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Hudson Taylor
Père de la Mission de la Chine Intérieure (1832-1905)
par Orlando Boyer

James Taylor s'était levé de bonne heure. Il était enfin là, le jour annoncé et tant attendu de son mariage; le jeune homme se mit à tout préparer pour recevoir sa jeune épouse dans la maison qu'ils allaient occuper. Tout en travaillant, il réfléchissait aux événements récents qui avaient eu lieu au village.

Deux familles, les Cooper et les Shaw, s'étaient converties et avaient invité John Wesley à prêcher pour cette grande occasion. L'ancien prêcha un tel sermon sur "La colère imminente" que les gens se détournèrent de leurs persécutions, laissant tranquille l'intrépide orateur qui logeait chez Monsieur Shaw.

Tout en préparant la maison pour l'arrivée de la jeune femme, James écoutait la voix de la voisine, madame Shaw, qui chantait. Il se souvint alors qu'il y avait quelques mois, elle passait tout son temps au lit, gémissant jour après jour à cause de son rhumatisme qui l'avait laissée impotente. Mais lorsqu'elle se fut "confiée au Seigneur" comme elle disait, pour qu'Il la guérisse, la transformation fut grande. De même, grande fut la surprise de son mari lorsqu'il rentra : non seulement sa femme était debout et guérie, mais elle était en train de balayer la cuisine!

James Taylor haïssait la religion. C'était le jour de son mariage. Après la noce, ils iraient danser et boire, comme c'était la coutume. Cependant, il ne pouvait oublier ces paroles, entendues dans le sermon du prédicateur : " Mais ma maison et moi, nous servirons le Seigneur. "

Il allait prendre femme et il allait assumer les responsabilités d'un mari et d'un père de famille. Jusqu'alors, son insouciance avait été très grande. Résolu alors à entamer sérieusement sa vie d'homme marié, il se mit à répéter les paroles : " Nous servirons le Seigneur! "

Les heures passèrent. Le soleil monta dans le ciel, baignant de sa lumière les maisons couvertes de neige. Mais le jeune James, oublieux de toutes ces choses matérielles et pris par la réalité des choses éternelles, resta à genoux face à face avec Dieu. Enfin, l'amour du Sauveur vainquit le cœur de James Taylor qui se leva, possédé de Jésus-Christ.

Nous pouvons nous imaginer, tandis que les cloches sonnaient, combien la jeune mariée et les invités s'impatientèrent ce jour-là. L'heure de la cérémonie était passée lorsque le jeune homme revint à lui et se releva de sa prière. Après s'être changé, il fit en courant les trois kilomètres qui le séparaient du petit village de Royston.

Sans perdre de temps à demander au jeune homme la raison d'un tel retard, on commença la cérémonie et James et Elisabeth sortirent de l'église, mari et femme. Le jeune homme n'hésita pas et, aussitôt dehors, il raconta ce qui lui était arrivé et sa conversion à Betty. En entendant cela, celle-ci s'exclama d'un ton désespéré : "Alors je viens d'épouser l'un de ces méthodistes!"

Ce jour-là, il n'y eut pas de danse; la voix et le violon du marié servirent à glorifier le Maître. Betty, tout en sachant dans son cœur que James avait raison, continua à résister et à se plaindre. Alors, un jour où elle se montrait encore plus fâchée, le robuste James la prit dans ses bras et l'emporta dans la chambre; là, il s'agenouilla à côté d'elle et se mit à prier pour elle de toute son âme. Emue par le chagrin profond et le souci que James se faisait pour son âme, elle commença à se rendre compte de son péché et, le lendemain, agenouillée à côté de son mari, Elisabeth Taylor implora Dieu, renonça à la vanité de ce monde et se confia à Christ.

C'est ainsi, avec ses arrière-grands-parents, que commence la vraie biographie du héros de la foi, Hudson Taylor. A leur tour, ses grands-parents et ses parents élevèrent leurs enfants dans la même crainte de Dieu.

Un jour mémorable, avant la naissance de Hudson, l'aîné de la famille, le père appela sa femme pour discuter avec elle d'un passage des Ecritures qui l'avait fortement impressionné. Dans sa bible, il avait lu une partie du chapitre 13 de l'Exode et du chapitre 3 des Nombres : "Consacre-Moi tout premier-né [...]; il m'appartient [...]; les mâles appartiennent à l'Eternel [...]. Tu consacreras à l'Eternel tout premier-né [...]"

Les deux époux parlèrent longtemps de la joie qui les attendait. Puis, à genoux, ils remirent leur premier-né au Seigneur, Lui demandant de le mettre à part dès cet instant pour Son œuvre.

James Taylor, le père de Hudson, non seulement priait avec ferveur pour ses cinq enfants, mais il leur enseignait également à tout demander à Dieu, jusqu'à la moindre chose.

Chaque jour, à genoux à côté du lit, le père entourait de son bras chacun de ses enfants tandis qu'il priait avec insistance pour eux. Il insistait pour que chaque membre de la famille passât aussi au moins une demi-heure par jour avec Dieu, pour renouveler son âme au moyen de la prière et de l'étude des Ecritures.

La porte fermée de la chambre de la mère, tous les jours à midi, en dépit des innombrables et constantes obligations qui lui incombaient, avait également une grande influence sur tous, car ils savaient qu'elle se prosternait alors devant Dieu pour renouveler ses forces et pour demander qu'autrui se sente attiré vers l'Ami invisible qui habitait en elle.

Rien d'étonnant, dans ce cas, qu'en grandissant Hudson se soit consacré entièrement à Dieu. Le grand secret de son incroyable succès était que lorsqu'il manquait de quelque chose, dans le domaine spirituel comme dans le domaine matériel, il avait toujours recours à Dieu et il recevait de Lui des trésors infinis.

Néanmoins, il ne faut pas penser que la jeunesse de Hudson fut exempte de luttes difficiles. Comme cela se passe pour beaucoup, le jeune homme arriva à l'âge de dix-sept ans sans avoir reconnu Christ comme son Sauveur. A ce sujet, il écrivit plus tard : "Cela peut paraître étrange, mais je suis reconnaissant des années passées dans le scepticisme. L'absurdité du fait qu'il y ait des croyants qui disent croire en la Bible alors qu'ils se conduisent comme si ce Livre n'existait pas, était l'un des arguments les plus forts de ceux qui partageaient mon scepticisme. Très souvent, j'affirmais que si j'acceptais la Bible, je ferais tout mon possible pour suivre ses enseignements et au cas où je n'y trouverais pas une valeur pratique, je lancerais le tout aux orties. C'était là ma résolution lorsque le Seigneur me sauva. Je crois que depuis lors, j'ai vraiment mis à l'épreuve la Parole de Dieu. Certes, je ne me suis jamais repenti d'avoir eu confiance en ses promesses ou d'avoir suivi ses règles.

"C'est pourquoi je désire vous raconter comment Dieu exauça les prières que ma mère et ma sœur chérie adressèrent au Seigneur pour ma conversion.

"Un jour, pour moi inoubliable [...], afin de me distraire, je pris un livre dans la bibliothèque de mon père. j'avais l'intention de lire le début de l'histoire et de m'arrêter avant les exhortations de la fin.

"Je ne savais pas ce qui se passait à ce même instant dans le cœur de ma mère chérie qui se trouvait à plus de cent kilomètres de là. Elle avait quitté la table, soupirant après la conversion de son fils. Comme elle se trouvait loin de sa famille, sans besognes ménagères pour l'occuper, elle se retira dans sa chambre, résolue à n'en pas sortir avant d'avoir reçu une réponse à ses prières. Elle pria pendant plusieurs heures jusqu'à ce qu'enfin elle puisse louer Dieu, le Saint-Esprit lui ayant révélé que le fils pour lequel elle priait, venait de se convertir.

"De mon côté, comme je l'ai dit, je fus poussé à ce même moment à lire ce petit livre. Mon attention fut attirée par les paroles suivantes : l'œuvre consommée. Je me demandai alors pourquoi l'auteur n'avait pas écrit : l'œuvre propitiatoire? Quelle est l'œuvre consommée? Puis je me rendis compte que la propitiation de Christ était totale et parfaite. Toute la dette de nos péchés était payée et il ne me restait rien à faire. A ce moment-là, je ressentis une conviction merveilleuse, je fus illuminé par le Saint-Esprit et je reconnus que la seule chose à faire était de me prosterner et d'accepter le Sauveur et Son salut et de Le louer à jamais.

"Ainsi donc, pendant que ma mère chérie, à genoux dans sa chambre, louait Dieu, moi je faisais de même dans la bibliothèque de mon père où j'étais entré pour lire un peu".

Ce fut ainsi que Hudson Taylor accepta pour sa propre vie l'œuvre propitiatoire de Jésus-Christ, acte qui transforma totalement le reste de sa vie. Il écrivit ceci à propos de sa consécration :

" Je me souviens très bien de ce moment où, le cœur rempli de joie, j'épanchai mon âme devant Dieu, Lui répétant combien j'étais reconnaissant et rempli d'amour parce qu'Il avait tout fait, qu'Il m'avait sauvé lorsque j'avais perdu tout espoir et que je ne désirais même plus le salut. Puis je Le suppliai de me confier une œuvre à réaliser pour exprimer mon amour et ma gratitude, quelque chose qui exigerait de l'abnégation; quelque chose pour plaire à Celui qui avait tant fait pour moi. Je me souviens comment je Lui consacrai tout, sans réserve, plaçant ma propre personne, ma vie, mes amis et tout le reste sur l'autel. Convaincu que mon offrande serait acceptée, la présence de Dieu devint très réelle et précieuse. Je me prosternai devant lui, rempli d'humilité et d'une joie indicible. Pour quel service j'avais été accepté, je ne le savais pas, mais je ressentis une certitude si profonde que je ne m'appartenais déjà plus et que ce sentiment domina dès lors toute ma vie ".

Le jeune homme qui entra dans sa chambre pour être seul avec Dieu ce jour-là, n'était plus le même lorsqu'il en ressortit. La connaissance d'un objectif et d'une puissance s'était emparée de lui. Il ne lui suffisait déjà plus d'alimenter sa seule âme dans les cultes, mais il commença à éprouver un sentiment de responsabilité envers son prochain; maintenant il désirait s'occuper de ce qui concerne son Père. Il trouva sa joie dans des richesses et des bénédictions indicibles. Comme les lépreux du campement des Syriens, Hudson et sa sœur Amelia disaient : " Nous n'agissons pas bien; aujourd'hui est jour de bonnes nouvelles et nous nous taisons ". Ainsi donc, ils renoncèrent à aller au culte le dimanche soir pour aller annoncer le message, de porte en porte, parmi les classes les plus pauvres de la ville.

Cependant, Hudson Taylor n'était toujours pas satisfait; il savait qu'il ne faisait pas encore toute la volonté de Dieu. Alors, l'esprit en proie à l'angoisse, il s'écria comme tel personnage de l'Antiquité : "Je ne te laisserai que tu ne me bénisses." Se trouvant seul et à genoux, un grand dessein se fit jour en son âme; si Dieu brisait le pouvoir du péché et le sauvait d'esprit, d'âme et de corps, pour l'éternité, il renoncerait à tout sur la terre pour se mettre pour toujours à la disposition de Dieu. A propos de cette expérience, Hudson Taylor s'exprima ainsi :

" Je n'oublierai jamais ce que je ressentis à ce moment-là; il n'y a pas de mot pour le décrire. Je me sentis en présence de Dieu, concluant une alliance avec le Tout-Puissant. Il me sembla entendre une voix prononcer les paroles suivantes : Ta prière a été entendue; tes conditions ont été acceptés. Depuis lors, je n'ai jamais douté que Dieu m'avait appelé pour aller travailler en Chine ".

Bien qu'Hudson Taylor n'en parlât presque jamais, cet appel de Dieu brûlait comme une torche dans son cœur. Nous rapportons ci-dessous le paragraphe suivant extrait d'une lettre qu'il écrivit à sa sœur :

" Imagine trois cent soixante millions d'âmes sans Dieu et sans espérance en Chine! Il paraît incroyable que douze millions de personnes meurent chaque année sans la consolation de l'Evangile! [...] Presque personne n'accorde d'importance à la Chine où vit près du quart de la race humaine [...] Prie pour moi, chère Amelia, et demande au Seigneur de me donner davantage l'Esprit du Christ [...] Je prie dans le magasin, dans l'écurie, partout où je peux être seul avec Dieu. Et Il m'accorde des instants glorieux [...] Il n'est pas juste d'attendre de V. [...] (la fiancée de Hudson) qu'elle vienne avec moi mourir à l'étranger. Je regrette profondément de devoir me séparer d'elle, mais mon Père sait ce qui est le mieux pour moi et Il ne me refusera rien qui ne soit bon [...]."

Faute de place, nous ne pouvons relater ici l'héroïsme dans la foi dont fit preuve le jeune homme, acceptant les sacrifices et les privations nécessaires afin de suivre les cours de médecine et de chirurgie qui lui permettraient de mieux servir le peuple de Chine.

Avant de s'embarquer, il écrivit à sa mère : " Je désire être près de toi une fois encore, car je sais que toi, ma mère, tu désires me voir, mais je crois qu'il vaut mieux ne plus nous serrer dans les bras, car cela serait comme nous retrouver pour ensuite nous séparer pour toujours [...]." Cependant, sa mère se rendit au port d'où le bateau devait mettre les voiles. Des années plus tard, il décrivit ainsi le départ :

" Ma mère chérie, qui repose maintenant avec le Christ, vint à Liverpool pour me dire au revoir. Je n'oublierai jamais la façon dont elle entra avec moi dans la cabine où j'allais vivre pendant près de six longs mois. Avec sa tendresse de mère, elle prépara la couchette. Elle s'assit à côté de moi et nous avons chanté un dernier hymne ensemble avant de nous séparer. Nous nous sommes agenouillés et elle pria; ce fut la dernière prière de ma mère avant mon départ pour la Chine. On entendit alors le signal indiquant à ceux qui ne partaient pas qu'ils devaient débarquer. Nous nous sommes fait nos adieux, sans espoir de nous revoir un jour [...]. Lorsque le bateau quitta le quai, et que la séparation devint une réalité, de son cœur jaillit un cri d'angoisse si émouvant que je ne l'oublierai jamais. Ce fut comme si mon cœur avait été transpercé par un coup de poignard. Je ne m'étais jamais encore si bien rendu compte de ce que signifiaient les paroles : Parce que c'est ainsi que Dieu aima les hommes. Je suis sûr qu'à ce moment-là, ma mère chérie comprit elle aussi plus qu'en toute autre occasion de sa vie, l'amour de Dieu pour les hommes qui périssent. Oh! Comme le cœur de Dieu s'attriste à voir Ses enfants se boucher les oreilles à l'appel divin à sauver le monde, pour lequel son Fils unique et bien-aimé a souffert et est mort! "

Les passagers des navires modernes ne connaissent pas le manque de confort des voyages en bateau à voiles. Après l'une des nombreuses tempêtes que dut traverser le Dumfries, notre héros écrivit: "La plus grande partie de tout ce que je possède est mouillée. La cabine du pauvre commissaire a été inondée [...]."

C'est grâce aux prières et aux efforts de tous ceux qui étaient à bord qu'ils réussirent à sauver leur vie lorsque le bateau, entraîné par une forte tempête, fut sur le point de faire naufrage sur les rochers de la côte de Galles. Le voyage qu'il espérait faire en quarante jours, leur prit cinq mois et demi! Ce n'est que le 1er mars 1854 que Hudson Taylor, âgé de vingt et un ans, put débarquer à Shanghai. C'est alors qu'il écrivit ses impressions :

" Je ne peux décrire mes sentiments lorsque je touchai la terre ferme. Je crus que mon cœur allait éclater dans ma poitrine; des larmes de gratitude et de joie m'inondaient le visage ".

Puis, il ressentit une grande nostalgie; il n'avait pas un ami, pas une connaissance, pas une seule personne dans tout le pays qui puisse lui souhaiter la bienvenue ni même l'appeler par son nom.

En ce temps-là, la Chine était terra incognita, à l'exception des cinq ports du littoral, ouverts aux étrangers qui pouvaient y résider. C'est chez un missionnaire de Shanghai, l'un de ces cinq ports, que le jeune homme prit pension.

La victoire remportée dans les différentes épreuves qu'il dut affronter à ce moment-là, est due à un trait de caractère remarquable de Hudson Taylor, à savoir sa faculté d'aller toujours de l'avant sans jamais se laisser arrêter dans son œuvre, quel que soit le contretemps.

Au cours des trois premiers mois de son séjour en Chine, il distribua mille huit cents Nouveaux Testaments et évangiles et plus de deux mille livres. Dans l'année 1855, il fit huit voyages, dont l'un de trois cents kilomètres en remontant le fleuve Yang-tseu. Lors d'un autre voyage, il se rendit dans cinquante et une villes où l'on n'avait jamais entendu le message de l'Evangile. A l'occasion de ces voyages, il était toujours averti du danger qu'il courait parmi des gens qui n'avaient jamais vu d'étrangers.

Afin de gagner davantage d'âmes à Christ, en dépit de la censure des autres missionnaires, il prit l'habitude de s'habiller à la chinoise. Il se rasa le devant du crâne et laissa pousser le reste de ses cheveux pour se faire une longue tresse. Il attachait son pantalon, large de plus d'un demi mètre avec un ceinturon, comme c'était la coutume. Il portait des bas en coton blanc et des chaussures en satin. Le manteau qu'il portait dépassait l'extrémité de ses doigts de soixante-dix bons centimètres.

Mais une des épreuves les plus lourdes que dut porter notre héros fut le manque d'argent lorsque la mission qui l'avait envoyé se trouva sans ressources. Le 20 janvier 1858, Hudson Taylor épousa Mary Dyer, missionnaire en Chine elle aussi. De cette union, naquirent cinq enfants. La maison où ils habitèrent au début, dans la ville de Ning-po, devint par la suite le berceau de la célèbre Mission de la Chine intérieure.

Les privations et les obligations entraînées par le ministère à Shanghai, Ning-po et ailleurs étaient telles que Hudson Taylor, après moins de six années en Chine, dut rentrer en Angleterre pour y retrouver la santé. Pour lui, ce fut presque une sentence de mort lorsque les médecins lui dirent qu'il ne devrait jamais retourner en Chine.

Néanmoins, le fait qu'il mourait un million d'âmes en Chine chaque mois était une réalité pour Hudson Taylor; ainsi donc, dès son arrivée en Angleterre, il entreprit immédiatement avec un courage indomptable, le travail de préparation d'un recueil d'hymnes ainsi que la révision du Nouveau Testament pour les nouveaux convertis qu'il avait laissés en Chine. Il continuait de porter son habit chinois typique et il travaillait avec la carte de Chine épinglée au mur et la Bible toujours ouverte sur la table. Après s'être nourri et rempli de la Parole de Dieu, il contemplait la carte, et ses pensées s'en allaient auprès de ceux qui ne jouissaient pas de telles richesses. Il exposait tous ses problèmes à Dieu. Rien n'était jamais trop grand ni trop insignifiant pour être confié à Dieu dans ses prières.

Quant à ses activités, il était si surchargé de travail avec la correspondance et la préparation des cultes célébrés au profit de la Chine, qu'après son retour, il s'écoula plus de vingt jours avant qu'il ne puisse aller embrasser ses chers parents à Bransley.

Il avait coutume de passer à prier et à jeun, parfois la matinée, parfois la matinée et l'après-midi. Le passage suivant qu'il écrivit, montre combien son âme continuait à brûler dans les discours qu'il prononçait dans les églises d'Angleterre sur l'œuvre missionnaire: " Il y avait à bord, parmi nos compagnons de voyage, un Chinois du nom de Peter, qui avait passé quelques années en Angleterre mais qui, en dépit d'une vague connaissance de l'Evangile, ne croyait pas qu'il pouvait le sauver. Je me sentais donc responsable de lui et je m'employai à prier et à lui parler, afin de l'amener vers Christ. Mais, alors que le bateau s'approchait de Sung-Kiang et que je me préparais à débarquer pour prêcher et distribuer des brochures, j'entendis le cri d'un homme qui venait de tomber à la mer. Je sortis sur le pont avec d'autres personnes pour découvrir que Peter avait disparu.

" Nous avons amené les voiles immédiatement, mais le courant était si fort que nous ne pouvions être sûrs de l'endroit exact où l'homme était tombé. Je vis alors qu'il y avait quelques pêcheurs près de notre bateau qui se servaient d'une traîne. Le cœur étreint d'angoisse, je leur criai : Venez jeter votre filet par là, un homme est en train de se noyer! Veh bin, fut la réponse inattendue, ce qui veut dire : ce n'est pas le moment.

- Je ne vous demande pas si cela convient ou non. Venez vite, avant que cet homme ne périsse.

- Nous sommes en train de pêcher.

- Je sais, mais venez tout de suite et je vous paierai bien.

- Combien nous donnerez-vous?

- Cinq dollars, mais ne restez pas là à discuter. Sauvez cet homme sans attendre!

- Cinq dollars, ce n'est pas assez; répondirent-ils. Nous ne le ferons pas pour moins de trente dollars.

- Mais je ne les ai pas! Je vous donnerai tout ce que j'ai.

- Combien avez-vous?

- Je ne sais pas [...] mais pas plus de quatorze dollars.

" Alors les pêcheurs s'approchèrent et lancèrent leur filet à l'endroit indiqué. Sur-le-champ, ils ramenèrent le corps de l'homme à leur première tentative. Cependant, tous les efforts pour le ranimer furent inutiles. Une vie avait été sacrifiée à cause de l'indifférence de ceux qui auraient pu la sauver, presque sans efforts ".

En entendant raconter cette histoire, une vague d'indignation passa sur tout l'auditoire. Il y avait donc dans le monde un peuple si endurci et intéressé? Mais en écoutant la suite, la condamnation frappa plus encore le cœur de ceux qui écoutaient.

" Le corps vaut donc davantage que l'âme? Nous blâmons ces pêcheurs, les accusant d'être coupables de la mort de Peter, parce qu'il était facile de le sauver. Mais, qu'en est-il des millions de personnes que nous laissons périr pour toute l'éternité? Que dire alors de l'ordre implicite : Allez par tout le monde et prêchez la bonne nouvelle à toute la création? Dieu nous a dit aussi :

" Délivre ceux qu'on traîne à la mort, ceux qu'on va égorger, sauve-les! Si tu dis: Ah! nous ne savions pas! ... Celui qui pèse les cœurs ne le voit-il pas? Celui qui veille sur les âmes ne le connaît-il pas? Et ne rendra-t-Il pas à chacun selon ses œuvres? " (Proverbes 24:11,12).

" Croyez-vous que chacun de ces millions de Chinois a une âme immortelle et que le seul nom sous le ciel, donné aux hommes, soit le précieux nom de Jésus, le seul qui puisse nous sauver? Croyez-vous que Lui, et Lui seul, est le chemin, la vérité et la vie et que personne ne vient au Père, si ce n'est par Lui? Si vous croyez cela, faites votre examen de conscience afin de voir si vous faites tout votre possible pour faire connaître Son nom à tous.

" Personne n'a le droit de dire qu'il n'a pas été appelé à aller en Chine. Devant de tels faits, tous doivent savoir s'ils ont été appelés à rester à la maison. Ami, si tu n'es pas sûr d'avoir été appelé à rester là où tu es, comment peux-tu désobéir au commandement clair du Sauveur de partir? Si, malgré tout, tu es sûr d'être là où le Christ veut que tu sois, non pas par convenance personnelle ou en raison du confort de ta vie, alors, pries-tu comme il convient pour les millions d'âmes perdues en Chine? Utilises-tu tes ressources pour le salut de ces millions d'âmes? "

Un jour, en étudiant les statistiques, peu après son retour en Angleterre, Hudson Taylor apprit que le nombre total de missionnaires évangéliques en Chine avait diminué au lieu d'augmenter. En dépit du fait que la moitié de la population païenne du monde se trouvait en Chine, le nombre de missionnaires était tombé, au cours de l'année, de cent quinze à quatrevingt-onze seulement. Les paroles suivantes résonnèrent aux oreilles du missionnaire : "Quand je dis au méchant : Méchant, tu mourras! si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa voie, ce méchant mourra dans son iniquité et je te redemanderai son sang" (Ezéchiel 33:8).

C'était un dimanche matin, le 25 juin 1865, au bord de la mer. Hudson Taylor, fatigué et malade, se trouvait à Brighton avec quelques amis. Mais incapable de supporter davantage l'allégresse de la foule dans la maison de Dieu, il se retira et alla marcher seul sur le sable de la plage tandis que la marée baissait. Tout autour de lui régnaient la paix et le calme, mais dans l'âme du missionnaire rugissait la tempête. Finalement, en proie à un soulagement indicible, il s'écria : " Toi, Seigneur, Toi seul peux assumer toute la responsabilité. A Ton appel, en bon serviteur, j'irai de l'avant, laissant tout entre Tes mains ". Ainsi donc, la Mission de la Chine intérieure fut conçue en l'âme de Hudson Taylor et toutes les étapes de son développement furent franchies grâce aux efforts de ce dernier. Dans le calme de son cœur, en communion profonde et indicible avec Dieu, naquit la mission.

Un crayon à la main, il ouvrit sa Bible; tandis que les vagues de la mer immense baignaient ses pieds, il écrivit ces mots simples mais mémorables : "J'ai prié à Brighton pour demander que me soient accordés vingt-quatre ouvriers compétents et disponibles, ce 25 juin 1865 ".

Plus tard, au souvenir de cette victoire, il écrivit : " Grand fut le soulagement que je ressentis à mon retour de la plage. Une fois apaisé le conflit intérieur, tout fut joie et paix. Il me semblait que pour un peu, je me serais mis à courir vers la maison de monsieur Pearse. Cette nuit-là, je dormis profondément. Ma chère épouse eut l'impression que mon séjour à Brighton m'avait permis de me renouveler merveilleusement. C'était vrai! "

Le missionnaire victorieux, avec sa famille et les vingt-quatre missionnaires appelés par Dieu, s'embarquèrent à Londres, sur le Lammermuir à destination de la Chine, le 26 septembre 1866. L'objectif auquel tous aspiraient était de dresser la bannière de Christ dans les onze provinces pas encore occupées de la Chine. Certains de leurs amis les encouragèrent, mais d'autres leur dirent : " Tout le monde oubliera les frères. Comme il n'existe pas d'association ici, en Angleterre, personne ne s'intéressera à l'œuvre pendant bien longtemps. Il est facile de faire des promesses aujourd'hui; d'ici peu de temps, vous n'aurez même plus le pain quotidien".

Le voyage dura plus de quatre mois. A propos de l'une des tempêtes qu'ils essuyèrent, l'un des missionnaires écrivit :

" Pendant toute la tempête, Monsieur Taylor fit preuve de la plus grande sérénité. Finalement, les marins refusèrent de travailler. Le capitaine conseilla à tous les passagers de mettre leurs ceintures de sauvetage, précisant que le bateau ne résisterait pas à la force des vagues plus de deux heures. Puis le capitaine se dirigea vers les marins, son revolver à la main. A ce spectacle, Monsieur Taylor s'approcha de lui et lui demanda de ne pas forcer de cette façon les marins à faire leur travail. Le missionnaire se dirigea vers les hommes et leur expliqua que Dieu allait les sauver, mais que les efforts de tous ceux qui étaient à bord étaient nécessaires. Il ajouta que lui-même ainsi que tous les passagers étaient prêts à les aider et que, de toute évidence, leur vie à tous était en danger. Les hommes, convaincus par ces arguments, se mirent à réparer les dégâts, aidés par nous tous; en peu de temps, nous avions réussi à arrimer les grands mâts, qui frappaient avec tant de force un côté du navire qu'ils y causaient de grands dégâts. "

Ainsi donc, ce furent des heures de grande réjouissance quand, enfin, le Lammermuir arriva au port de Shanghai, avec tout le monde à bord sain et sauf. Un autre navire qui arriva peu après, avait perdu seize des vingt-deux personnes qui étaient à bord!

Les missionnaires commencèrent l'année 1867 par une journée de jeûne et de prière, demandant que Dieu les bénisse et agrandisse Son territoire. Le Seigneur les entendit et leur répondit en leur ouvrant cette année-là un grand nombre de villes! Ils terminèrent l'année par une autre journée de jeûne et de prière. Un culte dura de onze heures du matin à trois heures de l'après-midi sans que personne ne se lasse. Lors d'un autre culte, qui débuta à huit heures et demie du soir et au cours duquel ils ressentirent mieux encore l'onction du Saint-Esprit, ils continuèrent à prier ensemble jusqu'à minuit, heure à laquelle ils célébrèrent la Sainte Cène.

Au début de l'année 1867, le Seigneur appela Grace Taylor, la fille de Hudson Taylor au foyer éternel, alors qu'elle venait d'avoir huit ans. L'année suivante, la femme de Taylor et son fils Noël moururent du choléra. Le père et mari s'exprima ainsi : " Lorsque le jour se leva, la lumière du soleil révéla ce que la lueur de la bougie avait dissimulé, la couleur caractéristique de la mort sur le visage de ma femme. Mon amour ne pouvait ignorer plus longtemps non seulement la gravité de son état, mais qu'elle allait mourir. Lorsque je fus parvenu à calmer mon esprit, je lui dis :

- Sais-tu, chérie, que tu vas mourir?

- Mourir! tu crois? Pourquoi penses-tu cela?

- Je le vois, chérie. Tes forces s'épuisent.

- Vraiment? Je ne ressens aucune douleur, je suis seulement fatiguée.

- Oui, tu pars pour la Maison paternelle, bientôt tu seras avec Jésus.

" Mon épouse bien-aimée, pensant à moi qui allais rester seul, en un temps de luttes si rudes, privé de la compagne avec qui j'avais l'habitude de porter tous les problèmes auprès du trône de la gloire, me dit : Je regrette beaucoup [...] Puis elle s'arrêta, comme pour corriger ce qu'elle venait de dire, et je lui demandai : Tu regrettes d'aller retrouver Jésus?

"Je n'oublierai jamais la façon dont elle me regarda et me répondit : Oh, non! Tu sais bien, chéri, que depuis plus de dix ans il n'y a jamais eu d'ombre entre mon Sauveur et moi. Je ne regrette pas de partir pour aller Le retrouver, mais je suis triste car tu vas rester seul pour affronter les luttes. Mais […] Il sera avec toi et pourvoira à tous tes besoins.

" Je n'ai jamais assisté à une scène si émouvante, raconta Madame Duncan, lorsque Madame Taylor rendit le dernier soupir, Monsieur Taylor tomba à genoux, le cœur accablé de douleur et la confia au Seigneur qu'il remercia des douze années et demie qu'ils avaient passées ensemble. Il Le remercia aussi de l'avoir bénie et appelée auprès de Lui. Puis, il se voua lui-même à nouveau solennellement au service du Seigneur ".

Comme on peut le prévoir, Satan ne laissa pas la mission de la Chine intérieure envahir son territoire par ses vingt-quatre nouveaux ouvriers sans inciter le peuple à de plus grandes persécutions. En de nombreux endroits, on distribua des tracts qui accusaient les étrangers des crimes les plus barbares et les plus horribles, et en particulier ceux qui répandaient la religion de Jésus. Des villes entières s'agitèrent et nombreux furent les missionnaires qui durent tout abandonner pour fuir et sauver leurs vies.

Près de six ans après le débarquement du groupe de Lammermuir en Chine, Hudson Taylor retourna en Angleterre. Pendant cette période de son œuvre en Chine, la mission était passée de deux postes avec sept ouvriers à treize postes avec plus de trente missionnaires et cinquante ouvriers, avec une distance moyenne de cent vingt kilomètres entre les différents postes.

Ce fut au cours de ce séjour en Angleterre que Hudson épousa mademoiselle Faulding, elle aussi fidèle missionnaire en Chine. Vers cette époque, une amie écrivit à propos de Hudson Taylor :

"Monsieur Taylor annonça un hymne, s'assit à l'harmonium et commença à jouer. Sa personnalité n'était pas très attirante. Il était maigre et il parlait d'une voix douce. Comme tous les jeunes, je croyais qu'une voix puissante était toujours l'apanage d'un vrai prestige. Mais lorsqu'il dit : "Prions" et qu'il dirigea la prière, je changeai d'avis; je n'avais jamais entendu personne prier ainsi. Il y avait dans sa prière une détermination, une puissance qui firent que toutes les personnes présentes s'humilièrent et se sentirent en présence de Dieu. Il s'adressait à Dieu face à face, comme s'il parlait à l'un de ses amis. Sans aucun doute une telle prière était le fruit de longues années de relation avec le Seigneur; c'était comme la rosée qui tombe du ciel. J'ai entendu de nombreux hommes prier, mais je n'avais jamais entendu personne prier comme Monsieur Taylor et Monsieur Spurgeon. Personne, après avoir entendu la façon dont ces hommes priaient, ne pouvait l'oublier. La plus grande expérience que j'eus dans ma vie fut d'entendre Monsieur Spurgeon prendre par la main, pour ainsi dire, un auditoire de seize mille personnes et l'amener jusqu'au Saint des Saints. Ecouter Monsieur Taylor prier pour la Chine me fit entrevoir ce que signifie la prière efficace du juste ".

C'est en 1874 que Hudson Taylor écrivit ce qui suit, alors qu'en compagnie de sa femme, il remontait le grand fleuve Yang-tseu et méditait sur les neuf provinces qui s'étendaient depuis les tropiques de Birmanie jusqu'aux hauts plateaux de Mongolie et aux montagnes du Tibet :

"Mon âme convoite et mon cœur désire avec ardeur évangéliser les cent quatre-vingts millions d'habitants de ces provinces qui n'ont pas d'ouvriers chrétiens. Oh, si j'avais cent vies à user ou à donner pour leur bien! "

Mais, au milieu de leur voyage, il apprirent la mort de la fidèle missionnaire Amelia Blatchley, en Angleterre. Non seulement elle s'occupait des enfants de Monsieur Taylor, mais elle tenait aussi le poste de secrétaire de la Mission.

Grande fut la tristesse que ressentit Hudson Taylor lorsqu'il arriva en Angleterre de trouver non seulement ses enfants chéris séparés et dispersés, mais aussi l'œuvre de la Mission presque paralysée. Cependant ce ne fut pas son plus grand sujet de tristesse. Au cours du voyage sur le Yang-tseu, Monsieur Taylor, en descendant les escaliers du bateau, fit une mauvaise chute, car il tomba sur les talons, de telle manière que le choc provoqua une lésion de l'épine dorsale. Après son retour en Angleterre, la lésion produite par la chute s'aggrava au point de le condamner à garder le lit. Ce fut alors que survint la plus grande crise de sa vie, justement quand il avait le plus grand besoin de toutes ses forces. Complètement paralysé des jambes, il devait passer tout son temps allongé sur le dos!

Un petit lit était sa prison; ou mieux, était sa chance. Au pied du lit, sur le mur, il y avait une carte de la Chine. Et autour de lui, de jour comme de nuit, se tenait la Présence divine.

Là, un mois après l'autre, notre héros dut rester couché sur le dos à prier et supplier le Seigneur pour la Chine. Il eut assez de foi pour demander à Dieu d'envoyer dix-huit missionnaires. En réponse à sa "Supplique pour la prière", écrite avec la plus grande difficulté et publiée dans la revue de la mission, soixante jeunes répondirent à cet appel. Vingt-quatre d'entre eux furent choisis. Et là, autour de son lit, il commença à donner des cours aux futurs missionnaires auxquels il enseigna les rudiments de la langue chinoise, et le Seigneur les envoya en Chine. Le paragraphe suivant raconte la guérison du missionnaire qui n'avait plus aucune activité physique : " Il guérit de façon si merveilleuse en réponse à ses prières, qu'il put remplir un nombre incroyable de ses obligations. Il passa presque tout le temps de ses vacances avec ses enfants à Guernesey, à écrire. Pendant les quinze jours qu'il y passa, en dépit de son désir de profiter avec eux des délices de la plage, il n'y alla qu'une seule fois. Par contre, il passa son temps à écrire et les lettres qu'il écrivit pour la Chine et pour d'autres endroits eurent plus de valeur que de l'or ".

Un missionnaire écrivit à propos d'une visite qu'il fit en Chine : "Je n'oublierai jamais la joie et l'amabilité avec lesquelles je fus reçu. On me conduisit immédiatement au bureau de la Mission de la Chine Intérieure. Dois-je dire que ce fut pour moi une surprise ou un étonnement, ou bien les deux? Les " meubles " étaient des caisses en bois. Une table était couverte d'innombrables papiers et de lettres. A côté de la cheminée, il y avait un lit, bien fait, recouvert d'un morceau de tapis qui servait de dessus de lit, c'est sur ce lit que Monsieur Taylor se reposait, le jour comme la nuit.

" Monsieur Taylor, sans me présenter aucune excuse, s'allongea sur le lit et nous avons entamé la conversation la plus importante de toute ma vie. Tous les concepts que j'avais sur les qualités que devait posséder un grand homme en furent totalement changés; il n'y avait en lui aucun esprit de supériorité. Je vis en lui l'idéal de Christ, la vraie grandeur, si évidente qu'elle est encore présente en mon cœur aujourd'hui, après toutes ces années. Hudson Taylor se rendait bien compte que pour évangéliser les millions de Chinois, il fallait absolument que les croyants en Angleterre fassent preuve de beaucoup plus d'abnégation et de sacrifice. Mais, comment pouvait-il demander aux autres de faire des sacrifices, si lui-même ne donnait pas l'exemple dans sa propre vie? Ainsi donc, il avait supprimé de propos délibéré tout ce qui dans sa vie avait la moindre apparence de confort et de luxe. "

Au cours des voyages qu'il fit à l'intérieur de la Chine, " il se levait invariablement pour passer une heure avec Dieu avant le lever du soleil", écrivit un autre missionnaire qui priait parfois avec lui avant d'aller se recoucher. " Quand je me réveillais pour aller nourrir les animaux, je le trouvais toujours en train de lire la Bible à la lueur d'une bougie. Quels que soient le vacarme ou l'ambiance dans les hôtelleries immondes, il ne manquait jamais à son habitude de lire sa bible. Lors de tels voyages, il priait à plat ventre, car les forces lui manquaient pour rester si longtemps à genoux. "

"Quel sera le thème de votre message aujourd'hui? ", lui demanda un croyant qui voyageait dans le même train. "Je ne sais pas exactement; je n'ai pas encore eu le temps d'en décider, " lui répondit Hudson Taylor. "Vous n'avez pas eu le temps!, s'écria l'homme, mais qu'avez-vous fait d'autre sinon vous reposer depuis que vous vous êtes assis ici? " "Je ne sais pas ce que c'est que de se reposer, fut la réponse sereine. Depuis que nous avons embarqué à Edimbourg, j'ai passé tout ce temps à prier et à porter devant le Seigneur les noms de tous les membres de la Mission de la Chine intérieure, ainsi que les problèmes de chacun d'entre eux".

Nous ne comprenons pas comment, engagé dans l'une des plus grandes œuvres d'évangélisation de toute l'histoire, il pouvait dire : " Le manque de ressources ne nous obligea jamais à nous retirer devant une porte ouverte. En dépit du fait qu'en de multiples occasions, nous avons dépensé jusqu'au dernier centime, le pain quotidien promis n'a jamais manqué à aucun des ouvriers indigènes ni à aucun des missionnaires. Les temps de privations sont toujours des temps bénis et le nécessaire n'arrive jamais trop tard ".

Un autre secret du grand succès qu'il obtint dans sa mission de porter le message du salut à l'intérieur de la Chine fut la décision que l'œuvre non seulement se poursuivrait avec un caractère international, mais qu'elle s'étendrait à toutes les confessions, c'est-à-dire qu'on accepterait les missionnaires dévoués à Dieu, quelles que soient leur nationalité et leur confession. En 1878, au retour d'un voyage, il se mit à prier pour demander à Dieu d'envoyer trente missionnaires de plus, avant la fin de l'année 1879. Si nous pensons à tout l'argent nécessaire pour payer les traversées et subvenir aux besoins de tant de personnes, dirons-nous que sa foi était grande? Vingt-huit personnes, dans le cœur desquelles brûlait le désir d'apporter le salut aux âmes perdues de Chine, et faisant confiance à Dieu seul pour leur procurer le pain quotidien, s'embarquèrent avant la fin de 1878 et six autres partirent en 1879.

Lors d'une conversation qu'il eut avec un compagnon de lutte, dans la ville de Wuchang, Hudson Taylor se mit à énumérer les points stratégiques où il fallait commencer à évangéliser immédiatement les deux millions d'habitants de la vallée du grand fleuve Yang-tseu et de son affluent le Han. Avec tout au plus cinquante ou soixante nouveaux ouvriers, la Mission ne pouvait pas franchir un tel pas, car elle n'avait pas plus de cent ouvriers en tout! Néanmoins, la foi fut accordée à Hudson Taylor d'en demander soixante-dix autres, avec à l'esprit les paroles suivantes : "J'en ai désigné soixante-dix autres au Seigneur. "

" Nous nous sommes réunis aujourd'hui pour passer la journée à jeûner et prier, écrivit Hudson Taylor le 30 juin 1872. Le Seigneur nous a grandement bénis [...]. Certains passèrent la plus grande partie de la nuit en prière [...]. Le Saint-Esprit nous a remplis au point que nous avons eu l'impression de ne plus pouvoir rien recevoir sans en mourir.

" Lors d'un culte, nous avons loué Dieu sans interruption pendant près de deux heures pour les soixante-dix ouvriers déjà reçus par la foi. " En réalité, ils en reçurent plus de soixante-dix dans le délai fixé.

Le Seigneur amena peu à peu la mission à avoir une vision encore plus vaste, au point qu'en 1887 les ouvriers en demandèrent cent autres au Seigneur. Monsieur Stephenson déclara : "Si on me montrait une photo de tous les cent, prise ici en Chine, elle ne serait pas plus réelle que ne l'est la réalité. "

Malgré tout, Hudson Taylor ne lança pas avec précipitation la campagne de prière et d'efforts en vue d'obtenir cent missionnaires de plus. Comme toujours, il devait être sûr que c'était là la voie choisie par Dieu avant de se résoudre à prier et à faire des efforts pour atteindre le but.

Il se présenta six fois plus de candidats qu'ils n'en avaient demandés! Mais la Mission repoussa fermement tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec les principes fixés dès le commencement. Ainsi donc, c'est le nombre exact demandé qui s'embarqua pour la Chine, ils n'étaient ni cent un ni quatre-vingt-dix-neuf, mais exactement cent.

Après le voyage de Hudson Taylor au Canada, aux Etats-Unis et en Suède en 1888 et 1889, la Mission de la Chine intérieure franchit une de ses étapes les plus importantes et atteignit un développement jamais auparavant enregistré dans les annales de l'histoire des missions. A propos de sa visite en Suède, notre missionnaire écrivit au sujet du fardeau qui l'accabla tout au long du voyage :

"J'avoue que je me sens honteux parce que jusqu'à maintenant, jamais je n'avais médité sur ce que le Maître voulait vraiment dire lorsqu'il ordonna de prêcher l'Evangile à toute créature. Pendant de longues années, je me suis efforcé, comme beaucoup d'autres serviteurs de Dieu, de porter l'Evangile en des lieux très éloignés; j'ai fait des plans pour atteindre toutes les provinces et nombre de petits districts de Chine, sans comprendre vraiment le sens évident des paroles du Sauveur.

" A toute créature? Le nombre total de propagateurs parmi les croyants de Chine ne dépassait pas quarante mille. S'il y avait le double d'adhérents ou si ce nombre était multiplié par trois et si chacun d'eux transmettait le message à huit de ses compatriotes, même ainsi, on n'atteindrait pas plus d'un million de personnes. A toute créature : ces paroles me brûlaient l'âme. L'Eglise et moi ne les avions pas comprises comme Christ le voulait! Je m'en rendis compte alors; et pour moi, il n'y avait qu'une issue, obéir au Seigneur.

"Quelle sera notre attitude envers le Seigneur Jésus-Christ en ce qui concerne ce commandement? Remplacerions-nous par hasard le titre de Seigneur qui Lui fut donné, pour Le reconnaître seulement comme notre Sauveur? Accepterons-nous le fait qu'Il supprima la peine du péché et refuserons-nous de reconnaître que nous avons été achetés au prix fort, et qu'Il a le droit d'attendre de nous une obéissance implicite? Dirons-nous que nous sommes nos propres maîtres, prêts à accorder ce que nous devons à Celui qui nous a achetés au prix de Son propre sang, à condition qu'Il ne nous en demande pas trop? Notre vie, ceux que nous aimons, nos biens nous appartiennent-ils ou ne sont-ils pas à Lui? Donnerons-nous ce qui nous convient et obéirons-nous à Sa volonté s'Il ne nous demande pas trop de sacrifices? Sommes-nous prêts à laisser Jésus-Christ nous emporter au ciel, sans Le laisser régner sur nous?

" Le cœur de tout fils de Dieu repoussera sans aucun doute de tels faits ainsi formulés; mais n'est-il pas vrai que d'innombrables croyants, de toutes générations, se comportèrent et se comportent comme s'il s'agissait là du fondement même de leur vie? Peu nombreux sont ceux parmi le peuple de Dieu qui reconnaissent comme une vérité le fait que Christ est le Seigneur absolu ou qu'Il ne l'est pas du tout. Si c'est nous qui portons jugement sur la Parole de Dieu et non la parole qui nous juge; si nous concédons à Dieu uniquement ce qui nous convient, alors c'est nous qui sommes les seigneurs et Lui qui est notre débiteur et, en conséquence, Il doit nous être reconnaissant de l'aumône que nous Lui faisons; Il doit éprouver de la gratitude parce que nous acceptons Ses désirs. Si au contraire, c'est Lui le Seigneur, alors nous devons Le traiter comme le Seigneur : Pourquoi m'appelles-tu Seigneur, Seigneur, et ne fais-tu pas ce que je dis? "

C'est ainsi que Hudson Taylor reçut à l'improviste la plus grande vision de sa vie, une vision qui domina la dernière décennie de son ministère. Les cheveux déjà gris, après cinquante-sept années d'expérience, il fit face à un nouveau sentiment de responsabilité avec la même foi et la même confiance qui le caractérisaient dans sa jeunesse. Son âme brûlait lorsqu'il méditait sur ses anciennes intentions! Il en ressortait encore plus résolu à accomplir la vision d'autrefois!

C'est ainsi qu'il se sentit poussé à rassembler tous les groupes évangéliques qui travaillaient à l'évangélisation de la Chine, et qu'il leur demanda de prier et de travailler afin d'augmenter le nombre des missionnaires et d'en envoyer mille de plus en l'espace de cinq ans. Le nombre exact des missionnaires envoyés en Chine au cours de cette période fut de mille cent cinquante-trois!

Il n'est pas étonnant que les forces physiques de Hudson Taylor aient commencé à diminuer, en raison non seulement des privations et de la fatigue de ses voyages continuels, des efforts épuisants pour écrire et prêcher, mais aussi du poids des responsabilités immenses et innombrables que lui imposait la direction de la Mission de la Chine intérieure. Ceux qui le connaissaient intimement, savaient que c'était un homme usé d'avoir tant aimé.

La merveilleuse récolte d'âmes qui avait lieu en Chine augmentait sans cesse, mais la situation politique du pays empirait chaque jour, pour atteindre son comble lors du massacre des Boxers, en 1900, lorsque des centaines de croyants furent assassinés. La mission de la Chine intérieure à elle seule perdit cinquante-huit des ses missionnaires et vingt et un de ses enfants.

A cette époque, Hudson Taylor et sa femme se trouvaient à nouveau en Angleterre, lorsque commencèrent à arriver les télégrammes qui, l'un après l'autre, rapportaient les horribles événements qui se passaient en Chine; ce cœur qui aimait tant chacun des missionnaires, cessa presque de battre à l'annonce de ces nouvelles. A propos de ces drames, il écrivit : "Je ne peux plus lire, ni penser, ni même prier, mais je peux avoir confiance."

Un jour, quelques mois plus tard, Hudson Taylor, le cœur débordant de douleur et le visage inondé de larmes, racontait ce qu'il avait lu dans la lettre qu'il venait de recevoir de deux missionnaires qui l'avaient écrite la veille même de leur assassinat par les Boxers. Voici ce qu'il dit :

" Oh! Quelle joie d'échapper à une telle meute de gens furieux pour se réfugier en présence du Seigneur, pour se reposer en Son sein et contempler Son sourire! " Lorsqu'il put continuer, il ajouta : " Ils ne se repentent pas maintenant, car ils possèdent la couronne incorruptible! Ils marchent avec Christ, vêtus de blanc car ils en sont dignes. "

Parlant de son grand désir d'aller à Shanghai, pour être aux côtés des réfugiés, il dit : "Je ne sais pas si je pourrais les aider, mais je sais qu'ils m'aiment. S'ils pouvaient venir auprès de moi avec leur douleur pour que nous pleurions ensemble, au moins ils pourraient être un peu consolés. " Mais, se souvenant qu'il lui était impossible d'entreprendre un tel voyage en raison de sa santé affaiblie, sa tristesse lui paraissait plus grande qu'il ne pouvait le supporter.

En dépit de son profond regret devant son impossibilité à travailler comme de coutume, il trouva un grand réconfort à rester auprès de sa femme qu'il aimait tant. Pour eux, l'époque où ils devaient passer de longs mois et même des années séparés en raison des luttes qu'il devait mener en tant de lieux était terminée.

C'est le 30 juillet 1904 que sa femme mourut. "Je ne ressens aucune douleur, aucune douleur", lui dit-elle, malgré les difficultés qu'elle éprouvait à respirer. Puis, à l'aube, sentant l'angoisse spirituelle de son mari, elle lui demanda de prier et de demander au Seigneur de venir la chercher le plus vite possible. Ce fut la prière la plus difficile que dût faire Hudson Taylor de toute sa vie, mais par amour pour elle, il supplia Dieu de libérer l'esprit de son épouse bien-aimée. Lorsqu'il eut prié, en quelques minutes l'agonie cessa et elle s'endormit peu après en Christ.

La désolation spirituelle qu'éprouva Hudson Taylor après le départ de sa fidèle campagne fut indescriptible. Toutefois, il trouva une paix ineffable dans cette promesse : Ma grâce te suffira. Il retrouva quelques forces physiques et au printemps, il entreprit son septième voyage aux Etats-Unis, d'où il gagna la Chine pour la dernière fois, débarquant à Shanghai le 17 avril 1905.

Le courageux chef de la Mission, après une longue absence, fut reçu partout avec de grandes démonstrations d'amour et d'estime de la part des missionnaires et des croyants, surtout ceux qui avaient échappé aux horreurs indescriptibles de l'insurrection des Boxers. A Chin-Kiang, le vieux missionnaire se rendit au cimetière où étaient gravés les noms de quatre de ses enfants et de sa femme. Les souvenirs étaient motif à immense joie, puisque le jour de la grande réunion approchait.

Au milieu de sa tournée de visites aux églises de Chine, alors que personne ne s'y attendait, pas même lui, sa vie sur terre prit fin. Cela se produisit dans la ville de Chang-Sha, le 3 juin 1905. Sa belle-fille en fit le récit suivant:

" Notre cher papa était couché. Selon sa coutume, il sortit de son portefeuille les lettres de ceux qu'il aimait et les étala sur le lit. Il se pencha pour lire une des lettres près du chandelier allumé qui était placé sur une chaise à côté du lit. Afin qu'il ne se sente pas trop mal à l'aise, je pris un autre oreiller que je lui plaçai derrière la tête et je m'assis sur une chaise près de lui. j'attirai son attention sur les photographies de la revue Missionary Review qui était ouverte sur le lit. Mon mari, Howard, était sorti chercher quelque chose à manger, lorsque soudain papa tourna la tête et ouvrit la bouche comme s'il allait éternuer. Puis, il ouvrit la bouche une deuxième, puis une troisième fois, mais il ne dit rien, il ne prononça pas un mot. Il ne semblait avoir aucune difficulté à respirer ni souffrir d'aucune anxiété. Il ne me regarda pas [...] il ne semblait pas conscient [...] Ce n'était pas la mort : c'était l'entrée dans la vie immortelle. Son visage reflétait le repos et la sérénité; les rides qui l'avaient creusé, témoins du poids de longues années de luttes, semblaient s'être effacées en quelques instants. Il ressemblait à un enfant endormi dans le giron de sa mère; la chambre elle-même semblait remplie d'une paix ineffable ".

Dans la ville de Chin-Kiang, sur la rive du grand fleuve large de plus de deux kilomètres, on enterra le corps de Hudson Taylor.

Les lettres de condoléances des fidèles fils de Dieu affluèrent en très grand nombre du monde entier. Les cultes célébrés à sa mémoire dans plusieurs pays furent émouvants. Les articles et les livres publiés sur ses victoires au service de l'œuvre de Dieu furent impressionnants, mais les voix les plus remarquables, celles que Hudson Taylor aurait le plus appréciées s'il avait pu les entendre, furent celles des nombreux enfants chinois qui, en chantant les louanges de Dieu, placèrent des fleurs sur sa tombe.

Référence: Les Héros de la Foi, Orlando Boyer

A lire: Hudson Taylor, L'Homme de Dieu Puissant dans la Prière par Eugenie Myers Harrison

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