activité pédagogique
de l'Eglise aussi faisait de nouveaux efforts, unissant la piété
à une science qui était à la hauteur de l'époque.
Ouverte à toutes les bonnes influences du dehors, puisant avec
avidité dans les puissantes sources intellectuelles qui jaillissaient
dans les pays de la Réforme, l'Eglise de l'Unité s'enrichissait
tout en demeurant elle-même et en repoussant tout élément
non conforme à ses principes.
Le plus brillant et le plus
impérissable fruit de ce temps fut la publication en six volumes
d'une Bible traduite sur les originaux et enrichie de notes, Bible dite
de Kralitz (Blahoslaw, Jean Capito, M. Aeneas, etc.), production littéraire
de premier ordre et d'une valeur capitale. " Aussi longtemps que
se parlera la langue bohême, " dit l'historien Gindely, "
on se souviendra de ce travail gigantesque qui n'est rien moins que le
type le plus parfait de la langue bohême du XVIème
siècle. "
A côté de ce
déploiement de forces intellectuelles, se maintint, pendant de
longues années, la discipline ecclésiastique avec toutes
ses rigueurs. L'Eglise suivait de tout près sa jeunesse qui étudiait
dans les universités du dehors. Les plus hautes positions sociales,
non moins que les plus humbles de ce monde, n'échappaient à
ses censures. Assez puissante pour braver la colère du roi, telle
famille noble ne le fut pas pour se soustraire aux coups d'une discipline
qui frappait l'un pour sa conduite immorale, l'autre pour avoir pris part
à des fêtes mondaines. Ce qui conservait au clergé
ce pouvoir qu'il pratiquait au nom de l'Eglise, c'était une grande
fidélité dans l'exercice de la cure d'âmes jointe
à lune absolue impartialité et au renoncement complet à
toute distinction humaine. Humblement soumis, eux les premiers, aux principes
et aux statuts de l'Eglise, les pasteurs étaient certains d'être
écoutés et obéis par chacun.
Cet état de choses
ne changea guère que vers la fin du XVIème siècle.
Des scandales publics, survenus au sein du corps pastoral, firent comprendre
alors à l'Eglise qu'il fallait abandonner le célibat du
clergé. En même temps, la noblesse se laissait entraîner
dans des luttes politico-religieuses qui déchiraient la Bohême.
L'Eglise, au lieu de désavouer cette conduite d'une fraction de
ses membres, garda le silence et le conserva alors même qu'il s'agissait
d'actes révolutionnaires contre le pouvoir établi. Et comme
si toutes ses traditions du vieux temps devaient disparaître d'un
seul coup, elle se déclara solidaire d'engagements que le chef
de la noblesse (Budowa) avait pris envers le consistoire luthérien,
tandis qu'en même temps des vues calvinistes sur la Cène
trouvaient accès au sein de son clergé.
Décomposition douloureuse
à constater dans le corps de l'Unité, autrefois si vaillamment
debout pour la défense de son indépendance et de ses libertés
! Est-ce pour avoir essayé d'allier la puissance et la science
aux principes sévères d'autrefois que l'Eglise subit ce
triste sort? Est-ce pour des infidélités dans l'ordre moral
que la main de Dieu la frappa, elle, appelée à prêcher
aux autres par les austérités de sa vie et sa soumission
absolue à la loi de Christ? L'historien a raison de poser la question.
Dieu seul l'a résolue.
Le fait est qu'en 1609 une
fraction considérable de l'Eglise de l'Unité se jeta dans
les bras de l'Eglise nationale bohême. Le reste, débris sans
puissance, perdit tout prestige. C'est dans ces conditions-là que
les Frères virent éclater la grande catastrophe qui ramena,
en 1621, la Bohême sous le joug papal.
Les persécutions n'avaient
jamais manqué aux Frères. Après l'issue fatale de
la guerre de Smalkalde déjà (1547), ils avaient été
atteints on ne peut plus douloureusement. Rome avait ordonné la
fermeture de leurs chapelles, défendu leurs assemblées religieuses
et lancé des décrets d'arrêts contre les pasteurs
et les évêques de l'Eglise. Jean Augusta, doyen du clergé
morave, avait soupiré seize ans dans les cachots de Bürglitz.
Des centaines d'hommes et de femmes avaient choisi l'exil plutôt
que l'apostasie. Un seul convoi avait compté jusqu'à cinq
cents émigrants et une quarantaine d'Eglises moraves s'étaient
formées en Pologne sous la direction de George Israël.
Néanmoins, l'Eglise
de l'Unité n'avait pas cessé de vivre en Bohême. Du
feu de l'affliction, elle était sortie plus forte et plus courageuse
que jamais. Sur l'échelle de l'échafaud et de la potence,
elle était montée si haut, que déjà elle étendait
la main pour détrôner sa terrible adversaire et pour lui
arracher le sceptre. Ascension fatale parce que, sur ces hauteurs, l'Eglise
perdit ce qui avait fait sa force: la simplicité chrétienne,
la pureté de la vie, l'obéissance à Christ seul.
Affaiblie, elle succomba, tombant sous le coup de la justice divine, autant
que sous les violences d'une contre-réformation qui ne reculait
devant aucun moyen pour arriver à ses fins. Non moins de trente
mille protestants quittèrent la Bohème de 1625-1635, laissant
derrière eux une patrie moralement et matériellement ruinée.
Au milieu de la dévastation
cependant, des germes de vie échappèrent au bras de fer
du destructeur. En Moravie, en Bohème, dans les contrées
de Leitomischl et de Landscron surtout, quelques familles, appartenant
à l'Eglise de l'Unité, réussirent à se dérober
à la persécution, dépositaires choisis par Dieu des
vieilles et grandes traditions de l'Eglise de l'Unité. Ce sont
leurs descendants que nous retrouverons à Herrnhut, instruments
entre les mains de Dieu, pour faire revivre, sur les terres du comte de
Zinzendorf, un glorieux passé que Rome avait cru anéanti
à jamais.
Plus que cela. Revenue à
elle-même par son baptême de douleurs, s'arrachant aux étreintes
de l'Eglise nationale, l'Eglise de l'Unité effectua sous la conduite
de l'immortel Amos Coménius, une sortie officielle de la Bohême.
Eglise de l'exil, elle s'établit en Silésie, en Prusse,
en Hongrie, en Pologne. Mais de nouveaux malheurs ne se firent pas attendre
et hâtèrent sa dissolution. Voyant venir celle-ci, et désirant
conserver néanmoins à des générations futures
l'épiscopat morave, Coménius en transféra la charge
à Pierre Jablonsky, son gendre. La famille garda le précieux
dépôt jusqu'au jour, à peine espéré
par les hommes, mais prévu de Dieu, où Daniel-Ernest Jablonsky,
prédicateur de la cour de Berlin, consacra, dans la personne du
Morave David Nitschmann, le premier évêque de l'Eglise de
l'Unité renouvelée, appelée par Dieu à porter
jusqu'aux bouts de la terre l'Evangile de Jésus-Christ, le Sauveur:
Vocation glorieuse, échue en partage à la fille de cette
ancienne Eglise de l'Unité qui avait été balayée
de la surface du monde!
Table
des matières
Page suivante: INTRODUCTION:
II LE PIETISME ALLEMAND
Notes:
.(1)
Deux partis s'étaient formés parmi les Hussites: les Taborites
et les Utraquistes ou Calixtins, intransigeants les premiers, modérés
les seconds.
.(2)
Le clergé de l'Eglise de l'Unité se composait:
a) Des évêques (« séniors
») ayant le droit de consacrer les pasteurs, et l'obligation de visiter
les Eglises, mais sans diocèse.
b) Des prêtres, pasteurs des troupeaux,
chargés de la direction des cultes, de la cure d'âmes très
développée au sein de l'Eglise, et de l'exercice de la discipline
ecclésiastique.
c) Des diacres, appelés à seconder
les pasteurs dans leurs fonctions.
A partir de 1516, les pasteurs aimaient,
en outre, à recueillir dans leur maison des jeunes gens qualifiés
pour être formés au service de l'Eglise. On les appelait
les suivants (« akoluth »).
La direction générale de l'Eglise
était entre les mains d'un presbytère formé de dix
à treize membres, soit laïques soit ecclésiastiques.
A lui incombait le droit de nommer les pasteurs et de convoquer les synodes.
Le synode, une fois réuni, prenait
la place du presbytère. Etaient membres du synode: les frères
du presbytère, les pasteurs des troupeaux et les évêques.
Le mode d'élection du presbytère
nous est inconnu. Il parait cependant qu'en présence d'une vacance,
les troupeaux disposaient d'un droit de vote.
Chaque communauté, enfin, possédait
dans son sein un collège d'anciens sorti d'élections. Ces
fières assistaient le pasteur dans son activité en faveur
des pauvres et dans l'administration de la fortune communale. Ils jugeaient
aussi des différents survenus au sein du troupeau auquel il était
formellement défendu de recourir aux tribunaux.
A côté du collège d'anciens,
se trouvait un collège d'anciennes, composé de femmes âgées
et appelé à veiller sur la moralité des soeurs. Dans
leur nombre se prenaient les directrices pour les ménages de pasteurs
non mariés.
(3)
Jean Plitt.
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