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L'Eglise de l'Unité
des Frères
d'E.A. Senft
PREMIÈRE PARTIE
De la fondation de Herrnhut jusqu'à la
mort du comte de Zinzendorf.
1722 - 1760
CHAPITRE 12
LES DERNIERES ANNEES DE ZINZENDORF ET SA MORT
A HERRNHUT
Le 16 septembre 1747, Zinzendorf,
après une absence de dix ans, revint à Berthelsdorf et à
Herrnhut. En dépit de toutes les prévisions humaines et
à une époque où la presse répandait contre
les Frères des accusations multipliées, le gouvernement
de Saxe avait retiré le décret de bannissement perpétuel
qu'il avait lancé, en 1736, contre le comte. "J'ai su, "
dit celui-ci au sujet de son retour en Lusace, " que je reviendrais
à Herrnhut en 1747, mais ce que je n'aurais pas cru, c'est que
la chose se fît si agréablement." Son séjour
dans la patrie ne fut cependant pas de longue durée. Des devoirs
qu'il croyait importants le rappelèrent dans la Wetterau, d'où
il partit pour Londres.
On sait le plan longtemps caressé
par le comte de faire de l'Angleterre le point d'appui de l'Eglise renouvelée
de l'Unité. A cet effet, il loua, en 1751, à Londres, le
vieux château de Lindsey House (1),
ancienne demeure ducale, située près de Westminster, sur
les bords de la Tamise. Il s'y installa, non sans des frais considérables,
avec l'Eglise des pèlerins, à laquelle il avait donné
le nouveau titre de maison ou famille des disciples. De nombreuses conférences
y furent organisées. La maison devint le centre d'une grande activité
et attira les regards d'un certain nombre de personnes de distinction.
Zinzendorf forma d'importantes relations et obtint même une audience
du Roi.
Cela dura jusqu'en été
1755, année où différentes circonstances ramenèrent
le comte et son entourage définitivement à Herrnhut. La
localité, alors, comptait 1300 habitants. Les affaires y avaient
pris un grand développement. Le commerce de toile surtout florissait
(Abraham Dürninger). Les domaines de Berthelsdorf et de Hennersdorf
étaient devenus la propriété de l'Eglise. Aux environs,
les hostilités avaient cessé. Le clergé national,
bien disposé, aimait à entretenir des rapports avec les
Moraves et se réunissait même, une fois par an, à
Herrnhut pour une conférence pastorale dont les séances
se sont continuées, dans cette localité, jusqu'à
nos jours. Dans ces circonstances, l'activité bénie que
Zinzendorf avait exercée dans la Lusace, jusqu'en 1736, et à
laquelle son bannissement du territoire de Saxe avait coupé court,
put être reprise sans entraves.
Un coup douloureux survint
en 1756. Pendant un synode, dont les premières séances l'avaient
encore vivement intéressée, s'endormit, sans maladie, le
19 juin, à l'âge de 53 ans, Erdmuth Dorothée de Zinzendorf,
née comtesse de Reuss. Sans jouer un rôle marqué dans
l'histoire de l'Eglise, cette femme, aussi humble et pieuse que douée
de grandes capacités, a rendu, à côté de son
éminent époux, les services les plus signalés. C'est
elle qui, de 1736 à 1746, fut la tête matérielle de
l'Eglise des pèlerins, pourvoyant avec sagesse et économie
aux besoins toujours croissants de ce ménage compliqué et
souvent immense. En l'absence de son époux, elle conduisit, plus
tard, les négociations difficiles avec les cours de Danemark et
de Russie. Toujours vaillante, tour à tour s'effaçant et
dirigeant les affaires, acceptant sans murmurer la vie hérissée
de difficultés de tous genres à laquelle l'avait appelée
son alliance avec Zinzendorf, se donnant à tous jusqu'au plus petit
et sachant tout à la fois conserver pour sa personne le respect
de chacun, Erdmuth était une vraie mère de l'Eglise comme
elle était une vraie mère au sein de sa famille. De ses
douze enfants, trois filles seulement lui survécurent. Quand elle
dut rendre à Dieu le dernier de ses six fils, Christian-René,
décédé à Londres en 1752, la coupe des souffrances
déborda pour elle. Dès ce moment, elle fut brisée.
Quoique soumise à la volonté sévère de son
Dieu, elle soupirait après la délivrance. Lorsque le Seigneur
la lui accorda, elle s'en alla en paix, laissant derrière elle
la trace lumineuse de la femme vertueuse et de l'humble servante de Christ.
Ses cantiques, inspirés par un amour ardent pour le Sauveur, sont
demeurés, en souvenir d'elle, un trésor de l'Eglise.
Un an après la mort
de la comtesse, Zinzendorf épousa, en secondes noces, le 27 juin
de l'année 1757, la Morave Anna Nitschmann, à bien des égards
inférieure à Erdmuth, mais entrée en plein, dès
longtemps, dans les vues du comte et associée à l'Eglise
des pèlerins. Le comte, en contractant cette seconde alliance,
mésalliance selon le monde, croyait servir les intérêts
de l'Eglise. De fait, l'Eglise ne comprit guère ce pas de son chef.
Trois années de vie
restaient à Zinzendorf. On ne sait s'il eut un pressentiment précis
de sa fin prochaine, mais il aimait à parler de l'année
1760 comme d'une époque qui devait marquer dans l'histoire de l'Eglise.
Ce qui est certain, c'est qu'il déploya, de 1757 à 1760,
une activité quelquefois fiévreuse. Infatigable dans l'exercice
de la cure d'âme, multipliant les entrevues et les conférences
avec ses compagnons d'oeuvre, collègues, serviteurs de l'Eglise,
hommes et femmes destinés à l'accomplissement de quelque
travail, projetant et réalisant de nouveaux grands voyages, ne
cachant pas ses inquiétudes au sujet de l'avenir et se dépensant
sans ménagement au service de Christ, il arriva au printemps de
1760. Les derniers quatre mois avaient achevé de miner ses forces.
" Enfants ", avait-il dit, " le temps est court, il nous
faut travailler avec zèle. "
Il avait, depuis le commencement
de l'année, prononcé non moins de cent vingt discours et
se disposait à partir pour la Hollande. A ce moment, il tomba malade,
le 5 mai, d'une fièvre catarrhale qui devait amener sa fin.
Il parait que Zinzendorf,
dès le début de cette maladie, en avait entrevu l'issue
fatale. Mais la pensée de sa fin ne l'effrayait pas. " Je
suis heureux ", dit-il, " et entièrement d'accord avec
mon Maître. " Deux jours avant sa mort, il révisa encore
une portion du livre des Textes de 1761, se fit lire des nouvelles,
arrivées des Eglises et des Missions, et y ajouta quelques observations.
Le lendemain, voyant un certain nombre de personnes groupées autour
de son lit: " Je ne saurais vous dire ", s'écria-t-il,
" à quel point je vous aime tous. C'est ainsi que je me plais.
Ne sommes-nous pas réunis comme le sont les anges au ciel? "
Et, s'adressant à un frère: " Aurais-tu pensé,
au commencement, que cette dernière prière de Christ: Que
tous ne soient qu'un, pût trouver, au milieu de nous, un si
bel exaucement? " Dans l'après-midi, il se rappela les noms
de ses frères et amis qui l'avaient devancé dans la patrie
céleste, acheva avec beaucoup d'entrain le travail du livre des
Textes, et parla avec actions de grâce des grands bienfaits
de Dieu durant son ministère au sein de l'Eglise. Après
cela, se tournant vers David Nitschmann et les autres assistants: "
Vous serait-il venu à l'esprit que le Sauveur ferait ces grandes
choses que nous voyons, aujourd'hui, de nos yeux, au sein des Eglises,
parmi tant d'enfants de Dieu dispersés et parmi les païens?
Pour ce qui est de ces derniers, je n'ai demandé que quelques prémices,
et voilà, il y en a des milliers. Quelle caravane formidable que
celle qui, amenée par nos frères, entoure le trône
de l'Agneau! "
Le 9, an matin, ayant retrouvé
la parole, dont il avait été privé par un accès
de suffocation: " Je suis entièrement d'accord avec les voies
de mon Maître? " répéta-t-il. " Il a sur
son serviteur des vues très arrêtées. Vous ne les
partagez pas, cette fois. Je crois vous avoir à peu près
tout dit. Vous connaissez ma pensée, et je puis m'en aller. "
Peu après, adressant la parole à son gendre, Jean de Watteville,
et en faisant de grands efforts: " Mon cher, mon excellent Jean,
j'irai maintenant auprès du Sauveur. Je suis prêt. je suis
entièrement soumis à la volonté de mon Maître,
et il est content de moi. S'il ne veut plus se servir de moi ici-bas,
je suis tout prêt à aller auprès de lui. Rien ne me
barre plus le chemin." Encore quelques recommandations, une vaine
tentative de tracer quelques lignes sur un papier qu'il avait demandé,
un regard plein d'amour, trois longues respirations, et le comte renversa
la tête et ferma les yeux. Son âme avait quitté la
terre. Le texte du jour était: Il reviendra avec joie en rapportant
sa moisson. Douze jours plus tard, le 21, sa seconde épouse
le suivit dans le ciel.
L'Eglise avait le sentiment
qu'un prince dans le royaume de Dieu l'avait quittée. Aussi prépara-t-elle
au défunt des funérailles princières. Trente-deux
pasteurs et ministres portèrent le cercueil sur le Hutberg. Deux
mille et cent frères et sœurs le suivirent, auxquels se joignirent
encore deux mille amis de l'Eglise. Au cimetière, après
la descente de la bière dans le caveau, le pasteur officiant dit:
" Nous déposons en pleurant ce grain de froment, mais il portera
ses fruits en son temps; il y aura une moisson dans l'allégresse.
Que celui qui le désire, dise: Amen ". Et toute l'Eglise de
répondre : Amen.
Quant à celui que
Dieu avait repris à lui, il avait, sans s'en douter, laissé
à l'Eglise de l'Unité sa suprême bénédiction,
dans ces dernières paroles du livre des Textes de 1761,
rédigées par sa main:
Nous vous bénissons,
vous qui êtes de la maison de l'Eternel. (Psaumes 118:26.)
A chacun la bénédiction
qui lui est propre. (Genèse 49:28.)
L'Eternel ajoutera de nouvelles
bénédictions sur vous et sur vos enfants. (Psaumes 115:15.)
Que la paix de Dieu règne
dans vos cœurs. (Colossiens 3:15)
Que le Roi, tournant son
visage, bénisse toute l'assemblée d'Israël. (1 Rois
8:14.)
Deux grandes et saintes aspirations
ont rempli la vie du comte de Zinzendorf. A l'âge de quinze ans
déjà, il s'écria: " Gagner les cœurs des hommes
à Celui qui a donné sa vie pour nos âmes, voilà
le but du travail que, sans nous lasser, nous poursuivrons à travers
le monde. " Celui qui parlait ainsi, n'avait, selon ses propres termes,
qu'une seule passion: le Christ. Aimer le Sauveur et le faire aimer par
d'autres: là fut le premier et dernier mot de sa vie.
A côté des ferveurs
de l'âme pour le Rédempteur, le désir non moins ardent
de réunir en un seul corps tous ceux qui croient.
Jeune homme encore, Zinzendorf
cherche et trouve un cercle d'amis chrétiens et pieux pour jouir,
dans ce milieu, de communion fraternelle. Devenu seigneur de Berthelsdorf,
il y crée l'alliance des quatre frères. Ayant reçu,
de la main de Dieu, les émigrés moraves, il a hâte
de les grouper et d'en faire une famille de frères et de sœurs,
bien unis ensemble et travaillant à propager les principes de la
communion fraternelle. Banni de ses terres, il se met courageusement à
l'oeuvre de l'union de tous les enfants de Dieu de la dispersion. Et quand,
malgré lui, l'Eglise de l'Unité se forme, association religieuse
forcément séparée des autres Eglises, il s'empresse
de lui imprimer le caractère de la plus grande largeur évangélique.
En elle, se rencontreront, sans se heurter, le chrétien luthérien
et le chrétien réformé, frères l'un de l'autre,
parce que tous deux sont disciples du même Maître. Elle sera
l'Eglise par excellence de l'alliance évangélique. Elle
sera ce que dit son nom, savoir l'Unité, abritant sous son aile
et dans la paix du Seigneur, les diversités humaines.
A cet égard, on le constate
sans peine, il y a eu, dans les vues du comte, une ferme continuité.
Toute sa vie au service d'une seule cause; tous ses actes accomplis dans
l'obéissance du même principe; un seul but poursuivi jusqu'au
bout: voilà une des grandeurs de Zinzendorf.
Eminemment religieux, Zinzendorf
mérite d'être nommé un génie dans le domaine
spirituel. Il appartient au génie de saisir et de propager une
idée nouvelle et de devancer par là son temps. C'est ce
qu'a fait cet homme qu'on a raison de nommer le Père de l'Alliance
évangélique. Tout génie aussi est appelé à
souffrir pour la cause à laquelle il fraie le chemin. Et grandes
furent, on le sait, les souffrances de Zinzendorf au contact du monde
non seulement, mais aussi au milieu des Moraves, fort loin, bien souvent,
de le comprendre. " Nous n'étions pas dignes de lui,"
s'écria, un jour, David Nitschmann. "Quoique nous l'ayons
beaucoup aimé, il a passé parmi nous des heures difficiles.
Son esprit s'élevait comme sur des ailes d'aigle, et pour nous,
nous étions incapables de le suivre. "
Zinzendorf, dans lequel quelques-uns
n'ont vu que le mystique ou bien le héros dans le domaine de l'imagination
et du sentiment, a été l'homme de l'énergique action.
Il avait adopté en plein cette devise de sa famille: Je ne cède,
ni à un ni à plusieurs. Fidèle à cet engagement,
pris par devers lui-même, il dit, dans le courant de sa vie si remplie
de vicissitudes de tout genre : " La maxime du soldat de Christ,
c'est qu'il tienne bon dans les impossibilités, qu'il attende avec
patience que les difficultés s'aplanissent et qu'il laisse aux
circonstances et aux personnes le temps de changer. "
Mais, à la persévérance
d'une grande énergie et à un courage indomptable, se joignait
chez cet homme la plus absolue dépendance à l'égard
de Celui en qui il honorait son Maître suprême. Rien de plus
étranger à Zinzendorf que de faire valoir, au service de
l'Evangile, la volonté et le zèle de l'homme. En 1740, il
disait au sujet de l'oeuvre missionnaire de l'Eglise: "Je ne sais
point si les temps des païens sont déjà accomplis.
Aussi les conversions que nous avons vues se produire parmi les Hottentots,
les Groenlandais et des centaines de nègres, ne me semblent être
autre chose qu'une petite récompense que le Sauveur a voulu nous
accorder. Il a eu égard aux luttes et aux douleurs de ses pauvres
serviteurs. Il a pensé à la mort qu'une trentaine de ses
enfants ont acceptée pour l'amour de sa cause. C'est pour cela
qu'il a voulu leur faire voir ce que, peut-être, il aurait accompli
sans eux, tout aussi bien qu'avec leur concours. " Et quelques jours
avant sa mort, parlant une dernière fois en public, il s'écria:
" Jamais nos propres efforts pour augmenter, pour agrandir nos Eglises,
n'ont rien donné. Soyez sûrs que, quand le Sauveur veut de
grands chiffres, il se les crée; sûrs aussi que, quand il
ne veut que le petit troupeau, il veille sur les quelques-uns comme il
veillerait sur une multitude... Il faut que nous soyons au clair, parfaitement
au clair, sur sa volonté; que nous sachions qu'il veut, ici l'organisation
d'une Eglise et là l'établissement d'une colonie; autrement,
rien n'est certain; après des années de peines et de travaux,
tout pourrait s'évanouir entre nos mains. Il n'y a, d'ailleurs,
en cela rien de nouveau. Israël déjà a fait cette expérience.
Toutes les fois qu'il était parti ou qu'il avait établi
son camp sans en avoir reçu l'ordre formel de Dieu, il a vu s'anéantir
le plan de sa sagesse humaine. "
Zinzendorf n'a pas été
un saint et ne s'est pas cru indispensable lui-même. Personne, plus
énergiquement que lui, n'aurait protesté contre cette pensée.
Il a franchement et loyalement reconnu son péché et les
erreurs de sa vie. Et quand Dieu, vers la fin de son ministère
au sein de l'Eglise, lui eut fait comprendre, qu'il n'était plus
l'homme capable de mener la barque de l'Unité, il subit sans regimber
cette suprême humiliation. Il consentit à la douloureuse
nécessité de faire place à d'autres pour leur remettre
la direction des temps nouveaux qu'il avait aidé à amener.
On ne rendra pas de témoignage
plus beau à la valeur morale de cet homme éminent dans le
Royaume de Dieu.
Note:
(1) Acheté,
plus tard, par l'Eglise.
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des matières
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DE L'ÉGLISE DE L'UNITÉ A L'ÉPOQUE DE LA MORT DE ZINZENDORF
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