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La
Théologie de Wesley (1)
WESLEY, SA VIE ET SON OEUVRE
par Matthieu Lelièvre
"Dieu
nous aime, aimons-Le et aimons nos frères! Voilà le résumé
de la théologie de Wesley. Il serait difficile d'en trouver une
autre qui réponde mieux aux enseignements de Jésus-Christ
et aux besoins de l'âme humaine." - Matthieu Lelièvre.
Le Méthodisme a été
un réveil de la piété et un mouvement puissant d'évangélisation.
Il n'a été que subsidiairement un réveil théologique.
Il ne faut donc pas s'étonner que sa place soit plus grande dans
l'histoire générale du christianisme que dans l'histoire
de la théologie. Sa tâche spéciale, dans le domaine
de la pensée religieuse, a consisté, non à innover,
mais à restaurer. Il est revenu aux principes essentiels de la
Réformation, tombés en désuétude en Angleterre
et ailleurs, en se bornant à les corriger et à les compléter
sur deux ou trois points importants. Il n'a pas eu la prétention
de construire de toutes pièces un système dogmatique; il
lui a suffi de réparer le vieil édifice, en s'efforçant
de l'établir sur sa base biblique.
Toutefois, un réveil
religieux, qui aspire à vivifier une Eglise morte et à conquérir
les masses à la foi, ne peut pas se passer d'une théologie.
Une Eglise sans doctrines est un corps sans ossature, une sorte de mollusque
privé de vertèbres, qui ne peut que se traîner impuissant
sur le sol. Cette chimère d'églises sans dogmes, qu'on a
essayé de réaliser de nos jours, n'a produit que des associations
sans force conquérante. Wesley avait un sens trop vif des réalités
spirituelles pour songer à les considérer comme de purs
sentiments, et il avait en même temps l'esprit trop pratique pour
ne donner pour bases à ses sociétés que le sable
mouvant des émotions. Au fond, le dogmatisme lui répugnait
autant que l'illuminisme. Le Méthodisme eut donc une dogmatique,
quoi qu'il n'ait jamais senti le besoin de se donner une confession de
foi proprement dite. On a contesté à Wesley tout droit au
titre de théologien, et E. Scherer a voulu l'écraser sous
les grands noms de Luther et de Calvin 2.
C'est oublier que Wesley n'eut pas, comme les réformateurs du XVIème
siècle, la tâche de retrouver la doctrine chrétienne
ensevelie sous l'amas des traditions ecclésiastiques et d'en formuler
le symbole dans une confession solennelle à l'usage des rois et
des peuples. Sa tâche fut plus modeste, sans être moins utile.
Il appartenait par sa naissance et par ses convictions à l'Eglise
anglicane, l'une des grandes Eglises historiques nées de la Réformation,
ayant une Confession de foi (dite des XXXIX articles). Cette Eglise avait
plus besoin d'un réveil religieux que d'une rénovation théologique.
Wesley et ses amis durent donc faire œuvre d'évangélistes
plutôt que de théologiens.
Ce serait une erreur, toutefois,
de méconnaître en John Wesley le théologien. Il ne
fut pas un simple revivaliste 3. Il avait
subi la forte discipline des études classiques et éprouvait
le besoin de raisonner sa foi. Il est vrai que les études que l'on
faisait à Oxford étaient plus littéraires que théologiques;
mais il avait un esprit trop sérieux pour s'enfermer dans les étroites
limites des programmes universitaires.
Il convient de reconnaître
qu'il était plus logicien que métaphysicien, et que les
problèmes abstrus de la philosophie ne l'attiraient pas. Charles
de Rémusat nous paraît avoir bien caractérisé
la nature de son esprit dans les paroles suivantes: "Son esprit, philosophiquement
considéré, est fait pour les opinions moyennes, pour les
partis modérés, pour le bon sens; mais il est en même
temps touché jusqu'au fond de l'âme par le côté
divin de toutes choses: il s'y attache, il en fait sa pensée unique,
il y consacre avec passion toutes les forces de la sagesse et de la vertu
4."
Si l'obscurité était
le caractère essentiel de la théologie, il faudrait refuser
à Wesley le titre de théologien, car il est admirablement
clair. Il veut être compris de tout le monde, et, s'il évite
la phraséologie savante, ce n'est pas qu'il l'ignore, c'est qu'il
veut mettre les vérités évangéliques à
la portée des esprits les plus simples. "C'est aux gens simples,
dit-il, que j'essaye de dire la vérité dans sa plus grande
simplicité. Je m'abstiens donc, de propos délibéré,
de toute subtile spéculation philosophique, de toute argumentation
compliquée, et autant que possible, de tout appareil d'érudition,
sauf quelquefois en citant le texte original de l'Ecriture 5.''
Cette déclaration
se trouve dans l'introduction de ses sermons, et ses sermons demeurent
un chef-d'œuvre de simplicité. Ils sont d'ailleurs le monument
de la théologie wesleyenne. Wesley laisse de côté
les questions insolubles et les problèmes obscurs, sur lesquels
tant d'hommes savants ont pâli. Mais si vous voulez savoir comment
ce grand serviteur de Dieu a compris l'Evangile du salut, prenez et lisez.
Vous trouverez difficilement dans la littérature religieuse de
lecture plus riche de fond et plus limpide de forme que les sermons de
Wesley.
Sa théologie a deux
sources: la Révélation divine et l'expérience humaine.
Avec les Réformateurs, il voit dans la Bible la source essentielle
de la connaissance religieuse. Mais l'originalité de son système
tient surtout à la place qu'il assigne à l'expérimentation.
C'est son expérience
du salut par grâce qui lui a fait mettre la doctrine de la justification
par la foi à la base de sa théologie. Ce sont les intuitions
de la conscience qui l'ont amené à rejeter les vues calvinistes
sur la prédestination. Ses doctrines de l'assurance du salut et
de la perfection chrétienne, qu'il trouvait enseignées dans
l'Ecriture, avaient leur confirmation dans l'expérience de nombreux
témoins. C'étaient là, comme il l'écrivait,
dès 1739, à son frère Samuel, ses arguments vivants
6.
Il convient d'entendre Wesley
lui-même dire ce que fut l'origine de sa théologie: "En
1729, dit-il, quelques jeunes gens d'Oxford virent qu'ils ne pouvaient
être sauvés sans la sainteté; ils la recherchèrent
et incitèrent d'autres à faire comme eux. En 1737, ils virent
que la sainteté s'obtient par la foi. Ils virent aussi qu'il faut
être justifié avant d'être sanctifié; cependant
leur but fut toujours la sainteté."
"Quelle a été,
dit encore Wesley, la doctrine fondamentale des Méthodistes?"
La Bible étant l'unique et suffisante règle de la foi et
de la conduite des chrétiens, voici ce qu'ils y trouvèrent:
"1 ° Que la religion
est un principe intérieur; qu'elle n'est autre chose que l'esprit
qui était en Christ; ou, en d'autres termes, le renouvellement
de l'âme à l'image de Dieu, dans la justice et la vraie
sainteté;
"2° Que ce renouvellement
ne peut être accompli en nous, que par la puissance du Saint-Esprit;
"3° Que nous recevons
cette bénédiction et toutes les autres uniquement au
nom de Christ;
"4° Et que quiconque
a l'Esprit qui était en Christ, est notre frère, notre
sœur, notre mère. 7"
La doctrine de Wesley fut
donc essentiellement la doctrine du salut. Elevé dans l'Eglise
anglicane, à un moment où la plupart de ses ministres enseignaient
le salut par les œuvres et par les rites, il eut de la peine à
se dégager de cette influence pour en revenir à la doctrine
de saint Paul et de Luther. Les Moraves l'acheminèrent vers une
expérimentation personnelle de la justification par la foi. Le
brouillard qui lui avait caché pendant vingt ans cette vérité
centrale du christianisme se dissipa en quelques jours. Le 24 mai 1738,
il trouva, avec la paix de son âme, la base inébranlable
de sa théologie. A la clarté de la flamme qui s'était
allumée en lui, il relut son Nouveau Testament, et il y trouva
que "l'homme est justifié par la foi sans les œuvres de la loi".
Sa théologie, devenue
celle des Eglises qui se réclament de lui, fut conforme, dans ses
grands traits à celle de la Réformation anglaise, telle
qu'elle est fixée dans les Homélies et les Trente-neuf Articles.
La Confession de foi qu'il prépara lui-même pour l'Eglise
méthodiste américaine est un abrégé des Trente-neuf
Articles, qu'il réduisit à vingt-cinq, en omettant ceux
qui ont rapport à la descente aux enfers, aux livres apocryphes,
aux Symboles des apôtres, de Nicée et d'Athanase, à
la régénération baptismale, à la prédestination,
à l'autorité de l'Eglise et des conciles, au ministère,
à l'efficacité des sacrements indépendamment du caractère
moral de celui qui les administre, à la consécration des
évêques et des ministres, au pouvoir civil, etc.. Aux sociétés
anglaises, il ne donna pas de confession de foi, et aujourd'hui encore
elles n'en possèdent pas. Leur enseignement doctrinal a pour type
les sermons de Wesley.
D'accord avec l'universalité
des Eglises évangéliques sur les dogmes fondamentaux de
la Trinité, de la participation du Fils et du Saint-Esprit à
l'essence divine, de l'incarnation du Fils de Dieu et du caractère
expiatoire de Son œuvre, Wesley l'était également sur le
dogme de la chute et du péché originel. Il enseigne que
l'humanité, comme race, est déchue en Adam, et que les hommes
sont pécheurs, non par l'imputation du péché d'Adam,
mais par une corruption transmise naturellement de père en fils.
Wesley se sépare de
l'orthodoxie calviniste sur la doctrine de l'étendue de l'œuvre
de la rédemption. Il affirme avec l'Ecriture que Jésus-Christ
est mort pour tous les hommes, que "tous peuvent recouvrer par le second
Adam tout ce qu'ils ont perdu par le premier, et qu'il n'est pas un enfant
des hommes qui soit finalement perdu, si ce n'est par son propre choix
8". En prenant parti contre le calvinisme
sur cette question de la prédestination, sans affaiblir toutefois
la doctrine de la grâce, Wesley rendit un grand service au réveil
et fraya la voie à la nouvelle théologie évangélique
qui s'est ralliée presque universellement à son point de
vue.
Les doctrines qui se rapportent
à l'appropriation du salut sont celles que la théologie
de Wesley a mises au premier plan. "Nos grandes doctrines, dit-il,
celles qui renferment toutes les autres, sont la repentance, la foi
et la sainteté. Nous considérons la première comme
le portique de la religion elle-même 9."
L'enseignement méthodiste s'est surtout attaché à
ces doctrines vitales.
La repentance conserve pour
Wesley sa haute importance. Il n'y voit pas une vaine formalité,
mais "un profond chagrin" d'avoir offensé Dieu, se manifestant
par "des fruits de repentance". Pour lui, la repentance évangélique
précède nécessairement la foi qui justifie.
La foi est pour lui, comme
pour saint Paul, l'unique moyen de s'approprier le salut. "Elle n'est
pas seulement, dit-il, un assentiment donné à tout
l'Evangile de Christ; c'est aussi une complète assurance sur le
sang de Christ, une confiance dans les mérites de Sa vie, de Sa
mort et de Sa résurrection, un recours à Lui comme à
notre sacrifice expiatoire et à notre vie, comme à Celui
qui s'est donné pour nous et qui vit en nous 10."
Le salut tout entier, justification,
régénération, sanctification, s'obtient par la foi.
La justification n'est autre chose que le pardon des péchés;
elle change complètement les relations du pécheur avec Dieu.
Elle est toujours accompagnée de la régénération.
"L'une de ces œuvres est celle que Dieu fait pour nous en pardonnant
nos péchés, et l'autre est celle qu'il fait en nous en renouvelant
notre nature déchue. Au point de vue du temps, aucune des deux
n'est avant l'autre. Dans le moment même où nous sommes justifiés
par la grâce de Dieu, par le moyen de la rédemption qui est
en Jésus, nous sommes aussi 'nés de l'Esprit'. Toutefois,
dans l'ordre de la pensée, la justification précède
la nouvelle naissance. Nous concevons d'abord que la colère de
Dieu soit détournée de nous, et ensuite que son Esprit agisse
dans nos cœurs 11." Wesley définit
la régénération, "ce grand changement que Dieu
opère dans l'âme, quand Il la fait passer de la mort du péché
à la vie de la justice 12." Par
la régénération, œuvre du Saint-Esprit en l'homme,
la nature morale du croyant est changée, il entre dans la famille
de Dieu et reçoit "l'esprit d'adoption".
La sanctification enfin est,
pour Wesley, comme pour tous les chrétiens, l'œuvre de la purification
de l'âme, et elle a pour point de départ la régénération.
"La sanctification commence, dit-il, dès que nous commençons
à croire; et, dans la mesure où la foi se développe,
la sainteté se développe aussi." De bonne heure, Wesley
se convainquit, par l'étude de l'Ecriture, que cette œuvre de purification
intérieure et de victoire sur le péché doit s'accomplir
pleinement dès cette vie, et ce fut cette doctrine qu'il prêcha
sous les noms bibliques de sanctification entière et de perfection
chrétienne. Voici en quels termes il définit cette grâce
capitale: "C'est aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme,
de toute sa pensée et de toute sa force, ce qui implique qu'aucune
disposition mauvaise et contraire à l'amour ne demeure dans l'âme,
et que toutes les pensées, toutes les paroles et toutes les actions
sont gouvernées par l'amour pur." La perfection chrétienne
réalisable dès cette vie est donc la perfection de l'amour;
les chrétiens parvenus "par la foi" à cet heureux état
"ne sont exempts ni d'ignorance ni d'erreur. Nous n'avons pas plus
le droit d'attendre qu'un homme soit infaillible qu'omniscient. Nul ne
sera affranchi des infirmités et des tentations que lorsque l'esprit
sera retourné à Dieu 13."
Une autre doctrine qui a
une large place dans la théologie de Wesley, c'est celle du témoignage
du Saint-Esprit. Il le définit "une impression intérieure
faite sur l'âme, par laquelle l'Esprit de Dieu témoigne immédiatement
et directement à mon esprit que je suis enfant de Dieu, que Jésus-Christ
m'a aimé et s'est donné pour moi, que tous mes péchés
sont effacés, et que moi, personnellement, je suis réconcilié
avec Dieu 14." Tandis que beaucoup d'Eglises
chrétiennes admettent que les croyants en général
peuvent parvenir à une assurance plus ou moins satisfaisante de
leur salut, en s'appliquant les déclarations de l'Ecriture et en
portant "les fruits de l'Esprit", Wesley enseigne que tout fidèle
peut aspirer à recevoir un témoignage direct et une assurance
positive de son salut.
Ce témoignage de l'Esprit
n'était pas pour Wesley la certitude inconditionnelle du salut
final. Il rejetait la doctrine calviniste de la persévérance
finale, comme il rejetait la prédestination absolue, et cela par
une conséquence logique rigoureuse; plaçant la liberté
et la responsabilité de l'homme au point de départ de la
vie chrétienne, il ne pouvait songer à le dépouiller
ensuite de ces périlleuses prérogatives, la possibilité
de l'apostasie, si clairement enseignée dans l'Ecriture, demeurait
ainsi un avertissement pour tous 15.
Au sujet des choses finales,
il convient de dire que Wesley ne s'y aventurait qu'avec une extrême
prudence. Le pieux et savant Bengel, auquel il vouait une grande estime,
annonçait, d'après des calculs plus hardis que sages, que
le millénium commencerait en l'année 1836. Wesley écrivait
à un ami à ce sujet, en 1788: "J'estime que de tels calculs
dépassent de fort haut mon entendement. Je n'ai qu'une chose à
faire ici-bas: sauver mon âme et l'âme de ceux qui m'écoutent
16." Quelque temps après, il écrivait
sur le même sujet à un autre ami: "Je ne mêle pas
de prédire quoique ce soit en de telles matières; elles
sont trop hautes pour moi. Je me borne à marcher dans la vallée
de l'amour humble 17." Voilà Wesley!
Il se garde d'échafauder, sur quelques textes, des théories
prophétiques, que l'événement se charge de démolir.
Il a légué à ses disciples une attitude réservée
au sujet de ces questions obscures, sur lesquelles l'Ecriture s'est refusée
à nous fournir des solutions 18. La
doctrine du salut gratuit fut bien pour Wesley, non une partie de l'Evangile,
mais l'Evangile tout entier, celui qu'il faut d'abord expérimenter,
puis prêcher. A ceux qui lui reprochaient de mettre en avant de
nouvelles doctrines, il déclarait qu' "il entendait ne se séparer
d'aucun de ceux qui adorent Dieu en esprit et en vérité".
La doctrine centrale du salut par grâce, par le moyen de la foi,
proclamée par les réformateurs du XVIème
siècle et remise en honneur par ceux du XVIIIème,
avait donné lieu à deux déviations fort dangereuses
et apparentées l'une à l'autre: le prédestinatianisme
et l'antinomisme. L'une poussait à l'extrême le salut par
grâce et l'autre le salut par la foi.
"Vous êtes sauvés
par grâce, disait le prédestinatien. Votre salut est tout
entier l'œuvre de la grâce souveraine de Dieu. Vous n'y êtes
pour rien. De toute éternité, Dieu a décrété
que vous serez sauvé et que d'autres ne le seront pas." Et
pour citer les propres termes de Calvin: "Dieu ne crée pas tous
les hommes en pareille condition, mais il ordonne les uns à vie
éternelle et les autres à éternelle damnation
19."
"Vous êtes sauvé
par la foi, disait à son tour l'antinomien. Pourquoi vous
troubler au sujet des bonnes œuvres et de l'obéissance à
la Loi de Dieu? La foi suffit. Vos péchés sont le résultat
de la faiblesse de votre chair, et ils ne sauraient compromettre votre
salut final, si vous êtes un élu."
Wesley se dressa de toute
la hauteur de son indignation pour combattre cette double perversion de
la doctrine du salut. Au prédestinatien calviniste, il répondit:
"Oui, vous êtes sauvé par grâce, cela ne vient pas
de vous, c'est un don de Dieu. Mais la grâce n'est pas le privilège
de quelques élus, elle est offerte à tous les hommes. Et
il n'est pas un homme qui soit finalement perdu, si ce n'est parce qu'il
l'aura voulu."
Puis, se tournant vers l'antinomien,
il lui répondait: "Oui, vous êtes sauvé par la
foi; mais la foi sans les œuvres est morte; le pardon qui ne produit pas
l'obéissance et la sainteté ne peut être qu'une illusion
de l'esprit; l'homme qui dit ou qui pense: 'Péchons afin que la
grâce abonde', blasphème contre le Dieu trois fois saint."
A cette double erreur qui avait paralysé le mouvement réformateur
du XVIème siècle et dénaturé la
doctrine du salut par la foi, Wesley répondit par deux mots qui
furent la devise du Réveil: "Liberté et Sainteté".
Au calviniste, Wesley répond: "L'homme est libre". A l'antinomien,
il répond: "L'homme doit être saint".
Loin d'affaiblir la doctrine
de la grâce en affirmant la responsabilité de l'homme, Wesley
la fortifie et la confirme. Loin d'affaiblir la doctrine de la justification
par la foi en affirmant qu'elle doit produire la sainteté de la
vie, il la légitime devant la conscience humaine. D'une part, il
justifie Dieu du reproche de partialité, que le Calvinisme Lui
avait attiré, et, d'autre part, il Le justifie de l'accusation
encore plus grave de complaisance pour le péché, que l'antinomisme
osait faire monter jusqu'à Lui.
Ainsi s'expliquent et se
légitiment les deux doctrines que le Méthodisme a eu pour
mission de proclamer et de propager: le salut possible à tout homme,
la sainteté possible à tout croyant. Ces doctrines, Wesley
les trouva dans la Bible et il leur fit subir le contrôle de l'expérience.
********
Concluons.
La théologie de Wesley
peut être définie: la théologie de l'amour.
Elle l'est d'abord parce
qu'elle proclame l'amour de Dieu pour tous les hommes. Elle affirme que
"tous peuvent recouvrer par le second Adam tout ce qu'ils ont perdu
par le premier", que "Dieu a tellement aimé le monde qu'il
a donné son Fils" pour le sauver, et que Jésus-Christ
"est mort pour tous". On ne saurait exagérer la fécondité
de cette doctrine au point de vue de l'évangélisation. Elle
a ouvert à tous les hommes les grandes écluses de l'amour
du Père et les a invités à venir s'y abreuver.
La doctrine de la perfection
chrétienne ou sanctification entière se rattache au même
principe: l'amour. Wesley l'a toujours définie: "Aimer Dieu
de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa pensée."
Pour lui, l'amour, "répandu dans le cœur par le Saint-Esprit",
est la force irrésistible qui refoule le péché; c'est
le principe de toute sainteté comme de toute activité.
Dieu nous aime, aimons-Le
et aimons nos frères! Voilà le résumé de la
théologie de Wesley. Il serait difficile d'en trouver une autre
qui réponde mieux aux enseignements de Jésus-Christ et aux
besoins de l'âme humaine.
NOTES:
1. Nous renvoyons
pour les détails, à notre ouvrage paru en 1924. En 1974,
le pasteur S. Samouélian a publié Le Réveil Méthodiste,
108 pages, ouvrage qui donne de larges extraits du livre de Matthieu Lelièvre,
La Théologie de Wesley. (Note de l'éditeur: cet ouvrage,
La Théologie de Wesley, fut réimprimé en 1990
sous l'égide des Publications Evangélistes Méthodistes,
45B, ave. J. Jaurès, 30900 Nîmes et de La Maison des Publications
Nazaréennes, 6401 The Paseo, Kansas City, MO 64131, EUA.)
2. Dans une
série d'articles sur Wesley et le wesleyanisme, parus, en 1847,
dans la Réformation du XIXème siècle,
journal que rédigeait Edmond Scherer, au temps où il était
encore le professeur très orthodoxe de l'Ecole de l'Oratoire de
Genève.
3. C'est
à tort que l'on verrait en lui un simple précurseur du Général
Booth. Sans méconnaître la grandeur de l'œuvre de ce dernier,
on doit admettre qu'il lui a manqué la culture intellectuelle de
Wesley, et que l'Armée du Salut souffre de l'absence d'une théologie.
4. Charles
de RÉMUSAT, Wesley et le Méthodisme.
5. Introduction
au Sermons de Wesley, tome II de la traduction française.
6. "Journal"
de Wesley, 20 mai 1739. Voyez la Théologie de l'expérience
(1915), par le docteur Maldwyn Hughes.
7. Œuvres
de Wesley, tome XIII, p. 258.
8. STEVENS,
tome II, p. 410.
9. Œuvres,
tome VIII, p. 472.
10. Sermon
sur le "Salut par la Foi"; Sermons, tome l, p.9.
11. Sermon
sur la "Nouvelle Naissance"; Sermons, tome Il p. 217.
12. Ibid.,
tome l, p. 294.
13. Voir
les Sermons de Wesley, passim, son Plain Account of Christian
Perfection et le Last Check de La FLÉCHÈRE.
14. Sermons
sur le "Témoignage de l'Esprit"; Sermons, tome l, pp. 157,
176.
15. Wesley,
toujours préoccupé du danger des tendances antinomiennes,
renonça de bonne heure à employer le terme de "justice imputée",
trouvant que "l'emploi fréquent de ce terme non nécessaire
avait fait un mal immense".
16. Œuvres
de Wesley, tome XII, p. 319.
17. Ibid.,
tome XII, p. 487.
18. Au moment
où nous préparons la nouvelle édition de ce livre,
sévit parmi les chrétiens une épidémie de
millénarisme. Chose curieuse! les prétendus prophètes
annoncent l'avènement de Christ pour l'année 1934, un siècle
après la date de Bengel! La comparaison de ces chiffres suffirait
à montrer combien illusoires sont de tels calculs.
19. Institution
chrétienne, III, 21, 5.
Référence:
Wesley, sa vie et son oeuvre,
Matthieu Lelièvre
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