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Félix
Neff (1797-1829)
L'APÔTRE DES HAUTES-ALPES
par Paul Ranc
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S’il y a un homme
qui fit peu de bruit dans sa courte vie, mais qui fit le bien comme jamais
dans ces lointaines contrées du Briançonnais, ce fut incontestablement
Félix Neff. Celui que l’on a appelé l’Apôtre des Hautes-Alpes
a exercé un ministère de quatre ans seulement, mais il a
laissé une telle trace que plus de cent ans après, les habitants
se souvinrent qu’un Genevois exerça par tous les temps un ministère
de prédication et de charité. Florimond Baridon, instituteur
de Freissinières, a consacré dans une "monographie
communale" un article élogieux sur Félix Neff. Il écrit
cette phrase qui résume tout simplement son ministère :
" Félix Neff rendit à des centaines d’êtres humains
le courage de vivre". 1
Ce fut certainement l’un
des hommes les plus extraordinaires que Dieu utilisa pour Son service.
Rien, absolument rien ne le prédestinait à aller dans les
hautes vallées du Champsaur, de l’Argentière ou de la Durance.
Que ce soit sur les chemins de Gap, Briançon, Freissinières,
Dormillouse, Viollins, Pallon, les cols du Lautaret ou d’Orcières.
Félix Neff, fruit
du Réveil de Genève 1817-1850
Le Réveil de Genève
du XIXème siècle (1810-1880) fut celui de la
naissance d’Eglises nouvelles, celles du Bourg-de-Four, de Pyt, Guers
et Gonthier et celle du Témoignage de César Malan, mais
aussi le renouveau de ministères d’évangélisation.
Ce Réveil s’étendit notamment en France.
Le Réveil de Genève
fut un retour à la Parole, mais aussi à l’action. Tout Réveil
digne de ce nom doit toucher les gens au plus profond de leur âme,
mais aussi de leur corps. Le Réveil doit toucher l’homme tout entier.
C’est dans ce sens que Félix Neff accomplit un travail spirituel
et humanitaire dans les Hautes-Alpes. Alice Weymiss, adversaire du Réveil,
a cependant écrit que Félix Neff, bien qu’il se fît
traiter de sectaire, "mérita
le titre d’Apôtre des Hautes-Alpes"
et que "son
influence se fait encore sentir" 2.
En quatre ans, Félix Neff entreprit pour cette région réputée
inhospitalière un travail dantesque quasi surhumain. Jamais homme,
mis à part David Brainerd, ne fit autant de choses en si peu de
temps. Alice Weymiss, à nouveau, est obligée de le reconnaître :
"Hiver comme été, il parcourait les sentiers montagneux
de son immense paroisse, guidé par des chasseurs de chamois. Jamais
on n’avait vu un pareil dévouement." 3.
1. Bref historique du
Réveil
En 1756 déjà,
l’article de l’Encyclopédie consacré à Genève
affirme que la majorité des pasteurs ne croient plus à la
divinité de Jésus-Christ. Rousseau ironise : "Ce
sont de curieuses personnes que Messieurs vos pasteurs : on ne sait ce
qu’ils croient ni ce qu’ils ne croient pas. On ne sait même pas
ce qu’ils font semblant de croire." 4.
Cinquante après, l’Eglise nationale du canton de Genève
est toujours en crise. Les Lumières ont continué à
faire des dégâts. Le rationalisme, l’avènement de
la pensée scientifique ont peu à peu miné la foi
des fidèles et, plus encore, des pasteurs et professeurs de théologie.
Du temps de Neff, les étudiants
en théologie recevaient de la part de leurs professeurs un enseignement
"chrétien", ou plus exactement humaniste. Ami Bost, dans
ses Mémoires le dit : "Cet
enseignement était en effet dans un triste état. La Bible
était inconnue dans les auditoires : on n’y ouvrait l’Ancien Testament
que pour apprendre un peu d’hébreu ; et le Nouveau Testament n’y
paraissait jamais car les étudiants savaient ou étaient
censés savoir le grec." 5
La Bible ? Un manuel pour l’apprentissage de l’hébreu et du grec
!
Il n’est pas nécessaire
d’être clairvoyant pour voir les fruits empoisonnés produits
par ces jeunes pasteurs consacrés. César Malan, le "héros
du Réveil", était lui aussi, avant sa conversion, dans
les ténèbres complètes. En 1813, il prononce plusieurs
fois le sermon d’après le texte de Philippiens 3:13 et 14 : " Je
cours vers le but pour remporter le prix de la vocation céleste
en Jésus-Christ. "
Le prédicateur établit que l’homme doit se sauver lui-même
par ses oeuvres et il reproche à ses auditeurs de n’être
pas assez riches en vertus pour mériter le ciel.
Et voici la conclusion :
" En voyant les vertus que vous aurez acquises vous ouvrir sans
peine la route à de nouvelles vertus, vous goûterez les délices
secrètes (...) le sentiment de vos progrès remplira vos
cœurs d’un doux espoir, et ce sera ainsi qu’en augmentant chaque jour
votre précieux trésor (...) avec lequel on achète
l’immortalité " 6.
On reste confondu, abasourdi,
des propos tenus par César Malan. Le lecteur comprendra aisément
pourquoi le Réveil était urgent et vital à Genève.
La divinité de Christ était rejetée, l’inspiration
de la Bible niée et l’assurance du salut n’existait pas. Peu à
peu, les temples devinrent des lieux de batailles dogmatiques…
La même année,
le 6 août, un ex-étudiant de théologie de la Faculté
de Genève, Henri-Louis Empaytaz (1796-1853) écrivait un
violent pamphlet à l’adresse des professeurs et aussi des étudiants,
qui fit l’effet d’une bombe, et dont les retombées furent longues
à se dissiper. Il critiquait violemment les professeurs de ne pas
enseigner la divinité de Jésus-Christ.
Ce pamphlet, intitulé
"Considérations sur la divinité de Jésus-Christ",
est adressé à Messieurs les étudiants de l’auditoire
de théologie de l’Eglise de Genève. Ce sont des accusations
violentes, mais pertinentes. Empaytaz ne dépouille pas moins de
197 sermons prêchés depuis un demi-siècle : pas une
seule affirmation de la divinité de Jésus-Christ ! Le catéchisme
ne fait pas non plus mention de la divinité de Jésus-Christ.
Pire, Empaytaz affirme que dans la nouvelle traduction de la Bible certains
passages sur la divinité de Jésus-Christ ont été
altérés...
Le brûlot d’Empaytaz
fait des dégâts. Les étudiants en théologie
(sous la présidence de Merle d’Aubigné) prennent la défense
du Consistoire 7.
Tous, sauf deux, Pyt et Guers, qui refusent de signer le manifeste. La
Compagnie des Pasteurs demande leur confession de foi écrite. Ils
recopient tout simplement une partie de la confession de foi de La Rochelle
! Le texte de Calvin et de Théodore de Bèze n’est pas reconnu.
Pire, ce texte, selon les professeurs, n’était qu’un ensemble de
doctrines propres à faire des hommes des brigands ! Sur ce
fait, un homme, venu de la lointaine Ecosse, arrive dans la cité
de Calvin…
Les braises de la bombe d’Empaytaz
étaient encore toutes chaudes quand arriva à Genève
un chrétien d’origine écossaise, Robert Haldane, ancien
officier de marine devenu évangéliste. Voyant leur ignorance
affligeante, Haldane commença chez lui, le 6 février 1817,
une étude détaillée de l’épître de Paul
aux Romains. Il y avait 8 étudiants au départ ; peu de temps
après, 20 à 30 soit presque tout l’auditoire. Cet
exposé de l’épître de Paul contribua à élever
la température spirituelle. Le message de Haldane était
résolument biblique. Pour lui, l’Ecriture était inspirée.
Son explication de Romains 9 est nettement calviniste. La doctrine de
l’élection par la grâce est remarquablement explicitée.
Haldane était un calviniste baptiste, mais il n’a jamais mis le
baptisme en avant. De même, il n’a jamais prêché la
séparation.
N’empêche, la marmite
continuait à chauffer dangereusement. César Malan qui s’était
converti en 1815 dans la cour d’un collège fait augmenter la pression
en prêchant publiquement le salut par grâce (mars 1817). La
guerre entre orthodoxes et libéraux est ouverte.
La marmite explosa le 3 mai
1817 : " Felix
culpa! " 8
La Compagnie des Pasteurs de Genève publia un règlement
que tous les pasteurs ou opposants devaient signer. Le règlement
interdisait de prêcher sur la divinité de Jésus-Christ,
sur le péché originel, sur l’opération de la grâce
et sur la prédestination. "Quatre
doctrines calvinistes fondamentales sont donc interdites de prédication
dans l’Eglise de Calvin" 9,
quatre doctrines
pauliniennes, augustiennes et calvinistes bannies des prédications.
Désormais, seule le déisme de Rousseau a valeur de foi à
Genève.
Les effets de ce règlement
ne se font pas attendre : Guers, Pyt et Gonthier (alors étudiant)
refusent de signer. César Malan qui venait de recevoir la consécration
pastorale signe, puis se rétracte. Mais la cassure était
faite avec l’Eglise officielle. Le 18 mai 1817, Pyt, Guers, Gonthier et
trois autres personnes (Porchat, Privat, Coulin) prennent la décision
de fonder une Eglise indépendante composée, en principe,
de vrais croyants.
Sous l’influence de Henry
Drummond (1786-1860) qui était séparatiste, la division
devint effective le 25 août 1817 et l’Eglise du Bourg-de-Four fut
fondée. La nouvelle Eglise connut un essor remarquable dès
ses débuts (3 pasteurs et plus de 300 membres). En 1839, un nouveau
lieu de culte fut inauguré : l’Eglise de la Pélisserie.
César Malan, de son côté, fonda à Genève
la Chapelle du Témoignage.
2. La conversion de Félix
Neff
Parmi les fruits du Réveil,
mentionnons la Société Evangélique de Genève
- fondée en 1831 - dont les fondateurs furent Louis Gaussen (son
ouvrage sur la Théopneustie des Ecritures est coté)
et Merle d’Aubigné. Autre fruit remarquable du Réveil :
Félix Neff, l’apôtre des Hautes-Alpes. Sa conversion fut
absolument extraordinaire et fut le point de départ d’un ministère
exceptionnel.
Félix Neff est né
à Genève le 8 octobre 1797. Sa mère l’éleva
et l’éduqua pratiquement seule. Son père, Jean-Henri Neff,
voltairien et membre du Comité de salut public, ne s’occupa jamais
de son fils. Le jeune Félix passa son enfance dans la campagne
genevoise. Déjà, l’enfant va étonner son entourage.
A trois ans, il lisait couramment ! Il étudia seul l’histoire,
la géographie et la botanique, sans savoir que, plus tard, il mettrait
en pratique toutes ces connaissances. A seize ans, alors qu’il est apprenti
jardinier, il écrit un traité de botanique, La culture
des arbres de haute futaie. Félix Neff aime les forêts
et les prés… D’ailleurs, il dira plus tard : "Je
n’ai étudié que trois livres : la Bible, mon cœur et
la nature ". Ce seront les trois
piliers du ministère de Félix Neff. La Bible, synonyme de
foi, le cœur, autrement dit l’amour de Dieu pour tous les hommes, et la
nature, la création de Dieu, sont au centre da sa vie, et plus
tard de son ministère.
A dix-sept ans, il entre dans
la "garde soldée", la police genevoise dont il devint
rapidement sergent. Sa tâche consistait à réprimer
les émeutes déclenchées par les adversaires de l’Eglise
du Bourg-de-Four ! Les "mômiers" étaient en
effet l’objet d’attaques très violentes. La compagnie de Félix
Neff intervint contre les adversaires du Réveil ! Cruel dilemme
: il approuvait l’action des émeutiers, et il devait défendre
les chrétiens ! L’état d’esprit du sergent à
l’égard des "réveillés" était claire :
"Comme
j’enfonce mon sabre dans cette herbe, ainsi je l’enfoncerai dans le ventre
du premier qui ira au secours de ces misérables " 10.
Pourtant, quelques jours après,
la vie de Félix Neff bascula ! D’adversaire acharné
qu’il était, il devint un chrétien fervent. Entre le 7 juillet
et le 7 août 1818, sa vie prend un tournant décisif. Tout
d’abord, la lecture de la Bible. Depuis quelques mois, le sergent Neff
lisait la Bible… Puis ce fut un traité intitulé Le miel
découlant du rocher que César Malan lui donna. Ami Bost
écrit : "L’esprit
d’analyse et de justesse qui le caractérisait, lui découvrait
le fond des actions les plus voilées et lui faisait voir les siennes
propres dans toute leur nudité. Force est de reconnaître
que ses meilleures œuvres et toute sa morale n’avaient au fond pour cause
et pour but que le moi, il se troublait ; et son angoisse augmentait
encore par son incrédulité. Croire et s’humilier devant
Dieu devint un besoin pressant ; il fallait alors une prière
qu’il nous a plusieurs fois répétée en racontant
sa conversion : "Ô mon Dieu, quelque Tu sois, fais-moi
connaître Ta vérité ; daigne Te manifester à
mon cœur". 11
Après cela, il intégra
l’Eglise du Bourg-de-Four !
3. L’appel des Hautes-Alpes
L’appel de Dieu pour Félix
Neff est un acte de la souveraineté divine. La devise "sauvé
pour servir" se vérifie pour Neff. Dès sa conversion
et jusqu’à son départ de la police survenu le 5 mars 1819,
il profite pour évangéliser en Suisse romande. Il prêche
dans des assemblées naissantes, exhorte et édifie. C’est
aussi un
ministère de réconciliation et d’amour. 12
Malgré sa jeunesse dans la foi, et bien entendu ses erreurs dues
à des excès de zèle, Neff accomplit un travail remarquable.
Puis entre 1821 et 1823, il
demeure dans le département de l’Isère. Trois mois à
Grenoble où il remplace un pasteur. Puis, il part pour Mens comme
suffragant. Là, son ministère porte du fruit. "Des
villages entiers renoncèrent à leurs fêtes et à
leurs divertissements".13
Bien entendu, il s’attira des oppositions, le pasteur en titre prêcha
violemment contre Félix Neff en décembre 1822.
Après un passage à
Londres pour se faire consacrer au ministère, Félix Neff
revient en France, et plus précisément dans les Hautes-Alpes.
Son ministère ne va
même pas durer 4 ans, d’octobre 1823 à juin 1827. Cependant
il traverse toute une région allant de St-Laurent-du-Cros à
St-Véran, en passant par Vars, Briançon, Gap, Embrun et
Freissinières, soit environ 300 km de tournée ! Le
tout à pied ! Eté comme hiver.
En moins de quatre ans, Félix
Neff va révolutionner une région tout entière rendant
aux habitants l’occasion de revivre tant socialement que spirituellement.
Pour ces Vaudois, issus de Pierre Valdo, la vie dans ces hautes vallées
alpines était devenue épouvantable.
Alors qu’aujourd’hui, il
faut quatre pasteurs avec voitures pour sillonner cette immense paroisse,
Félix Neff était tout seul et sans moyen de locomotion !
Amis et adversaires sont unanimes : Félix Neff est un véritable
héros de la foi. Son témoignage à la gloire de Dieu
fut immense. Quatre ans de ministère dans ces vallées reculées
et quasi inaccessibles en hiver. Le Réveil va littéralement
transformer cette région qui n’était qu’un désert
spirituel et moral. Un travail immense et gigantesque attend Félix
Neff. Tout est à construire !
Dans une de ses premières
lettres, Félix Neff écrit :
"Il
faut ici tout créer : architecture, agriculture, instruction.
Tout y est dans la première enfance. Beaucoup de maisons sont sans
cheminée et sans fenêtres. Toute la famille, pendant sept
mois d’hiver, croupit dans le fumier de l’étable qu’on ne nettoie
qu’une fois l’an. Le pain, qu’on ne cuit qu’une fois dans l’année,
est de seigle dur, grossièrement moulu, non tamisé. Si ce
pain vient à manquer, vers la fin de l’été, on cuit
des gâteaux sous la cendre, comme les Orientaux". 14
"L’œuvre
d’un évangéliste dans les Alpes ressemble beaucoup à
celle d’un missionnaire chez les sauvages ; car le peu de civilisation
que l’on trouve dans ces lieux est plutôt un obstacle qu’un secours.
De toutes les vallées que je visite, celle de Freissinières
est, sous ce rapport, la plus reculée ; […]. Les femmes y
sont traitées avec dureté, comme chez les peuples encore
barbares ; elles ne s’asseyent presque jamais ; elles s’agenouillent
ou s’accroupissent où elles se trouvent ; elles ne se mettent
point à table et ne mangent point avec les hommes ; ceux-ci
leur donnent quelques pièces de pain de pitance par-dessus l’épaule,
sans se retourner ; elles reçoivent cette chétive portion
en baisant la main, et en faisant une profonde révérence".
15
Voilà le pays et ses
habitants. Hallucinant !
Sur le plan du ministère,
le dévouement de Félix Neff fut inimaginable. C’est dans
cette région, l’une des plus reculées de France avec la
Drôme, que Félix va consacrer quatre ans de sa vie. Il ne
va pas dormir plus de cinq nuits consécutives dans le même
lieu, il va franchir les cols enneigés, il va "débarquer"
en des lieux et à des heures imprévisibles, tôt le
matin ou tard dans la nuit. Sans cesse, il est en route, et pourtant il
est partout. Jeunes ou vieux, hommes et femmes, parents ou enfants sont
l’objet de son amour fraternel. Tour à tour, pasteur, évangéliste,
prophète ou enseignant, ingénieur ou manœuvre, Félix
Neff se dépense sans compter. Un dévouement et un amour
sans bornes dévorent le chétif Neff.
Ses objectifs sont à
la fois sociaux et spirituels, comme pour, autrefois, Jean Frédéric
Oberlin (1740-1826) à Ban-la-Roche, en Alsace. Félix Neff
le dit lui-même : "Dès
mon arrivée, je pris cette vallée en affection et je ressentis
un ardent désir d’être pour elle un nouvel Oberlin."
16
Dans le même ordre
d’idées, nous lisons :
"Dans
ces tristes contrées, on ignore entièrement le soin des
malades ; s’ils se relèvent, ce n’est que la Providence toute
seule qui les guérit, car on ne leur donne pas même à
boire, si ce n’est quelquefois du vin. Rarement ont-ils le bonheur qu’on
leur accorde de l’eau froide. Je fis de la tisane à cette pauvre
femme, qui est mère de six petits enfants, et je la veillai cette
nuit-là pour lui en donner ; elle avait trop de fièvre
pour supporter la conversation ; je ne pus parler de rien."
17
Les héritiers de Pierre
Valdo, de même que ceux de Guillaume Farel, originaire de Gap, avaient
été quasiment exterminés par les catholiques. Seule
la région de Freissinières, cette froide vallée,
avait résisté aux assauts du catholicisme. Les habitants
avaient perdu leurs racines spirituelles, la piété était
inexistante. Le jeu, la danse, l’ivrognerie, les rixes sanglantes étaient
monnaie courante.
Non seulement, Félix
Neff fit un travail social remarquable, mais il fut le créateur
de la première école normale de France. En 1824, à
Dormillouse, à 1800 mètres d’altitude, dans une grange retapée,
Félix Neff fit venir une trentaine de jeunes gens pour les former.
Quatorze heures de travail intensif par jour et ces jeunes enseignants
deviendront une force vive pour toute cette région alpine.
Sur le plan spirituel, le
travail que Félix Neff accomplit fut énorme. Une des tâches
les plus importantes fut la formation des catéchumènes.
Des dizaines et des dizaines d’enfants ou d’adolescents n’avaient reçu
aucune instruction religieuse.
"Mais chez Neff, le
spirituel prenait toujours le pas sur le temporel et c'est à son
rôle de pasteur qu'il s’attacha le plus. Hiver comme été,
il parcourait les sentiers montagneux de son immense paroisse, guidé
par des chasseurs de chamois. Jamais on n'avait vu pareil dévouement.
Aussi prit-il un grand ascendant sur ses fidèles au point de provoquer
un Réveil dans la vallée de Freissinières".
18
Félix Neff prêchait
parfois avec rudesse. Cependant, c’était un homme sensible. Suite
à un deuil, il s’écria : "Je
viens, mes chers amis, mêler mes larmes aux vôtres. […] J’ai
rarement éprouvé une douleur plus vive qu’à la réception
de la nouvelle". 19
Félix Neff fit aussi
un travail de grande envergure parmi les catéchumènes. Sans
cesse, il réunissait les enfants et les adolescents pour les enseigner
dans la Parole. Ce ne fut pas facile, mais des dizaines de jeunes furent
amenés au Seigneur. Ce fut là les prémices du Réveil.
Par ailleurs, Neff organisa
des réunions d’édification. Les paroissiens se réunissaient
dans les étables, dans les granges, mais aussi dans les auberges
et les cabarets. Des chants de psaumes, des lectures bibliques, des méditations.
La Parole de Dieu était au centre de sa vie et de son ministère.
Finalement, il y eut un Réveil
à Freissinières. En avril 1825, lors de la semaine pascale,
il y eut un véritable renouveau spirituel. Lortsch écrit
ces lignes :
"Ainsi
se passa cette semaine vraiment sainte pour cette vallée. On ne
l’y avait jamais célébrée, mais pour cette fois,
c’était tout à fait fête ; on ne faisait pourtant
que lire, prier et pleurer ; la jeunesse surtout semblait animée
d’un même esprit ; et une flamme vivifiante semblait se communiquer
de l’un à l’autre, comme l’étincelle électrique.
Pendant ces huit jours, je n’ai pas eu en tout trente heures de repos ;
on ne connaissait plus ni jour ni nuit". 20
Félix Neff fut tout
surpris de ce Réveil. Il disait : "Les
rochers, les glaciers même, tout me semblait animé, et m’offrait
un spectacle riant. Ce paysage sauvage me devint agréable et cher
du moment qu’il fut habité par des frères".21
Conclusion
La vallée de Fressinières
fut le lieu d’où partit le Réveil. Le Temple de Dormillouse
fut un haut lieu d’où essaima le message de l’Evangile dans le
Queyras, le Champsaur, etc.. Le Réveil spirituel fut indissociable
du renouveau sociologique. Les habitants de ces hautes vallées
alpines vivaient comme des bêtes avec les bêtes. L’œuvre de
Félix Neff en aura fait des hommes et des femmes, dignes d’être
des créatures de Dieu. Non seulement des centaines d’hommes et
de femmes furent transformées dans leur vie spirituelle, mais toute
une région réapprit à vivre !
Le miracle de l’Esprit, c’est
de travailler dans un milieu grossier et corrompu et de produire un fruit
de repentance et de conversion. Le miracle de la Parole, c’est qu’une
Société biblique fut créée et que désormais
chacun et chacune pouvait posséder une Bible. Le niveau moral s’éleva,
les églises se remplirent, les habitants réapprirent à
cultiver, à construire des maisons, et l’hygiène de vie
augmenta. Désormais, les humains vivaient dans une vraie maison,
et ne cohabitaient plus avec le bétail.
Le souvenir de Félix
Neff sera sur cette terre impérissable. La gloire de Dieu est éternelle.
Dieu a choisi Oberlin en
Alsace. Il va exercer son ministère durant soixante ans.
Dieu a choisi Neff pour les
Hautes-Alpes. Il va exercer son ministère durant moins de quatre
ans.
Mystère du plan de
Dieu !
Seigneur,voici notre prière :
Envoie-nous d’urgence des Oberlin et des Neff !
Notes:
- F.
Baridon, Le Val de Freissinières, p. 49. Louis Jean, Imprimeur-Editeur,
Gap, 1934.
- A. Weymyss, Histoire du Réveil,
p. 128. Les Bergers et les Mages, Paris, 1977.
- A.
Weymiss, ibid., p. 130.
- In
J. Blandenier, Le Réveil, p. 6. Editions "Je sème",
sd.
- Léon Maury. Le réveil
religieux dans l’Eglise réformée à Genève
et en France, Tome I, p. 21. Librairie Fischbacher, 1892, Paris.
- Léon Maury, ibid., p.
110.
- Jean-Henri
Merle d’Aubigné (1794-1872) prendra peu de temps après
(le jour de sa consécration au ministère, le 3 juillet
1817) la décision "de prêcher Jésus-Christ
et Jésus-Christ crucifié"… A partir de ce moment-là,
il fut acquis aux idées du Réveil.
- Du
latin, "heureuse faute" ! La décision de la compagnie
des pasteurs va provoquer la division et donner naissance à des
Eglises indépendantes.
- J.
Blandenier, ibid., p. 7.
- E. Guers, Le premier Réveil,
p. 149.
- A. Bost, Lettres, t. 1, p.
39.
- Félix Neff a toujours été
opposé à la séparation.
- A. Blanc, Mélanges historiques.
- B. Vallotton, Félix Neff,
p. 78.
- S. Lortsch, Félix Neff,
p. 8
- B. Vallotton, ibid., p. 80.
- F. Neff, Lettres, tome I,
p. 428.
- A. Weymiss, Histoire du Réveil,
p. 130.
- F. Neff, ibid., tome II,
p. 270.
- S. Lortsch, Félix Neff,
p. 136.
- S. Lortsch, ibid., pp. 144-145.
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