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Consacrées au Réveil
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Par Jean-Marc Berthoud
Il existe évidemment
divers types de pensée « théonomique. » J’écrivais récemment à un ami
pasteur réformé confesssant ce qui suit : Pour ce
qui concerne ma lecture du Décalogue, je me base sur les principes suivants
dans mes prédications détaillées consacrées aux Dix Commandements. 1/
Les Dix Paroles données à Moïse par
Jésus-Christ au Mont Sinaï peuvent être considérées comme constituant les premiers
principes de toute pensée éthique, tout comme les premiers chapitres de la
Genèse contiennent les premiers principes de la métaphysique, de l’ontologie et
de l’épistémologie. 2/
Ces principes éthiques existaient bien
avant leur première formulation explicite au Mont Sinaï, et sont l’expression
de ce qui se trouve au cœur du caractère juste et saint de Dieu et, par
conséquent, de la loi naturelle (créationnelle), exprimant l’ordre de la
création. 3/
Ils doivent toujours être compris en
fonction de l’application casuistique détaillée du Décalogue contenue dans la
Torah. 4/
Ils doivent être lus à la lumière de la
littérature sapientiale biblique. 5/
Leur compréhension est rendue plus
explicite par l’enseignement des Prophètes. 6/
Ils doivent être compris à la lumière
de l’enseignement de Jésus-Christ (leur Auteur) tel que nous le trouvons dans
les Évangiles. 7/
Enfin, il faut soigneusement considérer
l’enseignement des Apôtres pour avoir une compréhension correcte du Décalogue. Cette
manière de procéder conduit à une compréhension très précise des exigences de
la Loi de Dieu et nous donne une grande clarté quant à leur application
présente ainsi qu’à leur application en tous lieux et de tout temps. En
conclusion, les Dix paroles ou Décalogue doivent être lues a) dans la lumière
précise de l’application casuistique des lois bibliques ; b) comme devant
être appliquées aux cas particuliers avec sagesse ; c) comme devant être
comprises à la lumière plus complète des enseignements de la Nouvelle Alliance ;
d) en harmonie avec l’ordre naturel, l’ordre créationnel. ****** A
un professeur de théologie aux convictions réformées confessantes j’écrivais
aussi récemment au sujet de la distinction thomiste et calviniste classique
entre loi morale, loi cérémonielle et loi judiciaire ce qui suit : Mes questions
demeurent : 1/
Quelle justification véritablement
biblique trouvons-nous pour la triple distinction Thomiste-Calviniste entre les
lois morales, cérémonielles et judiciaires ? 2/
Si la distinction entre la loi
morale/judiciaire et la loi cérémonielle est parfaitement bien attestée dans le
Nouveau Testament, où trouvons-nous dans la Bible – en dehors de Deutéronome
6 : 1, texte qui ne prouve rien – la triple distinction défendue par Thomas
d’Aquin et Jean Calvin ? 3/
Comment distinguer la loi morale de la
loi judiciaire ? Prenez le neuvième commandement que j’étudie présentement
et sur lequel je prêche régulièrement. Est-ce une loi judiciaire ou
morale ? Il a certainement la forme d’une loi judiciaire, traitant comme
il le fait du faux témoignage devant un tribunal. Mais ses applications morales
n’en sont pas moins, elles aussi, évidentes. Comme cela est très courant dans
le Décalogue, les Dix Paroles semblent en général commencer par formuler l’interdiction
du crime le plus radical – cas éminemment juridique – répréhension qui couvre
sous son autorité toute infraction semblable placée sous cette interdiction. 4/
Je ferais ici un pas
supplémentaire : Les Dix Commandements (à l’exception sans doute du
dixième qui traite des motivations de celui qui commet l’infraction) ne
sont-ils pas tous des ordres simultanément judiciaires, moraux et
théologiques ? Le sixième commandement, par exemple, n’ordonne pas
simplement : « Tu ne tueras pas », interdiction essentiellement
morale, mais prend une forme à proprement judiciaire en décrétant : Tu ne commettras pas de meurtre (Exode
20 : 13 et Deutéronome 5 : 17). 5/
La distinction entre « loi
morale » et « loi judiciaire » substitue un homme imaginaire à
l’homme réel car il s’agirait en ce cas d’un homme qui ne serait pas à la fois
individu et « animal politique », c’est-à-dire un être personnel et
social. Tout notre comportement moral (je ne parle pas ici de nos motivations
qui relèvent de notre cœur pécheur, un véritable abîme) se rapporte
inévitablement à autrui : ou à Dieu ou à notre prochain. Il a donc un
caractère social. 6/
La bonne problématique n’est donc pas
d’opposer le moral au judiciaire (selon un mode de penser binaire), mais de se
demander : Quelles étaient les lois bibliques – à la fois nécessairement
morales et judicaires – qui s’appliquaient spécifiquement à l’Israël de
l’Ancien Testament et quelles sont celles qui ont une valeur universelle,
relevant de ce qu’on appelle l’« équité générale » ou « loi
naturelle ». Formulé autrement, on peut se poser la question :
Existe-t-il des lois morales / judiciaires dans la Torah, spécifiques à
l’Israël biblique ? Voici la question qui me semble ici être la seule
pertinente. Nous devons constater ici que le quatrième commandement, relatif au
Sabbat, n’est pas retenu comme tel dans la Nouvelle Alliance. La célébration du
dernier jour de l’ancienne création – le samedi – passe avec la Nouvelle
Alliance, à celle du premier jour de la nouvelle – le dimanche, dans un sens,
comme l’indique Hilaire de Poitiers, le huitième jour de la semaine divine.
Quelles sont alors les lois morales / judiciaires de la Torah qui perdurent
pour la vie de l’individu, de la société et de l’Église ? Les lois
spécifiques exclusives à l’Israël biblique se situent en effet sur le même plan
que ses lois cérémonielles. L’abrogation de ces diverses lois, maintenant
caduques, provient de l’accomplissement définitif – la clôture de l’alliance
historique de Dieu avec la nation d’Israël – de ce qui concerne spécifiquement
la participation de cette nation à la venue du salut dans le monde au moyen de
l’Incarnation du Seigneur Jésus-Christ. Nous ne pouvons pas, par ailleurs,
correctement comprendre le sens exact des Dix Paroles données au Sinaï sans les
placer dans le contexte complet de leur explication biblique. Cette exégèse
normative inspirée se trouve dans l’application casuistique du Décalogue
contenue dans le Pentateuque. Il faut également lire les Dix Paroles du Sinaï –
comme je le démontre dans les sept règles herméneutiques formulées ci-dessus –
à la lumière de toute l’Écriture ainsi que dans l’éclairage de l’ordre
créationnel (ou naturel) dont nous trouvons les principes dans les premiers
chapitres de la Genèse. Ajoutons enfin, que la loi biblique est, par bien des
côtés, plus proche du caractère jurisprudentiel inductif du droit coutumier que
de celui élaboré par un mode de pensée scotiste-rationaliste déductif – celui
du droit moderne – qui ne fait qu’élaborer logiquement les codes de lois à
partir de principes juridiques premiers établis a priori et souvent de manière subjective parfaitement arbitraire. 7/
Finalement, toutes ces loi, qu’elles
soient valables présentement ou non, font intégralement partie de la Parole de
Dieu, Parole portant le sceau d’une inspiration divine infaillible et sont, en
conséquence, remplies d’un sens venant de Dieu lui-même. Quel est donc leur
sens ? Plus je les étudie, plus j’en viens à me rendre compte de leur sagesse,
non seulement sur les plans moraux, sociaux et judiciaires, mais également sur
les plans spirituels et cosmologiques. Il ne semble pas, par ailleurs, que la
formulation précise que l’on trouve au sujet de ces trois ordres de la loi dans
l’enseignement de Thomas d’Aquin et de Jean Calvin – ceci malgré la grande
attention qu’ils portent au détail de la Loi de Dieu – ne rende compte des
données bibliques. Par ailleurs elles n’ont guère encouragé les théologiens
calvinistes et thomistes à approfondir le sens exact des divers aspects de la
Loi divine. Cependant des hommes de Dieu, tels Jean Chrysostome, Thomas
d’Aquin, Pierre Viret, Jean Calvin, Heinrich Bullinger, Richard Hooker, Jérôme
Zanchi, Lancelot Andrewes, Thomas Watson, Bénédict Pictet, Friedrich-Julius
Stahl, Cornelius Van Til, Rous as John Rushdoony, Greg Bahnsen, Gary North,
Pierre Courthial, et Daniel Arnold ainsi que bien d’autres figures de second
plan, nous ont rendu un immense service en sondant le sens de tous les aspects
de la Loi de Dieu, qu’elle soit morale, judiciaire ou cérémonielle. Pour conclure, disons
ceci. L’on peut, dans une certaine mesure, justifier sur le plan de la
théologie systématique la triple distinction que l’on trouve chez Thomas
d’Aquin, Jean Calvin et dans la Confession de Westminster, entre la Loi morale
(valable en tout temps et en tous lieux), la Loi judiciaire (étroitement unie à
la loi morale mais, dans sa formulation, sujette à certaines variations de
lieux et de temps) et la loi cérémonielle d’Israël (abrogée dans son
application pratique, car ayant parfaitement atteint son but dans l’œuvre de
Jésus-Christ). Il n’est cependant pas possible d’identifier de manière
absolument stricte ces deux premières catégories de lois aux données
bibliques : loi morale, au Décalogue ; loi judiciaire aux lois
casuistiques de la Torah. C’est ici que nous devons distinguer, mais non
opposer, théologie biblique et théologie systématique. Lausanne, novembre 2010
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