Naissance
de la femme
Comme dans de nombreux
textes bibliques, les paroles et les gestes rapportés par l'écrivain
sacré contiennent ici des images caractéristiques de la
pensée sémitique, et qui visent toujours en dernière
analyse la personne et l'oeuvre du Messie attendu. La première
de ces images est celle du sommeil:
Le Seigneur Dieu fit
tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit.
Ce sommeil évoque
la mort; aussi bien dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau, mais
dans ce dernier le rapport entre l'idée du sommeil et celle de
la mort se place dans la perspective de la résurrection. Cela
apparaît clairement dans les trois circonstances suivantes:
- Jésus, répondant à
l'appel angoissé du chef de la synagogue, Jaïrus, entre
dans la maison où repose la fillette qui était malade,
et qui vient de mourir, et dit aux pleureurs et aux pleureuses:
Pourquoi pleurez-vous
et pourquoi faites-vous du bruit? La petite n'est pas morte, mais
elle dort.
- Se rendant à Béthanie,
à l'appel, cette fois, de Marthe et Marie les deux sœurs de
Lazare, il provoque l'étonnement de ses disciples par sa manière
d'associer le sommeil à la mort, et en se fondant sur cette
pensée, il leur annonce la résurrection:
Lazare, notre ami,
dort, mais je vais le réveiller.
Les disciples lui
dirent: Seigneur, s'il dort il sera guéri. Jésus avait
parlé de sa mort, mais ils crurent qu'il parlait de l'assoupissement
du sommeil. Alors il leur dit ouvertement: il est mort.
- Enfin, à l'occasion de sa lettre
doctrinale aux croyants de Thessalonique, en Grèce, l'apôtre
Paul donne l'enseignement suivant:
Nous ne voulons pas,
frères, que vous soyez dans l'ignorance au sujet de ceux qui
dorment, afin que vous ne vous affligiez pas comme ceux qui n'ont
pas d'espérance. Car si nous croyons que Jésus est mort,
croyons aussi que Dieu ramènera par Jésus et avec lui,
ceux qui sont morts.
Dans le cas de notre récit,
dans la Genèse, on doit considérer le sommeil d'Adam comme
ayant aussi une signification prophétique. En effet, de ce sommeil
naîtra la femme, et du sommeil de la mort où Jésus
est plongé à Golgotha, naîtra l'Eglise, le jour
de la Pentecôte.
Le Seigneur Dieu prit
une des ses côtes et referma la chair à sa place
La côte dont Dieu
forma la femme était partie intégrante de l'homme. Cela
signifie que la personne après laquelle Adam soupirait de toute
son âme, et qu'il ne trouvait nulle part, était incluse
et cachée en lui.
C'est pourquoi l'écrivain
sacré hésite à employer le verbe "créer",
et lui préfère "former". Cela est normal, puisque
l'acte créateur avait déjà eu lieu, et la vie avait
été donnée à l'ensemble, alors que les deux
personnes n'en constituaient qu'une seule. Le terme hébreu correspond
à l'idée de bâtir, et ce terme est d'un réalisme
très saisissant. D'autres versions le traduisent par "façonner"
ou par "transformer".
Le récit contient
une révélation d'ordre surnaturel en rapport avec l'unité
du couple humain selon la pensée de Dieu: l'idée d'un
seuI corps partagé entre deux êtres n'introduit pas seulement
la notion d'une ressemblance morphologique entre eux, mais aussi celle
d'une communion profonde dans la substance même de leur être.
Contrairement à
tout un courant de pensée solidement inscrit dans nos mentalités,
on ne peut pas parler de différence de valeur dans la nature
de l'homme et de la femme, puisque cette dernière a été
extraite de lui et qu'elle a été façonnée
à partir d'un morceau de son tissu osseux. Elle a les mêmes
caractéristiques fondamentales que lui, elle est faite du même
limon, remplie du même souffle de vie. Elle est semblable à
lui, ainsi que Dieu l'avait voulu quand il avait dit: "Il n'est
pas bon que l'homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à
lui".
La notion d'aide: son
ambiguïté
Les deux notions, celle
d'aide et celle de similitude, sans être tout à fait antinomiques,
ne sont pas facilement conciliables. Celle d' "aide", en effet,
évoque assez naturellement la qualité d'employée,
d'adjointe, ou encore d'assistance, c'est-à-dire d'auxiliaire
par rapport à l'autre personne.
Or, tout cela, Adam le
possédait déjà dans toute la variété
du monde animal que Dieu l'avait fait inventorier, et qu'il lui avait
donné. Qu'est-ce donc que Dieu entendait par là? Le plus
simple, pour le découvrir, c'est de serrer de plus près
le texte original, et pour cela, de considérer les différentes
façons dont les traducteurs l'ont rendu. Et le problème
n'est pas simple, si l'on s'en remet à la diversité des
termes proposés par les uns et les autres. Qu'on en juge:
Bible de Jérusalem:
une aide qui lui soit assortie
André Chouraqui:
une aide contre lui
Version Segond: une aide
semblable à lui
Version Darby: Une aide
qui lui corresponde
Traduction œcuménique:
une aide qui soit accordée à lui
La même, en note:
une aide comme son vis-à-vis
Chanoine Osty: une aide
qui soit sa contrepartie
Exégèse de
José Eisenberg: une aide en face de lui
Bible du Rabbinat Français:
une aide digne de lui
Ainsi, celle que Dieu entendait
lui donner afin de réaliser, par leur accouplement, la fécondité
qu'il lui avait conférée, c'était tout cela à
la fois, c'est-à-dire quelqu'un qui lui soit assorti, qui lui
soit semblable, qui lui corresponde, qui soit comme son vis-à-vis,
sans que pour autant cette personne-là cesse d'être à
son niveau dans sa nature profonde. Toutes ces qualifications se résument
en un seul mot: l'amour. Il lui faut quelqu'un à aimer et de
qui être aimé.
Deux traductions de la
Bible, celle du Rabbinat français et celle, plus récente,
de Pierre de Beaumont, ont proposé un terme qui est certainement
plus conforme à l'intention biblique, - celui de "partenaire",
ou encore de "compagne". La trouvaille me paraît heureuse.
Voici alors ce que donne le texte:
Dieu dit: il faut que
je lui donne un partenaire avec qui il puisse tout partager. L'homme
donne des noms à tout animal domestique, à tout oiseau
du ciel et à toute bête sauvage, mais aucun ne lui paraît
un partenaire avec lequel il1puisse tout partager.
Un partenaire, c'est un
égal, ce n'est ni un inférieur ni un subordonné.
Façonné à partir, symboliquement, du même
tissu osseux, c'est quelqu'un de la même essence, et l'on peut
conclure que tout ce qui pourrait suggérer une situation secondaire,
même s'il s'agit comme on dit "d'un brillant second",
est contraire à la pensée de Dieu pour la femme.
L'achèvement du
couple humain: La promesse de l'unité
Lorsque Dieu eut achevé
de façonner la femme, il l'amena vers l'homme, dit le texte,
et ceci n'est pas seulement une façon charmante de s'exprimer
de la part de l'écrivain sacré, c'est avec l'intention
très nette, indiscutable, de faire saisir au lecteur que l' épouse
est un cadeau de Dieu et, non seulement cela, mais que c'est lui Dieu,
le Créateur du ciel et de la terre, qui a inventé le mariage
comme la destinée normale de l'humanité qu'il a faite.
Rien d'étonnant par conséquent si l'on trouve au livre
des Proverbes, sous la plume du plus sage et du plus grand des rois,
ces affirmations:
Celui qui trouve une
épouse trouve le bonheur. C'est une grâce qu'il obtient
de Dieu (Proverbes 18.22).
Une femme vaillante
est la couronne de son mari (Proverbes 12.4)
On peut hériter
de ses pères une maison et des richesses, mais une épouse
sensée est un don de Dieu. (Proverbes 19.14).
C'est cela que l'homme
découvre à son réveil au moment où Dieu
lui donne l'épouse qu'il lui destine. Il comprend soudain le
plan que Dieu avait conçu pour lui depuis le premier jour de
la Création. Il dit:
Voici cette fois celle
qui est os de mes os et chair de ma chair!
Dans cette exclamation,
il y a de la joie. La déception et le chagrin qu'il avait éprouvés
à la suite de son inspection du règne animal font place
à un énorme soulagement, à un sentiment de délivrance.
Maintenant, tout est changé, quelqu'un lui est présenté
qui est de la même classe que lui, du même rang.
L'expression par laquelle
il la désigne, "os de mes os et chair de ma chair"
est typiquement biblique. Or, le langage biblique est un langage sacré
et il nous invite ici à concevoir que tout ce qui concerne le
couple humain est au niveau des choses du sanctuaire.
Pour faire face à
la situation totalement nouvelle devant laquelle il est soudain placé,
la première chose à laquelle il se sent poussé
est de définir ce partenaire par rapport à lui. Conformément
au mécanisme de la pensée hébraïque, le narrateur
résout cette question par le moyen de l'attribution à
la nouvelle venue d'un nom qui lui soit propre. On sait en effet que
le nom donné est un symbole, voire une image prophétique
de l'être nommé, tel qu'il est dans sa réalité
profonde.
Le mot "adam"
signifiait l'homme formé de la poussière du sol qui est
"adamah", et définissait justement l'être que
Dieu était en train de créer. C'était une manière
d'annoncer l'humanité tout entière, un nom de caractère
générique, visant un ensemble humain, certes, mais encore
anonyme.
Maintenant, l'écrivain
ne mentionne plus Adam, le mot qu'il emploie est "ish", dont
la racine est différente, et qui désigne une personne
déterminée, un individu ayant sa propre personnalité.
Mais, attention !... Il n'est plus seul, il constitue un attelage de
deux personnes, un couple où une unité surnaturelle crée
l'indissociabilité. C'est pourquoi le texte sacré donne
le même nom aux deux partenaires, en écrivant l'un au masculin
et l'autre au féminin.
Mais, encore une fois,
c'est le même mot. "ISH" est resté porteur de
tous les éléments constitutifs de la masculinité,
"ISHA", le même terme au féminin, désignant
celle en qui ont été incorporés tous ceux de la
féminité.
En prenant sur lui de donner
à cette dernière un nom issu du sien, il veut éviter
qu'elle ne s'en aille, ce qui le mettrait dans une situation encore
pire qu'avant, seul, et surtout diminué, devenu incomplet. Puisque
maintenant elle est là, il accomplit un acte spirituel de possession,
indiquant qu'elle est un autre lui-même.
Autre conséquence
à retenir aussi, en la déclarant sienne, il la définit
du même coup dans sa réalité profonde, - il lui
confère son identité.
Notre traduction habituelle
qui dit: "On l'appellera femme" ferait mieux apparaître
toute cette richesse si, à la place de "femme" il y
avait le mot "épouse". Lui, l'époux, - elle,
l'épouse: c'est bien le même nom au masculin pour l'un,
au féminin pour l'autre.
Une dernière remarque
à propos du nom, - c'est que l'action accomplie par le mari en
lui donnant ce nom d'épouse, n'érige pas l'homme en maître
du couple, ce qui ne conviendrait pas entre partenaires. Et cette partenaire
a été faite à sa ressemblance, comme lui-même
avait été fait à la ressemblance de Dieu.
Référence:
"Os de mes Os, Chair de ma Chair -
Le Couple Humain, Signe d'Unité", Emile Dallière,
éditions VIDA.
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