C'est en 1948 que le Dr Harold Ockenga
de Boston introduisit pour la première fois dans le vocabulaire
chrétien l'expression "néo-évangélisme".
Les conférences qu'il donna cette année là au séminaire
théologique Fuller en Californie annoncèrent l'apparition
d'un nouveau mouvement dont le but déclaré était
de préserver ce qu'il y avait de meilleur chez les évangéliques,
tout en rejetant ses pires tares. Depuis lors, ce mouvement est devenu
une force chrétienne importante, non seulement aux États-Unis,
mais en Europe également. Ce mouvement prétend accepter
l'autorité de la Bible ainsi que l'ensemble du système
doctrinal évangélique. Mais il refuse de s'identifier
à des aspects de la pensée évangélique traditionnelle,
à ses yeux peu satisfaisants, tels son désintérêt
pour une saine érudition, son opposition aux affiliations dénominationnelles,
son identification avec le dispensationalisme, son ignorance des rapports
entre foi chrétienne, culture et vie sociale, et la limitation
de l'Evangile uniquement à l'expérience religieuse personnelle.
Un aspect particulier
du néo-évangélisme est son désir de voir
réexaminer les rapports entre la science et la Bible. Un porte-parole
éminent de ce mouvement fut Bernard Ramm qui publia, en 1955,
un livre explosif sur ce thème (1). Critiquant
autant, ce qu'il appelait le "pédantisme de l'hyper orthodoxie"
se manifestant dans une "création par fait divin", que "l'évolutionnisme
théiste", Ramm inventa une expression nouvelle, parlant d'une
"création progressive". Au cours des millions d'années
de l'histoire géologique, Dieu aurait, selon lui, par un commandement
souverain créé des formes de vie de plus en plus complexes.
Ayant d'abord créé l'univers de rien, Dieu aurait transmis
sa fonction créatrice au Saint-Esprit. Le Saint-Esprit serait,
pour ainsi dire, à l'intérieur même de la nature
et, connaissant le modèle divin, ferait en sorte que la nature
donne graduellement vie à tout ce que Dieu avait l'intention
de créer. L'homme tirerait ainsi son origine physique des formes
de vie inférieures. D'autres protagonistes du néo-évangélisme,
tels Edward J. Carnell, nomment cette théorie "l'évolutionnisme
du seuil" (2). Ils parlent d'une race pré-adamique
formellement semblable à l'homme moderne mais plus ancienne et
de capacités inférieures.
Voici d'autres positions
que s'attribue le néo-évangélisme:
- le respect du "calvinisme classique";
- le désir de voir l'Évangile
influencer la société, l'éducation et la culture
(mais cela sans référence explicite aux exigences précises
de la loi de Dieu);
- un intérêt marqué
pour l'éthique sociale;
- la recherche d'un dialogue oral et écrit
avec des théologiens libéraux et néo-orthodoxes.
Mais le débat le
plus crucial provoqué par les néo-évangéliques
concerne la question de l'autorité et de l'inerrance de l'Écriture.
Après quelques premières réticences qui furent
dissipées au début des années soixante-dix, l'ensemble
du mouvement a adopté une distinction entre "l'inspiration" et
"l’inerrance" de l'Écriture (3). Pour eux ces
deux notions ne se recouvraient plus. La Bible serait ainsi, sans doute
possible, la Parole de Dieu. Elle serait entièrement digne de
confiance lorsqu'elle traite de questions d'ordre spirituel. Mais ceci
n'impliquerait aucunement qu'elle soit toujours parfaitement exacte
historiquement ou graphiquement. Il ne faudrait ainsi pas s'attendre
à ce que la Bible soit rigoureusement vraie quand ses affirmations
touchent au domaine scientifique. Selon cette position (4)
Dieu nous aurait donné deux révélations de la Vérité,
chacune ayant une pleine autorité, une entière autonomie,
dans son domaine propre la révélation de Dieu dans l'Écriture
et la révélation de Dieu dans la nature. Le théologien
serait l'interprète établi par Dieu de la révélation
scripturaire, tandis que le savant serait l'interprète, également
établi par Dieu, de la révélation naturelle. Chacun
des interprètes aurait ses instruments propres lui permettant
de découvrir le sens véritable du livre particulier qu'il
est appelé à étudier. Ceci implique, que quand
la Bible nous parle de la création, elle nous indiquerait uniquement
qui en est l'auteur et les raisons qui ont conduit Dieu à créer.
Mais elle ne nous dit d'aucune manière comment l'univers fut
créé. La valeur de l'Écriture ne se trouverait
donc pas dans sa fidélité historique, ni dans sa cohérence
avec les faits mais dans sa capacité à déclencher
des expériences spirituelles. De ce point de vue il est possible
de parler de la véracité révélée
absolue de l’Écriture sans pour autant lui attribuer une précision
factuelle et historique totale (5). C'est de cette
façon que le néo-évangélisme prend ses distances
avec la doctrine d’une Écriture inerrante.
Nous devons reconnaître
que le néo-évangélisme n'est pas tant un mouvement
organisé qu'un état d'esprit. Il s'agit d'un tempérament
plutôt que d'une théologie, d'une orientation plutôt
que d'un système théologiquement élaboré.
Mais cet état d'esprit s'est aujourd'hui infiltré d'une
manière si générale dans tous les milieux évangéliques
que les chrétiens qui croient que la Bible ne contient aucune
erreur, se sentent obligés de sonner l'alarme. Le congrès
de 1978 sur l'inerrance biblique, ainsi que celui de 1982 sur l'herméneutique
biblique, qui ont eu lieu tous deux à Chicago, furent organisés
afin d'avertir le peuple chrétien du danger représenté
par le néo-évangélisme. Ce même motif présida
l'organisation du congrès sur "L'inspiration et l'autorité
de la Bible" tenu à Paris en 1985. Il est cependant à
craindre que nos milieux aient été si largement affectés
par le néo-évangélisme que de nombreux enfants
de Dieu ne sachent plus distinguer cette erreur de la foi transmise
aux saints une fois pour toutes. Ceci pourrait expliquer le fait que
le congrès de Paris ait invité un néo-évangélique
bien connu comme l'un de ses principaux orateurs ! (6)
Cette invasion néo-évangélique pourrait aussi expliquer
pourquoi certains milieux, que nous connaissons fort bien, refusent
toute condamnation d'une des expressions les plus évidentes du
néo-évangélisme: la croyance en une création
progressive. Dans le livre d'Osée (7:9) nous lisons qu'Israël
avait vieilli et perdu sa force sans même s'en rendre compte.
Ces milieux, tout en s'affirmant "évangéliques", sont
devenus néo-évangéliques sans même le savoir.
Notes:
1 Bernard Ramm. The
Christian View of Science and Scripture, Grand Rapids, Eerdmans, 1955.
2 Edward J. Carnell,
The Case for Orthodox Theology, Philadeiphia, Westminster Press, 1959.
p. 92 et suivantes.
3 Voyez: Victor M. Matthews,
Néo-Evangelicalism, Des Plaines, Illinois, Regular Baptist Press,
1971 : p. 1-2.
4 Il s’agit ici, au
fond. d'un dualisme épistémologique d' inspiration kantienne,
caractéristique d'un certain "piétisme" et totalement
étranger à la pensée de la Bible et de la Réforme.
La chute et le péché originel impliquent nécessairement
que le travail du savant soit corrigé par la seule révélation
inerrante., la Bible.
5 Pour la preuve de
ces affirmations et pour une excellente critique des positions du néo-évangélisme,
voyez l'étude de J. Warwick Montgomery, Guest Éditorial,
dans le Bulletin of the Evangelical Theological Society (automne 1955),
p. 125-126.
6 Le professeur Alan
R. Millard, de l'Université de Liverpool, en Angleterre.
Source:
CRIE (Centre de Recherche, d'Information et d'Entraide).
A propos du CRIE :
Quelques croyants de divers milieux évangéliques,
préoccupés par l'évolution de leurs églises, de leurs pasteurs ou autres
responsables, se sont regroupés au sein de l'association Centre de Recherches,
d'Information et d'Entraide (CRIE). En raison des dangers que courent
les églises chrétiennes en cette fin du XX° siècle, ils se sont engagés
dans le combat spirituel et le ministère d'avertissement contre les
séductions et autres actions de l'Adversaire (Jude 3). Les initiateurs
du CRIE sont conscients que leur organisme n'a pas de précédent biblique.
Sa raison d'être, comme celle de nombreuses sociétés missionnaires,
se trouve dans la carence ou dans les déviations des églises, par rapport
à l'enseignement ou aux pratiques néo-testamentaires.
Le ministère prophétique, ou de sentinelle,
n'est généralement plus accepté. Le mal n'est souvent plus identifié,
ni condamné, ni abandonné. Le CRIE voudrait être, dans ces temps de
la fin, un organisme qui encourage le maintien ou la reconquête de l'idéal
biblique. L'un des objectifs du CRIE est ainsi de diffuser, en même
temps que l'Évangile de la grâce (vocation de tout groupe chrétien),
l'information religieuse pour mettre les chrétiens et les églises au
courant - et en garde contre -des dangers que l'Adversaire fait courir
à l'oeuvre de Dieu, tels que le relativisme, le néo-évangélisme, le
syncrétisme, le libéralisme, le pluralisme doctrinal, le laxisme doctrinal
ou moral, l'œcuménisme, la mondanité, le féminisme, les déviations charismatiques,
musicales et théâtrales, les collaborations dangereuses ou compromettantes,
le légalisme, etc..
Le CRIE s'inscrit dans un courant fondamentaliste
le plus souvent respectueux des Ecritures et de l'Esprit, courant qui
fut autrefois, après le déclin des réveils morave
et méthodiste, un réel courant suscité par Dieu
pour ramener l'Eglise à l'autorité des Ecritures, à
une foi biblique épurée et à Dieu Lui-même.
A notre époque où l'orthodoxie chrétienne et les
précieuses vérités de la Bible sont battues en
brèche, sous l'effet de l'apostasie ambiante, ERM soutient qu'un
véritable réveil se doit d'être enraciné
dans des doctrines bibliques. Ainsi, le fondamentalisme, c'est-à-dire
une appréciation correcte de l'inspiration, de l'autorité,
de l'inerrance et de l'infaillibilité des Saintes Ecritures dans
la vie pratique des églises et des croyants, est une condition
nécessaire de réveil. ERM affirme cependant, qu'il
ne constitue pas une condition suffisante au réveil. Car
le réveil est bien plus que des doctrines correctes. Il est la
Vie et la Présence même de Dieu déversées
dans toute leur puissance et leur pureté. Par ailleurs, ERM ne
soutient pas toujours la position doctrinale du CRIE, mais a pris la
liberté de diffuser certains de ses articles qui nous semblaient
susceptibles d'édifier l'Eglise.
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