Une Banque de Ressources
Consacrées au Réveil
|
|
Félix
Neff
LE BRAINERD DES HAUTES ALPES
par un auteur inconnu
" Comment se fait-il
que, deux cents ans après sa mort, des protestants de France s'unissent
pour célébrer l’œuvre d'un évangéliste qui
n’avait aucun grade universitaire ni diplôme, et dont le ministère
en France a duré moins de quatre ans ? Comment se fait-il qu'une
des vallées les plus isolées des Hautes Alpes soit devenue
le théâtre d'une puissante œuvre de Dieu, un des hauts lieux
du protestantisme français et le centre d'un rassemblement annuel
attirant plusieurs milliers de personnes, à Freyssinières? "
ainsi s’interrogeait M. G. Williams, après un récent séjour
dans ces lieux.
Félix Neff avait beaucoup
de points communs avec David Brainerd qui avait œuvré parmi les
Indiens d'Amérique dans des conditions primitives semblables. Tous
les deux étaient jeunes. Tous les deux rentrèrent dans leur
champ de travail entourés d'un nuage de fausse représentation.
Tous les deux étaient animés d’esprit de sacrifice. Tous
les deux restèrent célibataires. Tous les deux moururent
à un âge précoce en raison d’une surcharge d’efforts
et d’usure physiques dans des conditions d’extrêmes difficultés.
Tous les deux expérimentèrent une œuvre de la grâce
et de réveil. Tous les deux étaient des hommes de prière.
Félix Neff, d’origine
suisse, naquit à Genève, le 8 octobre 1798. Tôt dans
sa petite enfance, il fut privé de son père. Sa mère,
bien que déiste confessante, n’interféra jamais sur Félix
pour empêcher son amour pour l'église qui se manifesta tôt.
Bien que ses moyens fussent limités en raison de son veuvage, elle
lui donna tout ce qui lui était possible de prodiguer en vue de
son développement mental. Les marques de son affection maternelle
étaient soigneusement gravées dans son cœur une fois qu’il
s’endormait, alors qu’elle voulait lui inculquer des qualités viriles.
" Je suivis le
monde, " dit Mme Neff, " et mon union avec un homme
de brillante constitution et d’esprit sceptique bientôt finit par
me rendre moi-même déiste au point que je négligeasse
de façon habituelle et délibérée les cultes
publics. Mais il n’en était pas de même avec mon enfant.
À un âge très jeune, c’était pour lui un délice
d’assister aux réunions sacrées dans les églises,
et non seulement était-il toujours fidèle à cette
habitude, mais il était remarquable pour le sérieux de ses
dispositions. Heureusement, il ne m'a jamais demandé pourquoi je
n’y allais pas. "
Félix était
un autodidacte en botanique, en histoire et en géographie. Par
son pasteur, il acquit quelques connaissances du latin. Il était
doué de la mémoire la plus prodigieuse, était absolument
vrai au point que cela devienne un défaut, mais avait une volonté
forte et était hautain. Du fait que l’instituteur du village local
manquait d'instruction appropriée, la mère devint la tutrice
de son fils.
Avant que le jeune homme
n’ait atteint l’âge de treize ans, ils déménagèrent
à Cartigny. Félix avait, à cette époque là,
épuisé la bibliothèque dont leur maison pouvait se
vanter, ainsi que tous les livres que sa mère avait pu lui acquérir.
Elle fit l’effort de le placer dans une bonne école, mais sans
succès. Comme il était très difficile d’obtenir du
travail, le jeune adolescent remplit ses heures de loisir à étudier
la vie des insectes et les arbres, et écrivit un traité
sur les soins à prodiguer à ces derniers. Il poursuivit
également ses études de mathématiques et de latin.
Il avait lu Plutarque et Rousseau depuis l'âge de huit ans jusqu'à
ses seize ans, mais leurs arguments empreints d’infidélité
ne semblèrent pas l'affecter.
Mais Dieu préparait
son instrument. Sa mère écrivit : " Je l'avait
toujours laissé suivre ses propres inclinations. Hélas,
je ne voyais pas la Main qui avait le contrôle sur nous deux, et
m’amenait à l'envoyer au bon pasteur Montinie, qui très
tôt apprécia son caractère et souhaita impatiemment
lui être utile. Il conseilla à mon fils d’entrer à
l'armée, voyant que nous étions pratiquement dépourvus
de toutes ressources pécuniaires. "
Dans l’armée, par
son sérieux et son application dans le travail, Félix fut
rapidement promu au rang de sergent, à la grande contrariété
de ceux qui s'étaient exercés beaucoup plus longtemps. Son
capitaine lui dit un jour : " Si tu n’a aucune tâche
à laisser aux soldats, tu n'as aucune idée du commandement. "
" C’est la meilleure et la plus sûre manière de
commander ", répondit le jeûne. Dès son
jeune âge, il avait des idées bien déterminées
sur les maux qui frappaient le monde. " Penses-tu qu’il n'y
a aucun amusement au théâtre? " lui demanda un
ami. " Au contraire, je pense qu'il y en a trop ",
fut sa réponse.
La conviction que la source
de toutes ses actions était l’égoïsme, l’amena à
prier dans une grande détresse : " Oh, mon Dieu,
qui que tu sois, fais-moi connaître ta vérité ; daigne
te manifester à moi. " Il commença une étude
diligente de la Bible, car il lui semblait qu'aucun autre livre ne pourrait
déverrouiller les mystères concernant l'état irrégénéré
de son cœur humain. A ses yeux, jusque là, cependant, Dieu était
un juge sévère, pas un père compatissant. La compréhension
spirituelle à ce sujet lui vint à travers un livre, Honey
flowing from the Rock (Du miel coulant du Rocher) que lui avait prêté
son pasteur. Il était écrit par un Anglais, Thomas Willcock.
Le passage suivant apporta un baume au jeune homme : " Si tu
connaissais Jésus-Christ, tu ne voudrais pas, pour tout l’or du
monde, accomplir une seule bonne œuvre sans lui. Si tu le connais déjà,
tu sais qu'il est le Rocher du salut, infiniment au-dessus de n'importe
quelle propre justice. Ce Rocher te suivra partout. De ce Rocher coule
le miel de la grâce, qui seul peut te satisfaire. Voudrais-tu aller
à Jésus ? Renoncer à toute idée de ta propre
bonté, ne prenant avec toi rien d’autre que ta misère et
ton péché. "
" Voudras.-tu
connaître toute l'horreur du péché ? Ne te satisfais
pas d'examiner son étendue en toi-même. Va à Jésus
sur la croix ; contemple dans ses souffrances la malignité du péché
et tremble. Laisse l'Esprit de Dieu te guider dans l'étude de la
Bible. C'est une mine dans laquelle le trésor le plus précieux
est caché, la connaissance de Christ même. " Dans
la marge du livre se trouvaient écrits les mots suivants : " Félix
Neff a trouvé la paix ici sur les deux pages. " Et à
propos de cette expérience, il écrivit : " Quand
après un millier de vœux et un millier d'efforts infructueux, j'appris
finalement qu'en moi ne se trouve rien de bon, je fus, en effet, heureux
de tomber sur un livre qui décrivait avec exactitude et vérité
l'état misérable de mon cœur et qui me montrait en même
temps le seul remède efficace. Je reçus avec joie la bonne
nouvelle que nous devrions aller à Christ avec toutes nos souillures,
toute notre incrédulité, et tout notre cœur impénitent. "
Bien que l’énergique
converti fût loin d'être satisfait de la condition spirituelle
de l'Eglise nationale de Suisse, il n'était pas un séparatiste
et cherchait, en tenant des réunions - études bibliques
et réunions de prière - à approfondir la vie spirituelle
à l'intérieur de l'Eglise établie.
Parlant de ses travaux en
Suisse, il écrivait : " J'ai aidé dans les villages
dans la journée, et dans la soirée des paysans se sont rassemblés
pour recevoir instruction. J'ai parlé de la simplicité évangélique
en opposition avec une théologie stérile. Tout le canton
semble se préparer à un grand réveil, si l'on en
juge au moins par l'agitation de Satan. J'ai tenu treize réunions
de prière dans sept villages différents, et la moitié
de la population de l'endroit y a assisté. Je visite tous les chrétiens
pieux dans leurs propres maisons et ceux qui ne le sont pas encore mais
qui sont en recherche. " Il voyait clairement que le monde tolèrerait
que ses disciples confessent leur foi dans la Bible, mais qu’il punirait
sévèrement ceux qui chercheraient à gouverner leur
vie par ses préceptes. Par conséquent, partout il parlait
de la nécessité d'une séparation d'avec le monde.
Ces points impopulaires auxquels
le jeune prédicateur était attaché et qu’il enseignait
surprirent tout d'abord les ministres, puis les mirent en rage, qui ne
voulaient autoriser aucun enseignement religieux qui ne fût sous
leur supervision directe. " Je remarquai ", écrivit
Neff, " que je ne pouvais pas comprendre en quoi les réunions
de prière, tenues sans aucun système formel, sans liturgie,
ou sans la célébration des sacrements, pouvaient être
d'une façon ou d'une autre néfastes aux intérêts
et à la tranquillité du ministère établi.
Ou bien le ministère établi reçoit son autorité
des hommes, ou bien il la reçoit de Dieu. S'il la reçoit
des hommes, nous n'avons pas le devoir de la respecter comme étant
divine. S'il la reçoit de Dieu, qu'il prouve qu'il en est ainsi,
en respectant tout ce que Dieu fait pour promouvoir l'avancement de son
royaume céleste, et qu'il ne s'arroge pas le droit de prescrire
à Dieu les moyens qu'il doit utiliser pour l'accomplissement de
ses desseins. "
La santé détériorée
de Félix Neff le força à quitter le Jura sans délai.
A Neuchâtel, l'opposition qui se manifesta contre ses réunions
le contraignit à noter dans son journal : " 10 janvier
1821. Permission de rester jusqu'au 5 avril. Beaucoup sont affamés,
mais le Gouvernement me tolère, et le Seigneur a ouvert beaucoup
de cœurs. "
Des circonstances providentielles
l'amenèrent à être remarqué par M. Blanc, pasteur
de Mens en France. Une entrevue fut arrangée, et Neff fit l'observation
suivante : " Je lui informai que je n'avais jamais poursuivi
des études suivies et que je ne devrais certainement jamais être
ordonné à Genève. Il ne sembla pas penser le moindre
mal de moi à cause de cela et m'invita à lui rendre visite
à Mens. Il désirait même que j'y passasse quelques
mois en l'absence de son collègue. "
À vingt-quatre ans,
Neff quitta sa Suisse natale pour la France, où les quelques protestants
avaient bien peu de pasteurs en fonction. Il travailla pendant six mois
en tant qu’assistant pasteur à Grenoble, en utilisant les mêmes
méthodes de réunion. A propos de celles-ci, Neff écrivait :
" Je suis de plus en plus convaincu que ces réunions
sont des moyens très efficaces de favoriser la piété
pratique. Elles encouragent à la confiance mutuelle, l'humilité,
la simplicité et l'amour fraternel. Je sais par expérience
que l'état de mort et sans vie de l’Eglise dont tous nous nous
plaignons est dû à nos propres fautes. Ou nous ne prions
pas, ou nous ne sommes pas persévérants et assidus dans
la prière. Notre cœur étant naturellement éloigné
de Dieu, ce n'est pas un seul pas qui nous rapprochera de lui ; ce
ne sont pas non plus quelques minutes de froide prière qui suffiront
à soutenir nos âmes. "
En 1822, le jeune évangéliste
déménagea à Mens et aida M. Blanc en dispensant des
enseignements aux catéchumènes, qui étaient au nombre
de soixante-dix. Une fois par semaine, le jeune assistant leur rendait
visite, et seulement un cinquième parmi eux résidait à
Mens, le reste étant dispersé dans vingt villages différents
du pays qui était presque infranchissable. Il fut très déçu
de ne pas découvrir " un seul un épi de blé
mûr " dans un si grand champ de moisson et déplora
l'esprit mondain qui y prédominait. " Il y a peu de vie
spirituelle dans cet endroit ", écrivit-il, " et
B. lui-même, je ne peux m'empêcher de penser qu’il semble
trop satisfait d’être un protestant et de se contenter de cela.
Je perçois qu’il a peur que j’établisse des réunions
de prière, parce qu’il me parle souvent du danger des innovations,
et d'aller trop loin. Je suis cependant reconnaissant qu'il approuve les
doctrines vraies et saines de l'Evangile, et j’ai confiance que le Seigneur
ouvrira encore davantage ses yeux. Quand il est invité dans la
société, je n'entends rien d’autre que de la conversation
mondaine, parce que B. n’introduit jamais des sujets religieux, excepté
dans un but de controverse. "
L'enseignement courageux
et fidèle de Neff commençait à porter du fruit. Quelques
cas saisissants de profonde conviction de péché, aboutissant
au salut, encouragèrent l'évangéliste. Quelque chose
s’apparentant à un réveil se produisit affectant une vaste
région.
Mais il y avait des régressions
décourageantes. A travers une longue lettre adressée à
M. Blanc, retraçant les défauts et les imperfections de
Neff, un ministre de Genève avertit le pasteur de se méfier
des loups habillés en agneaux. Ensuite, le ministre absent, que
Neff remplaçait, revint et chercha à reprendre ses fonctions.
Quelques hésitations parmi les chrétiens à accéder
à sa requête eurent comme conséquence un esprit de
parti, ce ministre dénigrant ouvertement Félix Neff et se
moquant de ses sentiments rigides. Ceci en influença certains en
lesquels Félix Neff avait eu de brillants espoirs. Environ cent
familles, craignant que leur fidèle catéchiste ne les laisse,
proposèrent de rassembler des appointements en sa faveur. Celles-ci
le considéraient comme un saint, mais leurs éloges blessèrent
Neff autant que les fausses déclarations du ministre.
M. Blanc était en
très bons termes avec ce jeune assistant sur qui il déchargeait
quelquefois son cœur. Même les réprimandes que Neff administrait
de temps en temps étaient reçues d'une façon aimable,
parce que M. Blanc en était venu à reconnaître la
solide valeur du jeune homme, qui ne se laissait pas décourager
par un climat défavorable et qui ne pensait jamais à lui-même.
En résumant le ministère
de Neff à Mens, M. Blanc écrivit :
" Pendant son séjour
parmi nous de presque deux ans, il a été un instrument de
Dieu apportant le plus grand bien. L’ardeur pour la religion a augmenté
; beaucoup de gens ont été amenés sérieusement
à penser à leurs âmes immortelles ; la Bible a été
plus profondément recherchée et plus attentivement lue ;
les catéchumènes ont été mieux informés
de leurs devoirs chrétiens et leur conduite s’est améliorée
; le culte familial a été établi dans beaucoup de
maisons ; l'amour du luxe et de la vanité a diminué considérablement
; des écoles ont été fondées ; une amélioration
évidente s’est produite dans les manières de vivre et les
habitudes de travail de nos protestants.
" Doué de
grandes capacités naturelles, particulièrement d’une mesure
d'éloquence peu commune et ayant son cœur brûlant d’amour
pour son sauveur, il prêchait plusieurs fois au cours de la journée
mais ne répétait jamais le même discours. "
Afin d’être plus acceptable
par l’Eglise de France, Neff rechercha l'ordination. Mais il ne pouvait
pas la recevoir là, en raison de ses irrégularités
dans les études. Il présenta donc sa candidature à
un corps de pasteurs des assemblées indépendantes d’Angleterre
qui accéda à sa demande. A son retour d'Angleterre, Neff
apprit que des soupçons concernant son ordination à l'étranger
s’étaient répandus. Il fut faussement dépeint comme
un ennemi caché lié par des connexions religieuses avec
l’étranger, et qui disséminait de nouvelles doctrines. Le
magistrat local fit en sorte de recueillir des faux témoignages
décriant les réunions de Neff, et requit que celles-ci fussent
interrompues, aussi Neff dut-il regarder ailleurs pour trouver un champ
de travail. Il prêcha son sermon d'adieu sur le texte suivant :
" C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer
dans le royaume. "
Tournant ses pensées
vers les Hautes Alpes, Neff écrivit : " Au milieu des
Alpes, je devrais être le seul pasteur. Dans le Sud, je devrais
être entouré de pasteurs, dont beaucoup d'entre eux sont
en bons termes avec le monde, et je devrais être constamment ennuyé. "
Après beaucoup de
difficultés pour obtenir sa naturalisation et le droit de travailler,
l'ardent évangéliste, finalement, à l'âge de
vingt-six ans, démarra l'œuvre pour laquelle on se souvient le
plus de lui. Pendant quelques années, afin de nourrir le troupeau
de Dieu dispersé, il voyagea constamment de long en large, traversant
les dangereux passages menant aux paroisses situées dans les endroits
les plus élevés et les plus froids de toute la France.
Un de ses voyages, décrits
dans son journal, nous donnera quelques aperçus des difficultés
qu'il rencontrait lors de ses déplacements. Le temps était
orageux ce jour-là, et les villageois supplièrent le jeune
ministre de ne pas traverser le col par un temps pareil. Mais Neff, sentant
qu’il devait prêcher à Dormilleuse à l'heure fixée,
se procura un guide et, armé d'un grand bâton, s'approcha
de la montagne.
" Seule la plume
du poète peut décrire le panorama magnifique et plein de
majesté ", écrivait-il. " La neige nous
arrivait jusqu'au genou. Un orage de grêle, accompagné d'un
vent très coupant, s’associait aux coups de tonnerre et aux roulements
des avalanches tombant des plus hauts rochers. Les éclairs et les
rayons de lumière éclataient au-dessus et en-dessous de
nous, et l'amoncellement de la neige menaçait de nous submerger. "
" Heureusement,
tout cet orage était derrière notre dos, et il y avait un
précipice à côté de nous. Nous n'étions
pas, par conséquent, réellement en danger. Finalement nous
atteignîmes le col où nous trouvâmes une épaisseur
de neige d'un mètre et un vent insupportable. Nous arrivâmes
au point de descente, et là je pris congés de mon guide
et continuai à descendre, enfoncé toujours dans la neige
à hauteur du genou. Un brouillard se leva, et je pus tout juste
voir les pointes des rochers s'illuminer avec les rayons de soleil. Je
chantai alors quelques paroles de " Te Deum " et,
accélérant mes pas, je découvris les traces de quelque
brebis amenée dans la vallée par la neige.
J'arrivai avant le levé
du jour à Dormilleuse où ils ne furent pas le moins du monde
surpris de me voir. "
Dans une lettre adressée
à un ami, il décrivit l'environnement historique et moral
des gens parmi lesquels il travailla. " Ce village (Dormilleuse),
le plus haut dans la vallée de Freyssinières, est célébré
pour la solide résistance que ses habitants, pendant plus de soixante
ans, ont opposée aux empiètements de l'Eglise de Rome. Ce
sont les descendants par lignée directe, libres de tout adultère
spirituel, des Vaudois et ils n'ont jamais plié le genou devant
Baal. "
" Les restes des
fortifications et des murs qu'ils avaient construits de manière
à ne pas être pris par surprise par l'ennemi sont encore
visibles. Et la nature pratiquement inaccessible de leur pays était
aussi un moyen efficace pour leur préservation. La population de
ce village est entièrement protestante, tout comme celle des autres
villages de la vallée. L'aspect de cette contrée, autrefois
terrifiant et sublime, qui servit d'abri à la vérité
tandis que le reste du monde reposait dans les ténèbres
; la mémoire de ces anciens et fidèles martyrs, dont le
sang aujourd'hui encore tache les rochers ; les profondes cavernes où
ils allaient se réfugier pour lire les Ecritures et adorer le Père
des lumières en esprit et en vérité - tout ceci avait
tendance à élever l'âme et à exciter les sentiments
et les émotions d'une manière telle qu'il est impossible
de le décrire. "
" Mais ces pensées
laissent bientôt place au chagrin, lorsque le regard de l'esprit
s'arrête sur la condition présente des descendants de ces
anciens descendants de Jésus crucifié. Ils sont dégénérés
dans tous les sens du mot. Et leur état rappelle au chrétien
que le péché et la mort sont tout ce que les fils d'Adam
peuvent réellement léguer à leurs descendants. Et
hélas cet héritage est inaliénable. "
" Un grand respect
pour les Ecritures demeure néanmoins parmi eux et nous devons garder
espoir qu'ils sont toujours " des bien-aimés pour l'amour
de leurs pères " et que le Seigneur fera que sa face
brille sur ce lieu qu'il s’est choisi comme son sanctuaire. "
" L'œuvre d'un
évangéliste dans les Hautes Alpes ressemble à celle
d'un missionnaire parmi les sauvages, le degré très primitif
de civilisation presque identique dans les deux cas qui prédomine
parmi ces deux populations étant un grand obstacle aux travaux
missionnaires. Parmi les vallées, sous ma charge, le niveau de
civilisation de Freyssinières est le plus en retard. Architecture,
agriculture, instruction de toutes sortes sont à leur stade très
primitif. "
" Beaucoup de maisons
sont sans cheminées, et beaucoup ne possèdent pas de fenêtres.
Toute
la famille, durant les sept
mois que dure l'hiver, se cantonne dans l'étable qui n'est nettoyée
qu'une fois par an. Leur manière de s'habiller et leur alimentation
sont également grossières et ne sont pas saines. Leur pain
qui est fabriqué une seule fois dans l'année consiste en
seigle le plus vulgaire. S'il arrive que l'un d'eux tombe malade, ils
n'ont pas de médecin et personne pour leur administrer soit des
médicaments, soit de la nourriture même périmée.
Celui qui est invalide peut se considérer lui-même heureux
s'il peut obtenir quelques gouttes d'eau. "
" Les femmes sont
durement traitées comme dans les peuples demeurant encore à
l'état barbare. Elles s'assoient rarement, mais généralement
s'agenouillent ou s'accroupissent par terre. Elles ne s'assoient jamais
à table ou mangent avec les hommes qui leur donnent un morceau
de pain au-dessus de leur épaule sans regarder autour - une pitance
misérable, qu'elles reçoivent sur une pauvre attitude de
révérence, baisant la main du donateur. "
" Les habitants
de ces villages mélancoliques étaient si sauvages quand
je vins la première fois parmi eux qu'à la vue d'un étranger,
même un passant, ils s'enfuyaient dans leurs huttes. Les gens participaient
à la corruption générale autant que la pauvreté
pouvait le leur permettre. Le jeu, la danse, les jurons et les querelles
se rencontrent ici comme ailleurs. "
" Il se trouve
rarement une maison qui puisse protéger contre les chutes de neige
et des morceaux de rocher. Je fus pris d'une affection particulière
pour cette vallée et ressentit un ardent désir de devenir,
en quelque sorte, un Oberlin en faveur de ces pauvres gens. Malheureusement
je ne fus pas capable de passer plus d'une semaine avec eux dans l'intervalle
d'un mois. "
Félix Neff, dans sa
courte période de service, aida à construire des écoles
et des temples pour le culte. Il enseigna également des méthodes
améliorées de culture de pommes de terre et introduisit
l'irrigation, contribuant à la construction de ses infrastructures.
Il fonda des écoles et établit des professeurs, mais c’était
pour le rafraîchissement spirituel de ce peuple qu'il travailla
le plus. Un authentique mouvement de l'Esprit fut remarqué quand
il visita Freyssinières. C’était comme si la vallée
entière s'était rassemblée, et un climat de solennité
et de crainte respectueuse reposait sur l’assemblée tout entière.
Se rendant dans d'autres villages, il fut témoin de preuves supplémentaires
d’une visitation de l'Esprit.
" Tout le peuple
semblait se consacrer à la lecture, à la méditation
et à la prière ; les jeunes tout particulièrement
semblaient animés par un esprit de piété ; une flamme
céleste paraissait s'être communiquée de l'un à
l'autre. Je trouvai à peine trente heures de repos pendant la semaine. "
" Je suis frappé
d’étonnement devant l’apparente soudaineté de ce réveil.
Je pouvais à peine en croire mes yeux. Même les rochers,
les cascades et la glace paraissaient animées de vie et offraient
à mes yeux une perspective bien moins morne et sombre qu’autrefois.
Ce pays sauvage m’est devenu cher et précieux, maintenant qu’il
est devenu l'habitation de frères chrétiens. "
Les efforts exténuants
de cet humble ambassadeur de Christ étaient devenus un lourd tribut.
Écrivant dans son journal, il fit la remarque suivante : " Mes
voyages alpestres constants étaient à la fois douloureux
et dangereux, à cause de la sévérité de l'hiver.
Les constantes douleurs internes et l'indigestion m'ont obligé
à pratiquer l’abstinence mais qui était mal assortie à
la fatigue et au froid auxquels j'ai été exposé.
Mon estomac s’est raisonnablement affaibli par la nourriture grossière
et l’irrégularité de mes repas, et peut-être à
un certain degré aussi, par le manque de propreté des ustensiles
de cuisine utilisés dans ce pays. Je me suis bientôt rendu
compte qu'il était absolument nécessaire de chercher une
assistance médicale – assistance qu’en dépit de toute leur
bonne volonté, ces pauvres montagnards ne pourraient pas me procurer. "
En 1827, à l’âge
de seulement vingt-neuf ans, le jeune homme malade quitta ses bien-aimés
pour Genève. Pendant les premiers mois de repos, il attira tellement
de monde autour de lui que les gens ne purent pas croire qu’il était
malade. Mais une rechute survint vers le printemps. Elle l’affecta tellement
que de vieux amis le reconnurent à peine, et les étrangers
confondirent sa mère avec son épouse, bien qu'elle fût
âgée de soixante-sept ans. En passant en revue ses années
de labeur, l'infatigable ouvrier pouvait voir comment il avait surmené
son corps par des labeurs incessants.
" Cette interruption
de mon activité est une épreuve que je mérite bien.
J'ai souvent craint, au milieu de ma plus grande vigueur, de trop placer
ma confiance dans ma force et de trop me satisfaire dans la puissance
de l'action que rien ne semblait capable d’interrompre ou de se lasser.
Ainsi j'ai couru le risque de me trouver, un jour, en être privé,
pour mon bien-être spirituel. "
Combien de fois dans ces
jours de repos forcé il aspira à retourner dans les Hautes
Alpes. " En esprit, " écrivit-il, " je
revisite souvent vos vallées et désire ardemment être
capable de supporter le froid et la fatigue, dormir dans une étable
sur un lit de paille, afin de proclamer la Parole de Dieu. Mes paroles
vous ont souvent lassés, et la simplicité et la franchise
de mon langage vous ont souvent offensés, et bon nombre d'entre
vous m’ont vu partir avec joie. Mais si j’étais encore parmi vous,
je ne devrais pas changer de langage. La vérité est inchangeable.
Je vous supplierais encore, au nom de Jésus, de vous réconcilier
avec Dieu. "
Aucun murmure ne fut entendu
de ses lèvres pendant ces longs, longs mois de maladie. Pendant
les dernières semaines de sa vie, il supporta l’agonie et ne put
pas s’empêcher de lire ou de recevoir des visiteurs. On l’entendit
chuchoter : " Victoire, victoire, victoire en Jésus
le Christ, " tandis que la fin s'approchait. Félix Neff
quitta alors la scène de ses brefs labeurs pour recevoir le " C’est
bien " du Maître.
Quel était le secret
de la résistance de ce jeune homme à de telles privations,
à un tel dur travail et à une telle incompréhension
de ses semblables? Tôt dans sa vie chrétienne, il avait compris
qu'aller " en dehors du camp " est le sort de chaque
chrétien consacré. Il s’était armé de la pensée
que nous devons connaître également les mêmes douleurs
que Christ.
Écrivant en toute
franchise à son proche ami, M. Blanc, il révèle son
attitude intérieure vis-à-vis de ce sujet. " Je
t'ai souvent dit pourquoi tu trouves si difficile de supporter la haine,
le mépris et la perfidie du monde. C’est parce que tu ne peux pas
te faire à l’idée qu'il doit en être ainsi, et que
cette lutte continuelle est inséparable de l'Evangile. C’est, parce
qu’en entrant dans le ministère, tu n’as pas pris en compte ce
point, mais que tu as plutôt compté sur l'estime des hommes,
sur la facilité et le confort du monde. Mon cas est différent. "
" Quand mes yeux
se sont ouverts la première fois à la lumière éclatante
de l'Evangile, ce fut un moment critique, et je n'ai rien vu d’autre que
la rage et la fureur du loup contre les brebis du bon Berger. Je ne pense
maintenant en rien à la petite opposition que je rencontre. Néanmoins,
je souhaite ne pas me vanter, car si, par la grâce de Dieu, j'ai
quelque force, je n’en possède que peu en comparaison avec d'autres
ouvriers mille fois plus fidèles que je ne le suis. Et en outre,
j'ai tant de causes d’humiliation que je dois être pire qu'un imbécile
si je m'estime sur quelque base que ce soit. "
" Lui qui est venu
pour nous ouvrir le royaume du ciel était loin d’avoir son chemin
terrestre jonché de roses et ne trouva que peu d'honneur et de
respect. "
" Ne parle pas,
je t’en supplie, " d'une fin à tout cela ", de
" Satan ayant été vaincu ", etc.. Soit
baisse les bras et soumets-toi immédiatement à l'ennemi,
soit résous-toi à une vie de guerre. Si la paix extérieure
devait t'être accordée, je devrais craindre que la vie spirituelle
expire bientôt. La paix parfaite en ce monde est la mort au nouvel
homme. Pour notre chair - aucune paix, aucun repos, aucun honneur, aucune
estime. "
Citations
de Félix Neff
" Demeurez en moi.
Il n'est donné à aucune créature d'avoir la vie en
elle-même. C’est seulement en proportion de ce que Christ habite
en nous, et nous en lui que nous avons une quelconque vie réelle
en nous. "
" A ceux dont la
vie spirituelle est devenue graduellement faible et languissante, je dis
sans hésitation que ce mal vient de leur négligence de la
prière et de la méditation.
Ils se contentent de savoir
ces choses sans les mettre en pratique. Ils parlent de la grâce
de Dieu mais ils ne la recherchent pas. Ils connaissent Jésus-Christ,
mais ils ne cultivent pas une étroite communion avec lui. Ils ne
sont pas suffisamment chrétiens dans leur vie privée. Ils
ne recherchent pas Christ dans leur chambre de prière. "
" La source de
la vie ne se trouve pas en nous-mêmes. Elle est en Dieu, et en proportion
de notre négligence à nous ressourcer à cette source,
par la prière, la lecture et la méditation, nous deviendrons
secs et stériles ; tout comme un pré dans un terrain sablonneux
et exposé au sol languirait et s'étiolerait par manque d'eau. "
A lire également
:
Biographie
de Félix Neff - Par Paul Ranc.
Revenir
en haut
Accueil
| Auteurs | Biographies
| Thèmes | Réveils
| Livres/K7/CD |
Liens | Traduction |
Sentinelle 24-7 |
Vision & Historique
| Séminaires | E-mail
Copyright © 2003. Ensemble
Rebâtissons la Maison.
|