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Félix NeffFélix Neff (1797-1829)
L'APÔTRE DES HAUTES-ALPES
par Paul Ranc

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S’il y a un homme qui fit peu de bruit dans sa courte vie, mais qui fit le bien comme jamais dans ces lointaines contrées du Briançonnais, ce fut incontestablement Félix Neff. Celui que l’on a appelé l’Apôtre des Hautes-Alpes a exercé un ministère de quatre ans seulement, mais il a laissé une telle trace que plus de cent ans après, les habitants se souvinrent qu’un Genevois exerça par tous les temps un ministère de prédication et de charité. Florimond Baridon, instituteur de Freissinières, a consacré dans une "monographie communale" un article élogieux sur Félix Neff. Il écrit cette phrase qui résume tout simplement son ministère : " Félix Neff rendit à des centaines d’êtres humains le courage de vivre". 1

Ce fut certainement l’un des hommes les plus extraordinaires que Dieu utilisa pour Son service. Rien, absolument rien ne le prédestinait à aller dans les hautes vallées du Champsaur, de l’Argentière ou de la Durance. Que ce soit sur les chemins de Gap, Briançon, Freissinières, Dormillouse, Viollins, Pallon, les cols du Lautaret ou d’Orcières.

 

Félix Neff, fruit du Réveil de Genève 1817-1850

Le Réveil de Genève du XIXème siècle (1810-1880) fut celui de la naissance d’Eglises nouvelles, celles du Bourg-de-Four, de Pyt, Guers et Gonthier et celle du Témoignage de César Malan, mais aussi le renouveau de ministères d’évangélisation. Ce Réveil s’étendit notamment en France.

Le Réveil de Genève fut un retour à la Parole, mais aussi à l’action. Tout Réveil digne de ce nom doit toucher les gens au plus profond de leur âme, mais aussi de leur corps. Le Réveil doit toucher l’homme tout entier. C’est dans ce sens que Félix Neff accomplit un travail spirituel et humanitaire dans les Hautes-Alpes. Alice Weymiss, adversaire du Réveil, a cependant écrit que Félix Neff, bien qu’il se fît traiter de sectaire, "mérita le titre d’Apôtre des Hautes-Alpes" et que "son influence se fait encore sentir" 2. En quatre ans, Félix Neff entreprit pour cette région réputée inhospitalière un travail dantesque quasi surhumain. Jamais homme, mis à part David Brainerd, ne fit autant de choses en si peu de temps. Alice Weymiss, à nouveau, est obligée de le reconnaître : "Hiver comme été, il parcourait les sentiers montagneux de son immense paroisse, guidé par des chasseurs de chamois. Jamais on n’avait vu un pareil dévouement." 3.

 

1. Bref historique du Réveil

En 1756 déjà, l’article de l’Encyclopédie consacré à Genève affirme que la majorité des pasteurs ne croient plus à la divinité de Jésus-Christ. Rousseau ironise : "Ce sont de curieuses personnes que Messieurs vos pasteurs : on ne sait ce qu’ils croient ni ce qu’ils ne croient pas. On ne sait même pas ce qu’ils font semblant de croire." 4. Cinquante après, l’Eglise nationale du canton de Genève est toujours en crise. Les Lumières ont continué à faire des dégâts. Le rationalisme, l’avènement de la pensée scientifique ont peu à peu miné la foi des fidèles et, plus encore, des pasteurs et professeurs de théologie.

Du temps de Neff, les étudiants en théologie recevaient de la part de leurs professeurs un enseignement "chrétien", ou plus exactement humaniste. Ami Bost, dans ses Mémoires le dit : "Cet enseignement était en effet dans un triste état. La Bible était inconnue dans les auditoires : on n’y ouvrait l’Ancien Testament que pour apprendre un peu d’hébreu ; et le Nouveau Testament n’y paraissait jamais car les étudiants savaient ou étaient censés savoir le grec." 5 La Bible ? Un manuel pour l’apprentissage de l’hébreu et du grec !

Il n’est pas nécessaire d’être clairvoyant pour voir les fruits empoisonnés produits par ces jeunes pasteurs consacrés. César Malan, le "héros du Réveil", était lui aussi, avant sa conversion, dans les ténèbres complètes. En 1813, il prononce plusieurs fois le sermon d’après le texte de Philippiens 3:13 et 14 : Je cours vers le but pour remporter le prix de la vocation céleste en Jésus-Christ. " Le prédicateur établit que l’homme doit se sauver lui-même par ses oeuvres et il reproche à ses auditeurs de n’être pas assez riches en vertus pour mériter le ciel.

Et voici la conclusion : " En voyant les vertus que vous aurez acquises vous ouvrir sans peine la route à de nouvelles vertus, vous goûterez les délices secrètes (...) le sentiment de vos progrès remplira vos cœurs d’un doux espoir, et ce sera ainsi qu’en augmentant chaque jour votre précieux trésor (...) avec lequel on achète l’immortalité " 6.

On reste confondu, abasourdi, des propos tenus par César Malan. Le lecteur comprendra aisément pourquoi le Réveil était urgent et vital à Genève. La divinité de Christ était rejetée, l’inspiration de la Bible niée et l’assurance du salut n’existait pas. Peu à peu, les temples devinrent des lieux de batailles dogmatiques…

La même année, le 6 août, un ex-étudiant de théologie de la Faculté de Genève, Henri-Louis Empaytaz (1796-1853) écrivait un violent pamphlet à l’adresse des professeurs et aussi des étudiants, qui fit l’effet d’une bombe, et dont les retombées furent longues à se dissiper. Il critiquait violemment les professeurs de ne pas enseigner la divinité de Jésus-Christ.

Ce pamphlet, intitulé "Considérations sur la divinité de Jésus-Christ", est adressé à Messieurs les étudiants de l’auditoire de théologie de l’Eglise de Genève. Ce sont des accusations violentes, mais pertinentes. Empaytaz ne dépouille pas moins de 197 sermons prêchés depuis un demi-siècle : pas une seule affirmation de la divinité de Jésus-Christ ! Le catéchisme ne fait pas non plus mention de la divinité de Jésus-Christ. Pire, Empaytaz affirme que dans la nouvelle traduction de la Bible certains passages sur la divinité de Jésus-Christ ont été altérés...

Le brûlot d’Empaytaz fait des dégâts. Les étudiants en théologie (sous la présidence de Merle d’Aubigné) prennent la défense du Consistoire 7. Tous, sauf deux, Pyt et Guers, qui refusent de signer le manifeste. La Compagnie des Pasteurs demande leur confession de foi écrite. Ils recopient tout simplement une partie de la confession de foi de La Rochelle ! Le texte de Calvin et de Théodore de Bèze n’est pas reconnu. Pire, ce texte, selon les professeurs, n’était qu’un ensemble de doctrines propres à faire des hommes des brigands ! Sur ce fait, un homme, venu de la lointaine Ecosse, arrive dans la cité de Calvin…

Les braises de la bombe d’Empaytaz étaient encore toutes chaudes quand arriva à Genève un chrétien d’origine écossaise, Robert Haldane, ancien officier de marine devenu évangéliste. Voyant leur ignorance affligeante, Haldane commença chez lui, le 6 février 1817, une étude détaillée de l’épître de Paul aux Romains. Il y avait 8 étudiants au départ ; peu de temps après, 20 à 30 soit presque tout l’auditoire. Cet exposé de l’épître de Paul contribua à élever la température spirituelle. Le message de Haldane était résolument biblique. Pour lui, l’Ecriture était inspirée. Son explication de Romains 9 est nettement calviniste. La doctrine de l’élection par la grâce est remarquablement explicitée. Haldane était un calviniste baptiste, mais il n’a jamais mis le baptisme en avant. De même, il n’a jamais prêché la séparation.

N’empêche, la marmite continuait à chauffer dangereusement. César Malan qui s’était converti en 1815 dans la cour d’un collège fait augmenter la pression en prêchant publiquement le salut par grâce (mars 1817). La guerre entre orthodoxes et libéraux est ouverte.

La marmite explosa le 3 mai 1817 : Felix culpa! " 8 La Compagnie des Pasteurs de Genève publia un règlement que tous les pasteurs ou opposants devaient signer. Le règlement interdisait de prêcher sur la divinité de Jésus-Christ, sur le péché originel, sur l’opération de la grâce et sur la prédestination. "Quatre doctrines calvinistes fondamentales sont donc interdites de prédication dans l’Eglise de Calvin" 9, quatre doctrines pauliniennes, augustiennes et calvinistes bannies des prédications. Désormais, seule le déisme de Rousseau a valeur de foi à Genève.

Les effets de ce règlement ne se font pas attendre : Guers, Pyt et Gonthier (alors étudiant) refusent de signer. César Malan qui venait de recevoir la consécration pastorale signe, puis se rétracte. Mais la cassure était faite avec l’Eglise officielle. Le 18 mai 1817, Pyt, Guers, Gonthier et trois autres personnes (Porchat, Privat, Coulin) prennent la décision de fonder une Eglise indépendante composée, en principe, de vrais croyants.

Sous l’influence de Henry Drummond (1786-1860) qui était séparatiste, la division devint effective le 25 août 1817 et l’Eglise du Bourg-de-Four fut fondée. La nouvelle Eglise connut un essor remarquable dès ses débuts (3 pasteurs et plus de 300 membres). En 1839, un nouveau lieu de culte fut inauguré : l’Eglise de la Pélisserie. César Malan, de son côté, fonda à Genève la Chapelle du Témoignage.

 

2. La conversion de Félix Neff

Parmi les fruits du Réveil, mentionnons la Société Evangélique de Genève - fondée en 1831 - dont les fondateurs furent Louis Gaussen (son ouvrage sur la Théopneustie des Ecritures est coté) et Merle d’Aubigné. Autre fruit remarquable du Réveil : Félix Neff, l’apôtre des Hautes-Alpes. Sa conversion fut absolument extraordinaire et fut le point de départ d’un ministère exceptionnel.

Félix Neff est né à Genève le 8 octobre 1797. Sa mère l’éleva et l’éduqua pratiquement seule. Son père, Jean-Henri Neff, voltairien et membre du Comité de salut public, ne s’occupa jamais de son fils. Le jeune Félix passa son enfance dans la campagne genevoise. Déjà, l’enfant va étonner son entourage. A trois ans, il lisait couramment ! Il étudia seul l’histoire, la géographie et la botanique, sans savoir que, plus tard, il mettrait en pratique toutes ces connaissances. A seize ans, alors qu’il est apprenti jardinier, il écrit un traité de botanique, La culture des arbres de haute futaie. Félix Neff aime les forêts et les prés… D’ailleurs, il dira plus tard : "Je n’ai étudié que trois livres : la Bible, mon cœur et la nature ". Ce seront les trois piliers du ministère de Félix Neff. La Bible, synonyme de foi, le cœur, autrement dit l’amour de Dieu pour tous les hommes, et la nature, la création de Dieu, sont au centre da sa vie, et plus tard de son ministère.

A dix-sept ans, il entre dans la "garde soldée", la police genevoise dont il devint rapidement sergent. Sa tâche consistait à réprimer les émeutes déclenchées par les adversaires de l’Eglise du Bourg-de-Four ! Les "mômiers" étaient en effet l’objet d’attaques très violentes. La compagnie de Félix Neff intervint contre les adversaires du Réveil ! Cruel dilemme : il approuvait l’action des émeutiers, et il devait défendre les chrétiens ! L’état d’esprit du sergent à l’égard des "réveillés" était claire : "Comme j’enfonce mon sabre dans cette herbe, ainsi je l’enfoncerai dans le ventre du premier qui ira au secours de ces misérables " 10.

Pourtant, quelques jours après, la vie de Félix Neff bascula ! D’adversaire acharné qu’il était, il devint un chrétien fervent. Entre le 7 juillet et le 7 août 1818, sa vie prend un tournant décisif. Tout d’abord, la lecture de la Bible. Depuis quelques mois, le sergent Neff lisait la Bible… Puis ce fut un traité intitulé Le miel découlant du rocher que César Malan lui donna. Ami Bost écrit : "L’esprit d’analyse et de justesse qui le caractérisait, lui découvrait le fond des actions les plus voilées et lui faisait voir les siennes propres dans toute leur nudité. Force est de reconnaître que ses meilleures œuvres et toute sa morale n’avaient au fond pour cause et pour but que le moi, il se troublait ; et son angoisse augmentait encore par son incrédulité. Croire et s’humilier devant Dieu devint un besoin pressant ; il fallait alors une prière qu’il nous a plusieurs fois répétée en racontant sa conversion : "Ô mon Dieu, quelque Tu sois, fais-moi connaître Ta vérité ; daigne Te manifester à mon cœur". 11

Après cela, il intégra l’Eglise du Bourg-de-Four !

 

3. L’appel des Hautes-Alpes

L’appel de Dieu pour Félix Neff est un acte de la souveraineté divine. La devise "sauvé pour servir" se vérifie pour Neff. Dès sa conversion et jusqu’à son départ de la police survenu le 5 mars 1819, il profite pour évangéliser en Suisse romande. Il prêche dans des assemblées naissantes, exhorte et édifie. C’est aussi un ministère de réconciliation et d’amour. 12 Malgré sa jeunesse dans la foi, et bien entendu ses erreurs dues à des excès de zèle, Neff accomplit un travail remarquable.

Puis entre 1821 et 1823, il demeure dans le département de l’Isère. Trois mois à Grenoble où il remplace un pasteur. Puis, il part pour Mens comme suffragant. Là, son ministère porte du fruit. "Des villages entiers renoncèrent à leurs fêtes et à leurs divertissements".13 Bien entendu, il s’attira des oppositions, le pasteur en titre prêcha violemment contre Félix Neff en décembre 1822.

Après un passage à Londres pour se faire consacrer au ministère, Félix Neff revient en France, et plus précisément dans les Hautes-Alpes.

Son ministère ne va même pas durer 4 ans, d’octobre 1823 à juin 1827. Cependant il traverse toute une région allant de St-Laurent-du-Cros à St-Véran, en passant par Vars, Briançon, Gap, Embrun et Freissinières, soit environ 300 km de tournée ! Le tout à pied ! Eté comme hiver.

En moins de quatre ans, Félix Neff va révolutionner une région tout entière rendant aux habitants l’occasion de revivre tant socialement que spirituellement. Pour ces Vaudois, issus de Pierre Valdo, la vie dans ces hautes vallées alpines était devenue épouvantable.

Alors qu’aujourd’hui, il faut quatre pasteurs avec voitures pour sillonner cette immense paroisse, Félix Neff était tout seul et sans moyen de locomotion ! Amis et adversaires sont unanimes : Félix Neff est un véritable héros de la foi. Son témoignage à la gloire de Dieu fut immense. Quatre ans de ministère dans ces vallées reculées et quasi inaccessibles en hiver. Le Réveil va littéralement transformer cette région qui n’était qu’un désert spirituel et moral. Un travail immense et gigantesque attend Félix Neff. Tout est à construire !

Dans une de ses premières lettres, Félix Neff écrit :

"Il faut ici tout créer : architecture, agriculture, instruction. Tout y est dans la première enfance. Beaucoup de maisons sont sans cheminée et sans fenêtres. Toute la famille, pendant sept mois d’hiver, croupit dans le fumier de l’étable qu’on ne nettoie qu’une fois l’an. Le pain, qu’on ne cuit qu’une fois dans l’année, est de seigle dur, grossièrement moulu, non tamisé. Si ce pain vient à manquer, vers la fin de l’été, on cuit des gâteaux sous la cendre, comme les Orientaux". 14

"L’œuvre d’un évangéliste dans les Alpes ressemble beaucoup à celle d’un missionnaire chez les sauvages ; car le peu de civilisation que l’on trouve dans ces lieux est plutôt un obstacle qu’un secours. De toutes les vallées que je visite, celle de Freissinières est, sous ce rapport, la plus reculée ; […]. Les femmes y sont traitées avec dureté, comme chez les peuples encore barbares ; elles ne s’asseyent presque jamais ; elles s’agenouillent ou s’accroupissent où elles se trouvent ; elles ne se mettent point à table et ne mangent point avec les hommes ; ceux-ci leur donnent quelques pièces de pain de pitance par-dessus l’épaule, sans se retourner ; elles reçoivent cette chétive portion en baisant la main, et en faisant une profonde révérence". 15

Voilà le pays et ses habitants. Hallucinant !

Sur le plan du ministère, le dévouement de Félix Neff fut inimaginable. C’est dans cette région, l’une des plus reculées de France avec la Drôme, que Félix va consacrer quatre ans de sa vie. Il ne va pas dormir plus de cinq nuits consécutives dans le même lieu, il va franchir les cols enneigés, il va "débarquer" en des lieux et à des heures imprévisibles, tôt le matin ou tard dans la nuit. Sans cesse, il est en route, et pourtant il est partout. Jeunes ou vieux, hommes et femmes, parents ou enfants sont l’objet de son amour fraternel. Tour à tour, pasteur, évangéliste, prophète ou enseignant, ingénieur ou manœuvre, Félix Neff se dépense sans compter. Un dévouement et un amour sans bornes dévorent le chétif Neff.

Ses objectifs sont à la fois sociaux et spirituels, comme pour, autrefois, Jean Frédéric Oberlin (1740-1826) à Ban-la-Roche, en Alsace. Félix Neff le dit lui-même : "Dès mon arrivée, je pris cette vallée en affection et je ressentis un ardent désir d’être pour elle un nouvel Oberlin." 16

Dans le même ordre d’idées, nous lisons :

"Dans ces tristes contrées, on ignore entièrement le soin des malades ; s’ils se relèvent, ce n’est que la Providence toute seule qui les guérit, car on ne leur donne pas même à boire, si ce n’est quelquefois du vin. Rarement ont-ils le bonheur qu’on leur accorde de l’eau froide. Je fis de la tisane à cette pauvre femme, qui est mère de six petits enfants, et je la veillai cette nuit-là pour lui en donner ; elle avait trop de fièvre pour supporter la conversation ; je ne pus parler de rien." 17

Les héritiers de Pierre Valdo, de même que ceux de Guillaume Farel, originaire de Gap, avaient été quasiment exterminés par les catholiques. Seule la région de Freissinières, cette froide vallée, avait résisté aux assauts du catholicisme. Les habitants avaient perdu leurs racines spirituelles, la piété était inexistante. Le jeu, la danse, l’ivrognerie, les rixes sanglantes étaient monnaie courante.

Non seulement, Félix Neff fit un travail social remarquable, mais il fut le créateur de la première école normale de France. En 1824, à Dormillouse, à 1800 mètres d’altitude, dans une grange retapée, Félix Neff fit venir une trentaine de jeunes gens pour les former. Quatorze heures de travail intensif par jour et ces jeunes enseignants deviendront une force vive pour toute cette région alpine.

Sur le plan spirituel, le travail que Félix Neff accomplit fut énorme. Une des tâches les plus importantes fut la formation des catéchumènes. Des dizaines et des dizaines d’enfants ou d’adolescents n’avaient reçu aucune instruction religieuse.

"Mais chez Neff, le spirituel prenait toujours le pas sur le temporel et c'est à son rôle de pasteur qu'il s’attacha le plus. Hiver comme été, il parcourait les sentiers montagneux de son immense paroisse, guidé par des chasseurs de chamois. Jamais on n'avait vu pareil dévouement. Aussi prit-il un grand ascendant sur ses fidèles au point de provoquer un Réveil dans la vallée de Freissinières". 18

Félix Neff prêchait parfois avec rudesse. Cependant, c’était un homme sensible. Suite à un deuil, il s’écria : "Je viens, mes chers amis, mêler mes larmes aux vôtres. […] J’ai rarement éprouvé une douleur plus vive qu’à la réception de la nouvelle". 19

Félix Neff fit aussi un travail de grande envergure parmi les catéchumènes. Sans cesse, il réunissait les enfants et les adolescents pour les enseigner dans la Parole. Ce ne fut pas facile, mais des dizaines de jeunes furent amenés au Seigneur. Ce fut là les prémices du Réveil.

Par ailleurs, Neff organisa des réunions d’édification. Les paroissiens se réunissaient dans les étables, dans les granges, mais aussi dans les auberges et les cabarets. Des chants de psaumes, des lectures bibliques, des méditations. La Parole de Dieu était au centre de sa vie et de son ministère.

Finalement, il y eut un Réveil à Freissinières. En avril 1825, lors de la semaine pascale, il y eut un véritable renouveau spirituel. Lortsch écrit ces lignes :

"Ainsi se passa cette semaine vraiment sainte pour cette vallée. On ne l’y avait jamais célébrée, mais pour cette fois, c’était tout à fait fête ; on ne faisait pourtant que lire, prier et pleurer ; la jeunesse surtout semblait animée d’un même esprit ; et une flamme vivifiante semblait se communiquer de l’un à l’autre, comme l’étincelle électrique. Pendant ces huit jours, je n’ai pas eu en tout trente heures de repos ; on ne connaissait plus ni jour ni nuit". 20

Félix Neff fut tout surpris de ce Réveil. Il disait : "Les rochers, les glaciers même, tout me semblait animé, et m’offrait un spectacle riant. Ce paysage sauvage me devint agréable et cher du moment qu’il fut habité par des frères".21

 

Conclusion

La vallée de Fressinières fut le lieu d’où partit le Réveil. Le Temple de Dormillouse fut un haut lieu d’où essaima le message de l’Evangile dans le Queyras, le Champsaur, etc.. Le Réveil spirituel fut indissociable du renouveau sociologique. Les habitants de ces hautes vallées alpines vivaient comme des bêtes avec les bêtes. L’œuvre de Félix Neff en aura fait des hommes et des femmes, dignes d’être des créatures de Dieu. Non seulement des centaines d’hommes et de femmes furent transformées dans leur vie spirituelle, mais toute une région réapprit à vivre !

Le miracle de l’Esprit, c’est de travailler dans un milieu grossier et corrompu et de produire un fruit de repentance et de conversion. Le miracle de la Parole, c’est qu’une Société biblique fut créée et que désormais chacun et chacune pouvait posséder une Bible. Le niveau moral s’éleva, les églises se remplirent, les habitants réapprirent à cultiver, à construire des maisons, et l’hygiène de vie augmenta. Désormais, les humains vivaient dans une vraie maison, et ne cohabitaient plus avec le bétail.

Le souvenir de Félix Neff sera sur cette terre impérissable. La gloire de Dieu est éternelle.

Dieu a choisi Oberlin en Alsace. Il va exercer son ministère durant soixante ans.

Dieu a choisi Neff pour les Hautes-Alpes. Il va exercer son ministère durant moins de quatre ans.

Mystère du plan de Dieu !

Seigneur,voici notre prière : Envoie-nous d’urgence des Oberlin et des Neff !

Notes:

  1. F. Baridon, Le Val de Freissinières, p. 49. Louis Jean, Imprimeur-Editeur, Gap, 1934.
  2. A. Weymyss, Histoire du Réveil, p. 128. Les Bergers et les Mages, Paris, 1977.
  3. A. Weymiss, ibid., p. 130.
  4. In J. Blandenier, Le Réveil, p. 6. Editions "Je sème", sd.
  5. Léon Maury. Le réveil religieux dans l’Eglise réformée à Genève et en France, Tome I, p. 21. Librairie Fischbacher, 1892, Paris.
  6. Léon Maury, ibid., p. 110.
  7. Jean-Henri Merle d’Aubigné (1794-1872) prendra peu de temps après (le jour de sa consécration au ministère, le 3 juillet 1817) la décision "de prêcher Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié"… A partir de ce moment-là, il fut acquis aux idées du Réveil.
  8. Du latin, "heureuse faute" ! La décision de la compagnie des pasteurs va provoquer la division et donner naissance à des Eglises indépendantes.
  9. J. Blandenier, ibid., p. 7.
  10. E. Guers, Le premier Réveil, p. 149.
  11. A. Bost, Lettres, t. 1, p. 39.
  12. Félix Neff a toujours été opposé à la séparation.
  13. A. Blanc, Mélanges historiques.
  14. B. Vallotton, Félix Neff, p. 78.
  15. S. Lortsch, Félix Neff, p. 8
  16. B. Vallotton, ibid., p. 80.
  17. F. Neff, Lettres, tome I, p. 428.
  18. A. Weymiss, Histoire du Réveil, p. 130.
  19. F. Neff, ibid., tome II, p. 270.
  20. S. Lortsch, Félix Neff, p. 136.
  21. S. Lortsch, ibid., pp. 144-145.

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