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Paul RancLe Réveil de la Drôme, France (1922-1939)

Par Paul Ranc

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Renouveau spirituel et Réveil

"C'est une œuvre de Dieu qui redonne, selon un processus inhabituel, à une église moribonde, ces qualités propres à l'expérience et à la vie chrétiennes que le Nouveau Testament considère comme absolument normales. Un véritable souci de réveil ne se manifestera pas par une recherche éperdue du parler en langues (car, en définitive, que nous parlions ou non en langues n'a aucune importance), mais bien plutôt par un ardent désir de voir l'Esprit répandre plus abondamment l'amour de Dieu dans nos cœurs. Car c'est par là (avec bien souvent, au préalable, une profonde conviction de péché) que commence le renouveau spirituel personnel et c'est cela qui entretient le réveil de l'église une fois celui-ci commencé"

J. Packer, Connaître Dieu, p.139, Grâce et Vérité, 1986

 

 

En hommage posthume aux pasteurs

Jean Cadier et Maurice Lador,

ces brigadiers qui m'ont accompagné de leur foi,

mûrie dans le Réveil dont ils furent les instruments.

 

Le Réveil de la Drôme (1922-1939) est sans doute l'un des épisodes les plus méconnus de l'histoire de l'Eglise. C'est là, à notre avis, une bien regrettable lacune. N'oublions pas, en effet, que le Réveil de la Drôme fut l'un des deux réveils que l'Europe francophone ait connus durant le XXe siècle.

Le Réveil... qui ne souhaite pas sincèrement le Réveil? De plus en plus nombreux sont les chrétiens qui ressentent profondément un désir de changement, un véritable renouveau dans leur propre vie spirituelle comme dans leurs églises respectives. Car la vision d'un monde déchristianisé, celle d'une Eglise à la recherche de son second souffle, produisent en nous un sentiment de tristesse, sinon d'inquiétude.

L'Eglise a besoin d'un Réveil, et, pour être plus précis, d'une nouvelle Réformation.

Henri Eberhard, l'un des brigadiers de la Drôme, l'avait fort bien compris :

" Nous croyons que la proclamation d'un message si puissant et évangélique soit-il ne suffit pas, il doit être accompagné et suivi d'un profond mouvement de Réforme. Les vrais Réveils ont toujours été réformateurs. "

 

La situation des Eglises Réformées de la Drôme en 1922

Un Réveil n'est jamais l'œuvre d'un homme ou d'un groupe d'hommes désireux de vivifier l'Eglise. Non. Un Réveil est toujours l'œuvre imprévue et bouleversante du Saint-Esprit qui secoue les inerties, se rit des obstacles, balaie les traditions établies, fouille au fond des consciences et fait toutes choses nouvelles. Nous avons connu quelque chose de cela, il y a près d'un demi siècle : en l'évoquant, aujourd'hui, nous sommes encore tout tremblants... "

Tout comme le pasteur Edouard Champendal autrefois, nous aussi, nous tremblons. Car le Réveil est l'œuvre du Dieu trois fois saint, celui qui se manifeste toujours dans Sa justice, dans Sa sainteté comme dans Son amour.

Les propos de Champendal pourraient paraître outranciers; cependant, ils traduisent bien l'état spirituel des Eglises réformées de la Drôme. La paroisse de La Motte Chalençon était en effet en pleine décrépitude. La vie avait presque disparu tandis que l'indifférence régnait. Il y avait à peine une dizaine d'auditeurs au culte sur plus de 300 protestants que le village comptait. Un seul homme, un chrétien convaincu, y assistait régulièrement. Des 6 annexes, seules 2 y étaient un peu fréquentées. Quant aux autres lieux de cultes, ils étaient délabrés ou abandonnés.

Au sujet de cette même paroisse, Pierre Calvas, auteur d'un remarquable travail sur le Réveil de la Drôme, a écrit :

" Le pasteur précédent avait déclaré, en partant, que jamais un conducteur ne voudrait s'occuper de cette église et un professeur de théologie visitant la paroisse aurait, dit-on, affirmé que pour prendre un poste semblable il fallait être un fou ou un apôtre. "

Hébert Roux et André Vermeil, eux, ont très bien analysé les causes de cette apathie religieuse. Citons-les brièvement : l'exode rural qui décima les effectifs des paroisses de montagne, les conditions de vie économique et sociale précaires, les campagnes antireligieuses du libre penseur Sébastien Faure, le " virus politique " (que Tommy Fallot appelait le "phylloxera de nos Eglises"), et l'anticléricalisme. Mais ce furent surtout les séquelles de la guerre 1914-1918 qui renforcèrent le désintéressement de la pratique religieuse. Cette dernière idée est pleinement partagée par le " brigadier " Champendal :

" La France pansait ses plaies : plus d'un million de ses enfants avaient péri sur les champs de bataille de l'Argonne et devant Verdun au cours de la plus cruelle des guerres. Elle achevait de relever ses ruines et reprenait le rythme habituel de son existence. Le laïcisme de mort, qui avait mis la religion chrétienne au ban de la nation, exerçait toujours ses méfaits, séduisant les humbles et déroutant les intellectuels (...) Une vague de jouissance passait sur les jeunes : à tout prix, il fallait oublier les années terribles. "

Une autre cause de l'assoupissement spirituel des églises, très importante selon nous, était l'état spirituel des pasteurs de la Drôme. La vie de certains pasteurs était scandaleuse. Le Consistoire de la Drôme était considéré comme l'un des plus mal famé de France. Tommy Fallot, et plus tard Pierre Caron, n'avaient pas hésité à dire que le protestantisme drômois - et notamment ses pasteurs - s'appelait Augias, et qu'il fallait nettoyer ses écuries! Cette dramatique situation, spirituelle et morale, sera la cause directe du Réveil de la Drôme.

 

Les origines du Réveil

Un ministère de prière et d'évangélisation pionnière précéda le Réveil de la Drôme. Une anglaise, Miss Gelderd, s'installa vers la fin du XIXe siècle à Saint Dizier (situé à 10 km de Valdrôme) afin d'évangéliser l'une des régions les plus pauvres de France. Quoique parlant mal le français, Miss Gelderd et son amie Mademoiselle Mattras accomplirent un travail extraordinaire.

André Vermeil le souligne justement :

" Elles tinrent des réunions, ouvrirent des écoles du dimanche et gagnèrent plusieurs personnes au Seigneur par leur humilité. Elles ont laissé derrière elles, dans les foyers qui les accueillirent une trace lumineuse. On en parlait encore en 1928, et même plus tard. "

D'un autre côté, l'activité de l'Union Pastorale de la Vallée de la Drôme, notamment dans le Sud, (qui comprenait grosso modo une vingtaine de membres) contribua fortement au renouveau spirituel des paroisses. Car il y avait parmi tous ces serviteurs de Dieu des hommes qui étaient tout à fait dévoués et consacrés. Ils sentaient le besoin de se rencontrer entre frères, de partager les fardeaux, de prier ensemble.

Dans ce même ordre d'idées, il serait profondément injuste de ne pas mentionner l'œuvre de Tommy Fallot (1844-1904), précurseur du " christianisme social. " Lorsqu'il fut nommé pasteur à Pontaix Sainte-Croix (près de Die), il créa presque aussitôt l'Union des Pasteurs du Diois qui devint par la suite, après sa nouvelle nomination à Aouste, l'Union des Pasteurs de la Vallée de la Drôme.

Grâce à sa forte personnalité et à son inlassable activité, Tommy Fallot redressa les ruines tant spirituelles que morales et amena nombre de ses collègues à une nouvelle prise de conscience dans leur ministère.

Parmi les autres origines, Edouard Champendal en voyait encore trois :

" D'abord, l'arrivée simultanée de quelques jeunes pasteurs frais émoulus de Facultés de théologie aussi diverses que celles de Montpellier, Paris et Genève. Certains d'entre eux avaient connu la vie hérissée de dangers des tranchées face à l'ennemi. Leur désir et la vocation qui les animaient les incitaient à se consacrer avec zèle à ceux qui leur étaient confiés. Devant eux les portes étaient largement ouvertes et l'affection de leurs paroissiens leur était acquise. Cependant, très rapidement, de nombreuses questions se pressèrent dans leur esprit inquiet : quelle place la pensée de Dieu occupait-elle chez ces rudes travailleurs de la montagne et de la plaine? Où donc se manifestait une vie chrétienne authentique? Pouvait-on compter sur la collaboration effective de tant de conseillers presbytéraux qui ne daignaient même pas participer au culte dominical?

Alors une intense souffrance nous étreignit, une souffrance qui revêtit, parfois, l'aspect d'une véritable agonie. Etait-ce pour perpétuer un protestantisme formaliste que nous avions accepté tant de sacrifices et échappé à tant de dangers : valait-il la peine de consacrer son temps à des paroissiens plus enclins à considérer le pasteur comme celui qui apporte quelques paroles réconfortantes que comme l'homme de l'Esprit qui sert Jésus-Christ? La soif d'un renouveau spirituel nous hantait. Cette souffrance fut le premier pas vers le Réveil.

Elle fut suivie d'une ardente supplication à Dieu. Nous criâmes à Lui. Nous Le suppliâmes de prendre en pitié nos Eglises. Nous nous humiliâmes pour elles et pour nos pauvres ministères incapables de remédier, apparemment, à une situation sans issue. Nous Le suppliâmes d'ouvrir les écluses du ciel et de répandre d'En-Haut l'Esprit qui fait revivre les ossements desséchés. Ce fut le deuxième pas vers le Réveil.

Petit à petit une conviction s'imposa à nous : l'approche d'une heure exceptionnelle de Dieu, la certitude que, répondant à notre attente, il allait faire toutes choses nouvelles. Le renouveau que nous recherchions était à notre portée : il n'y avait plus qu'à le saisir dans un acte de foi et à le vivre par avance.

Ce fut le troisième pas vers le Réveil. "

 

Les débuts du Réveil

Et le Réveil vint : il prit naissance de façon foudroyante. C'est ce que nous montre le texte qui suit :

" C'est alors qu'en août 1922 se manifesta le Réveil. Ce fut dans la paroisse de la Motte-Chalençon, assez perdue dans les montagnes, loin de tout chemin de fer, à une quarantaine de kilomètres de Nyons et autant de Lucen Diois. Sans pasteur depuis plusieurs années, elle venait d'être confiée à un laïque, venu de Suisse, Victor Bordigoni. Père de l'officier de l'Armée du Salut du poste de Valence, il avait présidé dans cette ville quelques réunions religieuses très suivies. Ayant alors proposé ses services au pasteur Georges Benignus, il fut envoyé comme intérimaire à La Motte. C'était un homme de 45 ans, mais paraissant plus âgé, avec ses cheveux blancs. Sans formation théologique, il avait été en relation en Suisse avec les milieux piétistes, surtout avec H.E. Alexander, de l'Action Biblique, et en avait reçu une formation biblique profonde. Sa foi était totale, une foi d'enfant.

Arrivé à La Motte à Pâques 1922, il parcourait sans relâche les villages environnants et reprenait en main un ministère très nécessaire (...). Les cultes reprenaient au chef-lieu et dans les annexes. En août 1922, en pleine moisson des lavandes, au cours du culte du dimanche après-midi dans le petit temple d'Establet, après la prédication, une femme se leva et, étendant la main, demanda la parole : " Mes amis, dit-elle avec une grande émotion aux quelques personnes réunies, vous me connaissez. Jusqu'à présent, j'ai vécu pour mes affaires, la ferme, le troupeau. Mais maintenant, j'ai compris. Je veux vivre pour Dieu. " Stupéfait de cette interruption insolite, le pasteur descendit de chaire, étonné comme nous le sommes toujours de voir que son appel avait porté. Il dit quelques mots à cette femme, à ses amis, émus eux aussi par ce témoignage (...). Plusieurs, ce jour-là, déclarèrent aussi vouloir se donner à Dieu. Le Réveil était né. "

En quelques jours, le Réveil se répandit à une vitesse vertigineuse. Les conversions se multiplièrent, des vies furent transformées. Au bout de cinq semaines déjà, le souffle du Réveil avait touché toute la Vallée de la Drôme. Les pasteurs n'allaient pas tarder, eux aussi, à se réveiller. L'occasion leur fut donnée lors d'une pastorale qui fit date dans l'histoire.

 

La Pastorale de Crest (28-29 novembre 1922)

La Pastorale de Crest qui regroupa les quelque 30 pasteurs de la Drôme fut l'un des moments les plus solennels du Réveil qui avait débuté trois mois auparavant. La plupart des pasteurs présents n'ignoraient pas que " quelque chose " s'était passé du côté de La Motte-Chalençon; ils savaient aussi que l'un des premiers signes tangibles manifestés par les nouveaux convertis avait été de restaurer les temples aux murs moisis et aux bancs vermoulus; enfin, et surtout, les membres de la Pastorale drômoise étaient informés que quelques-uns de leurs collègues avaient été touchés par le mouvement revivaliste.

Tel fut le cas du pasteur Edouard Champendal : un dimanche de septembre 1922, il se rendit à la dédicace du temple d'Arnayon qui venait d'être restauré. D'emblée, il fut frappé par le recueillement, l'attention de l'auditoire particulièrement nombreux. De retour chez lui, et après avoir fait un crochet à La Motte pour y rencontrer Bordigoni, troublé par tout ce qu'il avait vu et entendu, il s'enferma dans son presbytère pour prier. Trois jours plus tard, il en ressortit transformé. N'y tenant plus, il téléphona aussitôt à son ami Eberhard pour lui communiquer la nouvelle : " Tu sais, le Réveil, ça y est, je l'ai vu, c'est merveilleux!" Naturellement la nouvelle se propagea de paroisse en paroisse...

Ainsi donc, il se trouvait parmi les participants de cette Pastorale quelques pasteurs "réveillés." L'un d'entre eux, Victor Bordigoni allait être, en l'espace de quelques minutes, l'instrument de Dieu pour le Réveil.

Les pasteurs s'étaient réunis pour écouter des exposés sur la prière et aussi sur la foi (la vie du missionnaire Hudson Taylor fut évoquée). La Pastorale, doucement, tirait vers sa fin. Un culte avec Sainte Cène devait clore ces deux journées de retraite. Peu avant le service de communion, Bordigoni, qui n'avait pas ouvert la bouche durant ces deux jours, demanda la parole et, très pâle, di t:

"Je vous ai écouté pendant ces deux jours et je me suis demandé si vous saviez qui est Dieu et quel est le ministère auquel il nous appelle. Dieu peut-il être satisfait de ce que vous êtes? Est-ce ainsi que vous manifestez Sa puissance? Pourtant n'êtes-vous pas les serviteurs du Tout-Puissant? Notre Dieu n'est-Il pas celui des prophètes, de Jésus-Christ, des apôtres, des grands pionniers à travers les âges? Pourquoi êtes-vous vaincus? Dieu aurait-Il changé? Non, Il n'a pas changé, c'est vous qui avez changé et qui êtes les obstacles à Sa puissance. Repentez-vous, confessez votre faillite!"

Ce fut un coup de tonnerre. Presque instantanément, les 28 pasteurs se mirent à genoux et prièrent pendant une heure : les prières d'humiliation, de repentance, d'intercession ou de consécration montèrent vers Dieu. Les pasteurs confessèrent leurs péchés les uns aux autres. Parfois, l'un d'entre eux se levait et allait demander pardon à un autre collègue qu'il avait critiqué ou offensé. Inutile de dire que la Cène fut prise dans la plus grande ferveur. Les écuries d’Augias étaient enfin balayées!

Mais empressons-nous d’ajouter que cela devrait être vrai pour bon nombre de nos églises d’aujourd’hui… Que Dieu aie pitié de nous et nous aide par Sa Parole et par Son Esprit à faire la même démarche.

 

Des ministères qui repartent à zéro

Dieu était intervenu de façon souveraine. Les fruits ne tardèrent pas à se manifester. C'est ce que souligne André Vermeil :

" Les interdits qui pouvaient encore peser sur quelques membres de l'Union Pastorale ou sur leurs relations avec leurs collègues furent levés (...). Cette retraite purifia l'atmosphère des relations entre membres de l'Union Pastorale. De plus, elle ne fut pas sans lendemain. "

Suite à l'appel de Bordigoni, certains pasteurs décidèrent de repartir à zéro dans leur ministère. Jean Cadier nous rapporte le cas de celui qui fut l'un des plus brillants orateurs de la Brigade :

" De retour à Dieulefit, Eberhard prit d’un tiroir de son bureau un sermon qu'il avait commencé pour le dimanche suivant, dans une suite d'études qu'il faisait sur les prophètes, et le jeta au feu. Au jour venu, il monta en chaire et dit : " Mes frères, le Réveil vient de commencer dans notre Eglise et je suis le premier réveillé. "

Dès le même soir, plusieurs de ses paroissiens vinrent se joindre à lui dans cette proclamation. "

Jean Cadier, lui-même, raconte son expérience :

" A ma sortie de la Faculté, très attaché à l'enseignement de mon maître le Doyen Henri Bois, j'étais moderniste. Au moment de ma confession de foi pour la consécration, j'écrivais : " Si, à l'heure actuelle, je ne puis librement accepter certaines explications métaphysiques (Trinité, préexistence, conception virginale), je demande au Christ vivant, mon Maître, de m'éclairer à ce sujet et je mets en Lui toute ma confiance. " L'autorisation de consécration me fut refusée et c'est seulement après plusieurs démarches que la Commission donna cette autorisation, " en considération de la piété du candidat. " Or, j'étais, à ce moment-là, dans la Brigade depuis un an. L'exercice du ministère et le contact avec la réalité des âmes, l'étude assidue de la Bible me plaça peu après dans une position de fidélité à la doctrine traditionnelle. J'ai refait ma théologie sur un coin de table et dans la prière (...). Un jour je me suis rendu compte que j'étais peu à peu devenu calviniste et je me suis mis à l'étude de l'Institution Chrétienne. "

Pierre Caron passa, lui aussi, par un chemin identique : " Plus d'un pasteur " réveillé " a dû assister, non sans émotion, aux propres funérailles de sa dogmatique. "

 

Le Réveil s’étend...

Sous la direction de Victor Bordigoni, les jeunes pasteurs " réveillés " dont la moyenne d'âge était de 25 ans entreprirent presque aussitôt des missions de Réveil. La première mission eut lieu en février 1923 à Vinsobres, dont le pasteur était Edouard Champendal. Très rapidement, d'autres missions suivirent, d'abord dans le sud de la Drôme (La Bégude de Mazenc, Nyons, etc.), puis, dès 1924, dans le département tout entier et, enfin, en 1925, la Brigade fut appelée à tenir des réunions en France (Nîmes, Paris, Marseille, Nice, Grenoble, etc.) et même à l'étranger (Charleroi, Lausanne, Genève, Court, Courtelary, etc.). Partout, des foules énormes et surtout tout un mouvement de conversions. Cela est d'autant plus extraordinaire que dans certaines paroisses, il n'y avait eu, apparemment, aucune conversion depuis 30 ou 40 ans.

Naturellement, une opposition, parfois violente, ne tarda pas à se manifester. C'est ce qui se passa, par exemple, à Valdrôme, la paroisse de Jean Cadier, en décembre 1923 :

" Pendant quatre soirs le petit temple se remplit. Toute la population fut remuée (...). De nombreuses conversions se manifestèrent, en particulier chez les jeunes filles. Sous l'influence de l'instituteur très opposé, les jeunes gens se tinrent sur la réserve. Mais le pays fut transformé. Dans les maisons, on n'entendait que le chant des cantiques. Le bal fut supprimé, faute de danseuses. Les cafés se vidèrent. Au bout de quelque temps une sourde opposition, menée par les cabaretiers, se fit sentir. Elle se manifesta un dimanche après-midi. Alors que je traversais la place du village, accompagné par un groupe de jeunes, un cafetier vint vers moi et me dit rudement : " Ce n'est pas bientôt fini, cette comédie : fichez le camp d'ici, on vous a assez vu! " (...) Il y eut des bousculades, quelques paquets de boue lancés. Mais, plus heureux que les méthodistes d'il y a un siècle dans les villages du Gard, je ne fus pas jeté dans la fontaine. "

 

Le message de la Brigade et ses conséquences pratiques

Notre exposé historique serait incomplet si nous ne mentionnions pas en quelques lignes le contenu du message des brigadiers.

Le message de la Brigade était dans son essence moral. Les deux caractéristiques se retrouveront invariablement tout au long des ministères des brigadiers : appel à la conversion et à la sanctification. Jean Cadier le dit en des termes sans équivoques :

" On connaît les mots d'ordre de ces Missions : " Dieu ne se contente pas de ce que nous sommes : Dieu est saint. Il ne veut pas que sa volonté soit méconnue. Il réclame nos vies et veut les transformer par amour. " Messages de repentance, d'appels à la conscience, d'exhortation à une moralité élémentaire. Bien que l'époque fût moins corrompue que celle que nous vivons, ces appels résonnaient profondément dans les cœurs. La prédication de la Croix annonçait le pardon, le salut, la vie renouvelée en Christ.

Aucune émotion, aucune contrainte, mais l'appel à la pureté du cœur et à la foi vivante. "

La prédication de la Brigade, sous l'influence de Jean Cadier dont l'itinéraire calviniste s'accentue avec les années, deviendra de plus en plus théocentrique. La gloire et la souveraineté de Dieu se manifestent avec plus de netteté.

" Cette vision de la souveraineté de Dieu est le principe dominant de la piété Réformée (...). C'est le contraste entre les ruines morales et formalistes d'une Eglise et la gloire éternelle du Dieu souverain qui fait naître dans l'âme d'un serviteur de Dieu la prière en faveur du Réveil (...). Dieu est Dieu, reste toujours Dieu. C'est le principe biblique, c'est le principe calviniste, c'est le principe revivaliste, c'est le principe éternellement vrai de toute action religieuse. "

Cette vision de la gloire de Dieu met impitoyablement en lumière l'égoïsme spirituel de l'homme.

C'est ce que nous dit Pierre Caron dans son style à la foi ironique et grinçant :

" Tant de croyants font de leur Dieu un domestique : (...) Toute référence gardée, beaucoup considèrent leur Dieu comme un fidèle valet de chambre qui bassine le lit le soir, ou prépare de bonnes infusions lorsqu'ils sont enrhumés (...). L'homme au centre, le moi avec ses petites misères et ses petites consolations, ses petits désirs, ses petits plans, ses petits efforts pour progresser, c'est le piteux égoïsme religieux dont se meurt le christianisme, l'égocentrisme, l'odieux anthropocentrisme. "

Edouard Champendal va dans le même sens :

"Aux orties - ou plutôt - au pied de la Croix nos plans, nos méthodes, nos projets, nos succès, les approbations que nous avons pu recevoir, les résultats acquis par nos forces! Et puis, à genoux! A genoux pour percevoir la voix de l'Esprit, pour capter son programme, ses exigences et pour promettre d'y rester fidèle."

Dieu est mis à la première place. Edouard Champendal, de nouveau, conclut ainsi :

"Dieu d'abord : c'est la piété traditionnelle qui est bouleversée. Mon rôle n'est plus d'attendre de Dieu les grâces d'En-Haut qu’Il déversera en abondance dans mon cœur. Mon rôle est de glorifier le Dieu grand et majestueux par ma vie livrée. A Lui le gouvernail de mon existence! A Lui mon corps, mon âme, mon esprit! Aux valeurs humaines, il importe d’opposer les valeurs spirituelles, aux plans terrestres, le plan divin. Je dois consentir à tout, même à la mort, s’Il me le demande. C’est le saut dans l’inconnu, c’est la vie de la foi, c’est le Moi anéanti, le renoncement total. 

Dieu d'abord, c'est toute la conception de l'Eglise qui s'écroule. Elle n’est plus la famille où l’on se sent à l’aise parce que tous ceux qu’on coudoie partage votre foi et vos ambitions spirituelles; elle devient le foyer où l'on adore, l'instrument qui glorifie Dieu. Tout, dès lors, cultes, réunions, activités, convergent vers ce but sacré : Dieu, Dieu, le Commencement et la Fin. "

Et les " résultats " suivent. Ils sont extraordinaires! Ecoutons encore Jean Cadier :

" Un réveil dans cette vaste paroisse quasi abandonnée, presque rayée de la carte protestante, peuplée de quelques protestants dispersés dont on disait : " Il n'y a plus qu'à les enterrer! " Oui, un réveil, des conversions par centaines, des temples restaurés, des auditoires considérables malgré les travaux de l'été, des chants, des vies transformées, des Bibles à nouveau ouvertes, un authentique réveil de la foi. "

La Brigade, c'est tout d'abord un message, certes, mais ce sont aussi des réalisations pratiques : le journal Le Matin Vient et la revue théologique Les Cahiers du Matin Vient, une école pour évangélistes à Dieulefit, une société d'édition et enfin les Conventions chrétiennes de La Motte-Chalençon, Dieulefit et Mazamet.

A côté de cela, le Réveil eut de profondes implications sociales, en particulier dans le domaine de la Mission (vocations d'infirmières surtout).

Et maintenant? Un mot d’ordre!

Une certaine lassitude des brigadiers et surtout le début de la guerre en 1939 mirent fin à ce beau Réveil. Mais Dieu, entre-temps, avait été glorifié.

Et maintenant, quelle est la volonté de Dieu pour nous? Ecoutons les paroles de l’apôtre Paul : " Vous savez en quel temps nous sommes : c'est l'heure de vous réveiller enfin du sommeil " (Romains 13:11).

En 1987, le doyen Pierre Berthoud écrivait ces lignes qui sont toujours d’actualité :

" Le renouveau et le réveil de l'Eglise impliquent une triple démarche :

La redécouverte d'une mentalité foncièrement biblique. La foi chrétienne n'est pas seulement une piété; elle nous offre une vision globale du monde et de l'homme. Elle n'est pas seulement une relation existentielle; elle nous fait connaître la vérité qui éclaire tous les aspects de la vie humaine. C'est en effet sa pensée et son plan que Dieu dévoile à nos yeux par Sa Parole. La connaissance de l'homme n'est certes pas exhaustive, mais elle est réelle.

La redécouverte d'un style de vie inscrit dans une perspective biblique. Face aux interrogations pressantes de notre génération, il est capital de proposer une éthique individuelle et sociale qui ne soit pas simplement une éthique de situation, mais qui, attentive à l'homme, ne sacrifie pas pour autant les exigences de la volonté de Dieu.

La redécouverte d'une authentique spiritualité qui ne dissocie pas l'expérience du contenu de la Parole, et qui débouche sur une adoration renouvelée, à la fois individuelle et ecclésiale. Telle est la caractéristique de la spiritualité et de l'ecclésiologie issues de la Réforme. Elle est d'autant plus actuelle qu'elle s'enracine profondément dans la Parole de Dieu! "

Le mot-clé est " redécouverte. " Pour redécouvrir l’amour et la puissance de Dieu, il faut accomplir la même démarche que les " brigadiers " : s’humilier sous la puissante main de Dieu, demander pardon à nos frères et sœurs en Christ et demander à Dieu de nous revêtir de la puissance du Saint-Esprit.

Sommes-nous prêts à souffrir avec Christ?

Que Dieu nous vienne en aide! Soli Deo Gloria!

Source: Paru dans le n°85 de juin 2007 du journal Actualités Evangéliques édité par Paul Ranc et reproduit avec son aimable autorisation. Le journal paraît deux à trois fois l’an.

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Rédaction : Paul Ranc, Case postale 130, 2926 Boncourt, Suisse.
Courriel : actualites.evangeliques@wanadoo.fr


APPEL AU RÉVEIL!

Pour ceux et celles qui désirent ardemment un réveil et prier pour un renouveau dans nos églises, nous vous recommandons vivement :

- Une Revue : Action, Communication Evangélisation, 330 Route de Calvisson-Bizac, 30420 Calvisson, France.

- Un site Internet : La Sentinelle de Néhémie : http://sentinellenehemie.free.fr/.

 

TOUS AU COMBAT!

Soldats de Jésus-Christ, qui veut combattre pour lui contre son ennemi? Qui veut arracher les âmes à Satan pour les gagner à Jésus-Christ? Chrétiens, le Seigneur compte sur vous. Il vous a tous mis pour sentinelles en Israël, pour avertir, pour réveiller, pour sauver : je vous recommande les âmes de cette Eglise, qui sont encore dans la mort. Je recommande en particulier à chacun de vous, les âmes de ceux qui sont près de lui.

Parents chrétiens, je vous recommande l'âme de vos enfants; enfants chrétiens, je vous recommande l'âme de vos parents; maris chrétiens, je vous recommande l'âme de vos femmes : femmes chrétiennes; je vous recommande l'âme de vos maris; frères et sœurs chrétiens, je vous recommande l'âme de vos frères et sœurs; amis chrétiens, je vous recommande l'âme de vos amis; maîtres chrétiens, je vous recommande l'âme de vos serviteurs; serviteurs chrétiens, je vous recommande l'âme de vos maîtres.

Gagnez-les par vos discours, par vos prières, surtout par la sainteté de votre vie... Montrez-vous, avec une charitable hardiesse, tout ce que vous êtes; faites voir que ce qui vous sépare d'avec les mondains, ce n'est point une simple différence d'opinion, une nuance de sentiment, un degré de piété, c'est l'opposition éternelle et irréconciliable qui est entre la vérité et l'erreur, entre le bien et le mal, entre Dieu et Satan...

Déclarez, faites voir que l'Evangile est une seconde naissance, et que la grâce est un renouvellement radical... Que chacun de vous soit un Evangile en action et une réponse vivante à toutes les objections, à tous les doutes; qu'en vous voyant marcher, agir, parler, on voie marcher, agir, parler une apologie de Jésus-Christ...

Adolphe Monod, Les Adieux

Extrait d'un sermon : La sanctification par le salut gratuit


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