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Martin
Luther
LE GRAND REFORMATEUR (1483-1546)
par Orlando Boyer
L'un des professeurs
les plus célèbres de Leipzig, connu comme "la lumière
du monde", dit de Luther : " Ce moine fera honte à tous les docteurs;
il annoncera une doctrine nouvelle et réformera toute l'Eglise,
parce qu'il se base sur la Parole du Christ, la Parole à laquelle
personne au monde ne peut résister, que personne ne peut réfuter,
même lorsqu'on l'attaque avec toutes les armes de la philosophie."
"Jamais nulle part
dans le monde, on n'a écrit de livre plus facile à comprendre
que la Bible. Comparée aux autres livres, elle est comme le soleil
par rapport à toutes les autres lumières. Ne vous laissez
convaincre par personne de l'abandonner sous aucun prétexte. Si
vous vous en écartez un instant, tout est perdu; on pourra vous
entraîner n'importe où. Si vous restez fidèle aux
Ecritures, vous serez victorieux". - Luther
Dans sa prison, après
sa condamnation par le Pape à être brûlé vif,
Jean Hus déclara: "Ils peuvent tuer l'oie (dans sa langue, hus
signifie oie), mais dans cent ans apparaîtra un cygne qu'ils
ne pourront brûler."
Il neigeait et un vent glacé
hurlait furieusement autour de la maison, le jour où ce "cygne"
naquit à Eisleben en Allemagne. Le lendemain, le nouveau-né
fut baptisé dans l'église Saint Pierre et Saint Paul, et
comme c'était la Saint Martin, l'enfant reçut le nom de
Martin Luther.
Cent deux ans après
que Jan Hus eut rendu l'âme sur le bûcher, le "cygne" affichait
à la porte de l'église de Wittemberg ses quatre-vingt-quinze
thèses contre la vente des indulgences, acte qui fut à l'origine
de la Grande Réforme. Jean Hus s'était trompé de
deux années seulement dans sa prédiction.
Afin de donner toute sa valeur
à l'œuvre de Martin Luther, il faut se rappeler l'obscurantisme
et la confusion qui régnaient à l'époque de sa naissance.
D'après les estimations,
au moins un million d'Albigeois étaient morts en France sur l'ordre
du Pape d'exterminer sans pitié ces "hérétiques"
(qui soutenaient la Parole de Dieu). Wycliffe, "l'étoile du matin
de la Réforme", avait traduit la Bible en langue anglaise. Jean
Hus, disciple de Wycliffe, était mort sur le bûcher en Bohème
en suppliant le Seigneur de pardonner à ses persécuteurs.
Jérôme de Prague, compagnon de Hus et érudit, avait
subi le même supplice, chantant des hymnes dans les flammes jusqu'à
ce qu'il rende son dernier soupir. Wessel, célèbre prédicateur
d'Erfurt, avait été mis en prison pour avoir enseigné
que le salut s'obtenait par la grâce. Mis aux fers, il mourut quatre
ans avant la naissance de Luther. En Italie, quinze ans après la
naissance de Luther, Savonarole, homme
de Dieu et fidèle prédicateur de la Parole, fut pendu et
son corps réduit en cendres, sur ordre de l'Eglise.
C'est à cette époque
que naquit Martin Luther. Comme nombre d'hommes parmi les plus célèbres,
il appartenait à une famille pauvre. Il avait l'habitude de dire:
"Je suis fils de paysans, mon père, mon grand-père et mon
arrière grand-père étaient de vrais paysans". Puis,
il ajouta: " Nous avons autant de raisons de nous glorifier de notre ascendance
que le diable de s'enorgueillir de ce qu'il descend des anges".
Les parents de Martin devaient
travailler sans répit et sans repos pour habiller, nourrir et éduquer
leurs sept enfants. Le père travaillait dans les mines de cuivre
et la mère, en plus de ses tâches domestiques, transportait
du bois pour le feu sur son dos.
Non seulement ses parents
se préoccupaient de la croissance physique et intellectuelle de
leurs enfants, mais ils se souciaient également de leur développement
spirituel. Lorsque Martin eut l'âge de la raison, son père
lui apprit à se mettre à genoux à côté
de son lit, le soir avant de se coucher, et à prier Dieu afin que
l'enfant "se souvienne de son Créateur" (Ecclésiaste 12:1).
Sa mère était
sincère et pieuse; ainsi, elle apprit à ses enfants à
considérer tous les moines comme des hommes saints et toute transgression
des règlements de l'Eglise comme une transgression des lois de
Dieu. Martin apprit les Dix Commandements et le Notre Père, à
respecter le Saint Siège dans la Rome lointaine et sacrée
et à regarder avec révérence tout ossement ou morceau
de vêtement ayant appartenu à un saint. Cependant, sa religion
reposait davantage sur un Dieu juge vengeur plutôt qu'ami des petits
enfants (Matthieu 19:13-15). Une fois adulte, Luther écrivit: "Entendre
mentionner le nom du Christ me faisait trembler et pâlir, car on
m'avait appris à Le considérer comme un juge coléreux.
On nous avait appris que nous devions nous-mêmes faire propitiation
pour nos péchés; que nous ne pouvions pas racheter suffisamment
nos fautes et qu'il était nécessaire de recourir aux saints
du ciel et de prier Marie pour qu'elle intercède en notre faveur
afin de détourner de nous la colère du Christ".
Le père de Martin,
très satisfait des résultats scolaires de son fils dans
la petite ville où ils demeuraient, décida de l'envoyer,
lorsqu'il eut treize ans, à l'école franciscaine de la ville
de Magdeburg.
Le jeune garçon se
présentait souvent à la confession où le prêtre
lui imposait pénitence et l'obligeait à faire de bonnes
actions afin d'obtenir l'absolution. Martin s'efforçait sans répit
d'obtenir la faveur de Dieu au moyen de la piété, et ce
même désir l'amena plus tard à la vie monastique.
Pour subvenir à ses
besoins à Magdeburg, Martin devait demander l'aumône dans
les rues, chantant de porte en porte. Ses parents, pensant que cela irait
mieux à Eisenach, l'envoyèrent étudier dans cette
ville où, en outre, habitaient des parents de sa mère. Néanmoins,
ces parents ne lui apportèrent aucune aide et le jeune garçon
dut continuer à demander l'aumône pour pouvoir se nourrir.
Alors qu'il était
sur le point d'abandonner ses études, pour prendre un travail manuel,
une dame aisée, Madame Ursule Cota, impressionnée par ses
prières à l'église et émue par l'humilité
avec laquelle il recevait les restes de repas qu'on lui donnait à
sa porte, l'accueillit au sein de sa famille. Pour la première
fois, Luther découvrit ce qu'était l'abondance. Des années
plus tard, il parlait d'Eisenach comme de "la ville bien-aimée".
Lorsque Luther fut devenu célèbre, l'un des enfants de la
famille Cota alla faire des études à Wittenberg, où
Luther l'accueillit chez lui.
Pendant son séjour
chez madame Cota, sa tendre mère adoptive, Martin fit des progrès
très rapides et reçut une solide instruction. Son maître,
Jean Trebunius, était un homme cultivé et soigné.
Il ne maltraitait pas ses élèves comme le faisaient les
autres maîtres. On raconte que lorsqu'il rencontrait les enfants
de son école, il les saluait en retirant son chapeau, car "personne
ne savait si parmi eux ne se trouvaient pas de futurs docteurs, régents,
chanceliers ou rois [...]" Quant à Martin, l'ambiance de l'école
et du foyer lui permit de se forger un caractère fort et inébranlable,
si nécessaire pour affronter les ennemis redoutables de Dieu.
Martin était plus
sérieux et plus pieux que les autres enfants de son âge.
C'est en pensant à cela que Madame Cota, à l'heure de sa
mort, dit que Dieu avait béni son foyer à partir du jour
où Luther y était entré.
Pendant ce temps, la situation
économique des parents de Martin s'était quelque peu améliorée.
Le père avait acquis un four pour fondre le cuivre et il en acheta
ensuite deux autres. Il avait été élu conseiller
de sa ville et il commençait à faire des projets pour l'instruction
des ses enfants. Cependant, Martin n'eut jamais honte de ses jours d'épreuves
et de misère; au contraire, il les considérait comme
la main de Dieu qui l'avait guidé, dirigé et préparé
pour sa grande œuvre. Personne ne peut, une fois adulte, affronter sérieusement
et avec courage les vicissitudes de la vie si l'expérience ne lui
a rien appris dans sa jeunesse.
A dix-huit ans, Martin désirait
faire des études universitaires. Son père, conscient des
capacités de son fils, l'envoya à Erfurt qui était
alors le centre intellectuel du pays, où plus de mille étudiants
suivaient des cours. Le jeune homme étudia avec tant d'acharnement
qu'à la fin du troisième trimestre, il obtint le grade de
bachelier en philosophie. A vingt et un ans, il atteignit le deuxième
grade académique, celui de docteur en philosophie; les étudiants,
les professeurs et les autorités lui rendirent l'hommage qu'il
méritait.
Dans la ville d'Erfurt même,
on comptait cent propriétés appartenant à l'Eglise,
y compris huit couvents. Il y avait également une importante bibliothèque
qui dépendait de l'université, où Luther passait
tout son temps libre. Il priait toujours Dieu avec ferveur pour qu'il
lui accorde sa bénédiction dans ses études. Il avait
coutume de dire: "Bien prier est la partie la plus importante des études."
Un de ses camarades écrivit à son sujet: "Chaque matin,
il fait précéder ses études d'une visite à
l'église et d'une prière à Dieu".
Son père, qui désirait
voir Martin devenir un célèbre avocat, lui acheta le Corpus
juris, une grande œuvre de jurisprudence qui coûtait très
cher.
Cependant l'âme de
Martin désirait Dieu avec ardeur et par-dessus toutes choses. Divers
événements influencèrent Luther, l'amenant à
embrasser la vie monastique, une décision qui emplit son père
de tristesse et horrifia ses compagnons de l'université.
Premièrement, dans
la bibliothèque, il découvrit le merveilleux Livre des livres,
la Bible complète, en latin. Jusqu'alors Luther avait cru que les
petits extraits choisis par l'Eglise pour être lus le dimanche,
constituaient la totalité de la Parole de Dieu. Après avoir
lu la Bible pendant un long moment, il s'écria: " Oh! Si la Providence
pouvait me donner un tel livre, pour moi tout seul! " A mesure qu'il lisait
les Ecritures, son cœur se mit à percevoir la lumière que
répandait la Parole de Dieu et son âme à ressentir
une soif de Dieu toujours plus grande.
A l'époque où
il devint bachelier, ses longues heures d'étude le rendirent malade
et sa maladie l'amena aux portes de la mort. Ainsi, sa faim de la parole
de Dieu s'enracina encore plus profondément dans le cœur de Luther.
Quelque temps après cette maladie, alors qu'il rendait visite à
sa famille, il reçut un coup d'épée et il faillit
mourir deux fois avant qu'un chirurgien ne réussisse à guérir
la blessure. Pour Luther, le salut de son âme prévalait sur
tout autre désir.
Un jour, un de ses amis intimes
d'université fut assassiné. " Ah!, s'écria Luther,
horrifié, que serait-il advenu de moi si j'avais été
appelé dans l'autre vie si inopinément? "
Mais parmi tous ces événements,
celui qui ébranla le plus l'esprit de Luther, fut celui qu'il vécut
pendant un terrible orage alors qu'il revenait de chez ses parents. Il
ne pouvait se mettre à l'abri nulle part. Le ciel était
en feu, les éclairs déchiraient les nuages sans arrêt.
Soudain, un éclair frappa à côté de lui. Luther,
empli d'épouvante et se sentant déjà près
de l'enfer, se prosterna en criant: " Sainte Anne, sauve-moi et je me
ferai moine! "
Plus tard, Luther appela
cet incident: " Ma voie royale vers Damas " et il tint la promesse qu'il
avait faite à Sainte Anne. Il invita alors ses camarades à
dîner avec lui. Après le repas, alors que ses amis se divertissaient
en discutant tout en écoutant de la musique, il leur annonça
soudain qu'à partir de ce moment, ils pouvaient le considérer
comme mort, car il allait entrer au couvent. Ses amis essayèrent
en vain de le dissuader. Dans l'obscurité de cette même nuit,
le jeune homme, qui n'avait pas encore vingt-deux ans, se rendit au couvent
des Augustins, frappa, la porte s'ouvrit et Luther entra. Le professeur
admiré et fêté, la gloire de l'université,
celui qui avait passé des jours et des nuits penché sur
ses livres, n'était plus maintenant qu'un simple frère augustin!
Le monastère des Augustins
était le meilleur des cloîtres d'Erfurt. Ses moines étaient
les prédicateurs de la ville, très estimés pour leurs
œuvres de charité envers la classe pauvre et opprimée. Il
n'y eut jamais dans ce couvent un moine plus soumis, plus dévoué
et plus pieux que Martin Luther. Il effectuait les travaux les plus humbles,
comme portier, fossoyeur, balayeur de l'église et des cellules
des moines. Il ne refusait pas de sortir mendier le pain quotidien pour
le couvent dans les rues d'Erfurt.
Pendant son année
de noviciat, avant qu'il fasse ses vœux, les amis de Luther firent tout
ce qui était en leur pouvoir pour le dissuader de persévérer
dans sa décision. Les camarades qu'il avait invités à
dîner pour leur annoncer son intention de se faire moine, restèrent
deux jours près du portail du couvent, dans l'espoir qu'il reviendrait
vers eux. Le père de Luther faillit devenir fou lorsqu'il comprit
que ses prières étaient inutiles et que tous les projets
qu'il avait faits pour l'avenir de son fils étaient détruits.
Luther s'excusait en disant:
"J'ai fait une promesse à Sainte Anne, pour sauver mon âme.
Je suis entré au couvent et j'ai accepté cette condition
spirituelle uniquement pour servir Dieu et lui plaire pour l'éternité."
Cependant, Luther s'était
fait trop d'illusions.
Après avoir essayé
de crucifier sa chair par des jeûnes prolongés, en s'imposant
les privations les plus sévères, en effectuant un nombre
incalculable de veilles, enfermé dans sa cellule, il devait encore
lutter contre les mauvaises pensées. Son âme clamait : 'Donne-moi
la sainteté ou je meurs pour toute l'éternité; emporte-moi
vers le fleuve aux eaux pures et non à ces sources d'eaux contaminées;
conduis-moi vers les eaux de vie qui jaillissent du trône de Dieu".
Un jour, Luther trouva dans
la bibliothèque du couvent une vieille bible en latin, attachée
à la table par une chaîne; pour lui, ce fut un trésor
infiniment plus précieux que tous les trésors littéraires
du couvent. Il fut si complètement absorbé par sa lecture
que pendant des semaines entières, il oubliait de répéter
les prières du jour de l'ordre. Ensuite, réveillé
par la voix de sa conscience, Luther se repentit de sa négligence;
ses remords étaient tels qu'ils l'empêchaient de dormir.
Il s'efforça donc de réparer son erreur et il y mit tant
d'acharnement qu'il en oubliait de se nourrir.
Dans cet état, décharné
par tant de jeûnes et de veilles, il se sentit oppressé par
la crainte au point d'en perdre connaissance et de tomber sur le sol.
C'est ainsi que le trouvèrent les autres moines qui admirèrent
une fois de plus son exceptionnelle piété! Luther ne reprit
conscience que lorsqu'un groupe de frères du chœur l'entourèrent
en chantant. La douce harmonie arriva jusqu'à son âme et
réveilla son esprit. Cependant, même à ce moment-là
il lui manquait encore la paix perpétuelle de l'âme, il
n'avait pas encore entendu le chœur céleste chanter: "Gloire
à Dieu et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté
".
A cette époque, le
vicaire général de l'ordre des Augustins, Staupitz, vint
en visite au couvent. C'était un homme de grand discernement et
d'une piété profonde; il comprit immédiatement le
problème du jeune moine et lui offrit une bible dans laquelle celui-ci
put lire: "Le juste vivra par la foi". Depuis bien longtemps, Luther soupirait:
" Oh, que Dieu me donne un tel livre rien que pour moi!" Maintenant il
l'avait enfin!
Il trouva un grand réconfort
à la lecture de la Bible, mais la tâche ne pouvait être
accomplie en un jour. Il resta donc plus résolu que jamais à
atteindre la paix par la vie monastique, jeûnant et passant des
nuits entières sans dormir. Gravement malade, il s'écria:
"Mes péchés, mes péchés!" Bien que sa vie
fût sans tache, comme il l'affirmait et comme d'autres en témoignaient,
il se sentait coupable devant Dieu, jusqu'à ce qu'un vieux moine
lui rappelât une parole du Credo: "Je crois dans le pardon des péchés".
Il vit alors que Dieu avait non seulement pardonné les péchés
de Daniel et de Simon Pierre, mais également les siens.
Peu de temps après
ces événements, Luther fut ordonné prêtre.
La première messe qu'il célébra fut un grand événement.
Son père, qui ne lui avait pas pardonné depuis le jour où
il avait abandonné ses études de jurisprudence, y assista,
après être venu à cheval de Mansfield en compagnie
de vingt-cinq amis et avec un don important pour le couvent.
Lorsqu'il eut vingt-cinq
ans, Luther fut nommé à la chaire de philosophie de Wittenberg,
où il alla vivre dans le couvent de son ordre. Cependant, son âme
avait soif de la Parole de Dieu et de la connaissance de Christ. Outre
les occupations que lui imposait sa chaire de philosophie, il se consacra
à l'étude des Ecritures et en cette première année
il obtint le titre de "licencié ès Ecritures". Son âme
brûlait du feu du ciel; de toutes parts affluaient des multitudes
pour écouter ses sermons, jaillis directement de son cœur, sur
les merveilleuses vérités que lui révélaient
les Ecritures. L'un des professeurs les plus célèbres de
Leipzig, connu comme "la lumière du monde", dit de lui: "
Ce moine fera honte à tous les docteurs; il annoncera une doctrine
nouvelle et réformera toute l'Eglise, parce qu'il se base sur la
Parole du Christ, la Parole à laquelle personne au monde ne peut
résister, que personne ne peut réfuter, même lorsqu'on
l'attaque avec toutes les armes de la philosophie."
L'un des moments cruciaux
de la vie de Luther fut sa visite à Rome. Une grave dispute avait
surgi entre sept couvents d'Augustins et il fut décidé de
porter les points de désaccord devant le Pape pour qu'il tranche.
Comme Luther était le plus habile et le plus éloquent et
qu'il était en outre très estimé et respecté
par tous ceux qui le connaissaient, il fut choisi pour représenter
son couvent à Rome. '
Luther fit le voyage à
pied en compagnie d'un autre moine. En ce temps là, Luther était
toujours fidèle et entièrement dévoué à
l'Eglise catholique. Quand ils arrivèrent enfin à un endroit
sur la route d'où l'on pouvait voir la ville célèbre,
Luther tomba à genoux et s'exclama: "Ville sainte, je te salue!"
Les deux moines passèrent
un mois à Rome où ils visitèrent les divers sanctuaires
et les lieux de pèlerinage. Luther célébra la messe
dix fois. Il regretta que ses parents ne fussent pas encore morts, parce
qu'il aurait pu les délivrer du purgatoire! Un jour, montant les
saintes marches à genoux, afin d'obtenir l'indulgence que le chef
de l'Eglise promettait en récompense de ce sacrifice, les paroles
de Dieu résonnèrent dans ses oreilles avec un bruit de tonnerre:
"Le juste vivra par la foi." Luther se leva et s'en alla, tout honteux.
Après avoir vu la
corruption qui régnait partout à Rome, son âme se
raccrocha encore davantage à la Bible. De retour à son couvent,
le. vicaire général insista pour qu'il suivît les
cours nécessaires pour obtenir le titre de docteur, qui lui donnerait
le droit de prêcher. Néanmoins, conscient de l'énorme
responsabilité que ceci entraînerait devant Dieu et ne voulant
pas céder, Luther dit: "C'est une chose d'une extrême importance
pour un homme de parler à la place de Dieu [...] Ah! Docteur, en
me demandant cela, vous m'ôtez la vie; je ne tiendrai pas plus de
trois mois". Le vicaire général lui répondit: "Cela
n'a pas d'importance, qu'il en soit ainsi au nom de Dieu, car Dieu a aussi
besoin au ciel d'hommes consacrés et intelligents".
Elevé à la
dignité de docteur en théologie, Luther brûlait plus
encore du désir d'approfondir ses connaissances dans les Saintes
Ecritures; il fut alors nommé prédicateur de la ville
de Wittenberg. Les livres qu'il étudia et leurs marges pleines
d'annotations en toutes petites lettres servent encore d'exemple aux érudits
d'aujourd'hui, pour le soin et la méthode que Luther mit à
ses études.
Celui-ci écrivit au
sujet de la grande transformation que subit sa vie à cette époque-là:
"Avec le désir ardent de comprendre la Parole de Dieu, je me mis
à étudier son épître aux Romains. Je notai
que dans le premier chapitre, il est établi que la justice de Dieu
se révèle dans l'Evangile (Romains 16:17). Je détestais
l'expression: "la justice de Dieu", parce que selon ce que j'avais appris,
je la considérais comme un attribut du Dieu saint qui le poussait
à châtier les pécheurs. En dépit de ma vie
irréprochable de moine, ma conscience troublée me montrait
que j'étais un pécheur devant Dieu. Ainsi, je détestais
un Dieu juste qui châtiait les pécheurs [...] Ma conscience
était inquiète et au plus profond de moi, mon âme
se révoltait. Cependant, je revenais sans cesse au même verset,
parce que je voulais connaître ce qu'enseignait Paul. Finalement,
après avoir médité ce point pendant des jours et
des nuits, Dieu, en sa grâce infinie, me montra le verset: Le
juste vivra par la foi. Je vis alors que la justice de Dieu, dans
ce verset, est la justice que l'homme pieux reçoit de Dieu par
la foi, comme un présent."
C'est ainsi que l'âme
de Luther se libéra de son esclavage. Il écrivit: "Je me
sentis alors renaître et au paradis. Les Ecritures tout entières
avaient maintenant pour moi une autre signification; je les étudiai
en détail afin d'y découvrir tout ce qu'elles enseignaient
sur la justice de Dieu. Avant, ces paroles m'étaient odieuses;
maintenant, je les recevais avec le plus grand amour. Ce verset fut pour
moi la porte d'entrée au paradis."
Après cette merveilleuse
expérience, Luther prêcha tous les jours; en certaines occasions,
il lui arriva même de faire jusqu'à trois prédications
le même jour, comme il le rapporta lui-même: "Ce qu'est le
pasteur pour le troupeau, la maison pour l'homme, le nid pour l'oisillon,
le rocher pour la chèvre sauvage, le ruisseau pour le poisson,
voilà ce qu'est la Bible pour les âmes fidèles." Enfin,
la lumière de l'Evangile déchirait les ténèbres
dans lesquels il vivait, et l'âme de Luther brûlait de conduire
ceux qui l'écoutaient jusqu'à l'Agneau de Dieu, qui efface
tous les péchés.
Luther fit en sorte que le
peuple considère la vraie religion, non pas comme une simple profession
de foi ou un système de doctrines, mais comme la vie même
en Dieu. La prière n'était plus un exercice dépourvu
de sens, mais une communion avec Dieu qui nous aime d'un amour infini.
Par le biais de ses sermons, Luther révéla le cœur de Dieu
à des milliers d'auditeurs, à travers son propre cœur.
Lors d'une convention d'Augustins,
Luther fut invité à prêcher, mais au lieu de délivrer
un message doctrinal de sagesse humaine, comme on s'y attendait, il prononça
une homélie ardente contre la langue médisante des moines.
Les Augustins, impressionnés par ce message, l'élirent directeur
avec la charge de onze couvents!
Luther ne se contentait pas
de prêcher la vertu, il la mettait en pratique et aimait vraiment
son prochain. A cette époque, la peste, venue d'Orient, frappa
Wittenberg. On calcule que le quart de la population de l'Europe, la moitié
de la population de l'Allemagne, fut fauché par la peste. Lorsque
les professeurs et les étudiants fuirent la ville, ils insistèrent
pour que Luther les suivît, mais celui-ci répondit: "Où
fuir? ma place est ici; le devoir ne me permet pas d'abandonner mon poste,
avant que Celui qui m'y a placé ne m'appelle. Ce n'est pas que
je ne craigne pas la mort, j'espère simplement que le Seigneur
me donnera du courage." C'est ainsi que Luther continua d'exercer son
ministère, prenant soin de l'âme et du corps de ses semblables
pendant un temps d'affliction et d'angoisse universelles.
La réputation du jeune
moine s'étendit très loin. Pendant ce temps sans s'en rendre
compte, tout en travaillant infatigablement pour l'Eglise, il s'était
écarté de la voie libérale où s'était
engagée l'Eglise dans sa doctrine et dans la pratique.
Au mois d'octobre 1517, Luther
afficha à la porte de l'église du château de Wittenberg
ses 95 thèses, dont la teneur était que Christ demandait
que l'on se repente et s'attriste pour le péché commis,
et non la pénitence. Luther afficha ses thèses ou propositions
en vue d'un débat public à la porte de l'église,
comme c'était alors la coutume. Mais celles-ci, rédigées
en latin, furent sur le champ traduites en allemand, en hollandais et
en espagnol. En moins d'un mois, à la surprise de Luther, elles
étaient parvenues en Italie et faisaient trembler les bases du
vieil édifice de Rome.
La conséquence de
cet affichage des 95 thèses à la porte de l'église
de Wittenberg fut la naissance de la Réforme, c'est-à-dire,
que cet acte fut à l'origine du grand mouvement des âmes
qui, dans le monde entier, désiraient ardemment retrouver la source
pure, la Parole de Dieu. Cependant, Luther n'attaquait pas l'Eglise catholique;
au contraire, il prenait la défense du pape contre les vendeurs
d'indulgence.
Au mois d'août 1518,
Luther fut appelé à Rome pour y répondre à
l'accusation d'hérésie qu'on lui intentait. Néanmoins,
l'électeur Frédéric refusa de le laisser sortir du
pays et Luther reçut ordre de se présenter à Augsbourg.
"Ils vont te brûler vif", lui dirent ses amis. Luther leur répondit
alors résolument: "Si Dieu soutient la cause, la cause l'emportera".
L'ordre que le nonce du pape
donna à Luther à Augsbourg fut clair: "Rétractez-vous
ou vous ne sortirez pas d'ici". Mais, Luther réussit à fuir
par une petite porte dans le mur de la ville, en profitant de l'obscurité
de la nuit. A son retour à Wittenberg, un an après l'affichage
de ses thèses, Luther était devenu le personnage le plus
populaire de toute l'Allemagne. Il n'y avait pas de journaux à
l'époque, mais Luther répondait à toutes les critiques
et ces réponses étaient ensuite publiées sous forme
d'opuscules. Les écrits de Luther publiés ainsi constituent
aujourd'hui une centaine de volumes.
Erasme, le célèbre
humaniste et érudit hollandais, écrivit à Luther:
"Vos livres sont en train de réveiller tout le pays [...]. Les
hommes les plus éminents d'Angleterre apprécient vos écrits
[...]."
Lorsque la bulle d'excommunication
envoyée par le pape arriva à Wittenberg, Luther répondit
par un traité adressé au pape Léon X, où il
l'exhortait à se repentir au nom du Seigneur. La bulle du pape
fut brûlée loin des murs de la ville de Wittenberg devant
une grande foule. A ce sujet, Luther écrivit au vicaire général:
"Au moment de brûler la bulle, je tremblais et je priais, mais maintenant
je suis satisfait d'avoir accompli cet acte énergique". Luther
n'attendit pas l'excommunication du pape, mais quitta immédiatement
l'Eglise de Rome pour rejoindre l'Eglise du Dieu vivant.
Toutefois, l'empereur Charles
Quint, qui allait convoquer sa première Diète dans la ville
de Worms, demanda à Luther de comparaître afin de répondre,
en personne, aux charges de ses accusateurs. Les amis de Luther lui déconseillèrent
vivement d'y aller, rappelant: "Jan Hus ne s'est-il pas rendu à
Rome pour y être brûlé, en dépit de la promesse
de l'Empereur qu'il aurait la vie sauve?" Mais en réponse à
tous leurs efforts pour le dissuader de comparaître devant ses ennemis,
Luther, fidèle à l'appel de Dieu, leur dit: "Même
s'il y a à Worms autant de démons que de tuiles sur les
toits, j'ai confiance en Dieu et j'irai". Après avoir donné
des instructions au sujet de son œuvre, au cas où il ne reviendrait
pas, il partit.
Pendant son voyage vers Worms,
la foule se pressait en masse pour voir le grand homme qui avait eu le
courage de défier l'autorité du pape. A Mora, il prêcha
en plein air, parce que les églises étaient trop petites
pour les énormes foules qui voulaient entendre ses sermons. A la
vue des clochers des églises de Worms, il se dressa dans la voiture
dans laquelle il voyageait et se mit à chanter son hymne, le plus
célèbre de la Réforme: Ein Feste Burg, c'est-à-dire
"Notre Dieu est une forteresse". Lorsqu'il entra enfin dans la ville,
il était escorté d'une foule beaucoup plus nombreuse que
celle qui avait accueilli Charles Quint. Le lendemain, il fut présenté
devant l'empereur, au côté duquel se tenaient le délégué
du pape, six électeurs de l'empire, vingt-cinq ducs, huit margraves,
trente cardinaux et évêques, sept ambassadeurs, les députations
de dix villes et un grand nombre de princes, comtes et barons.
On pourrait facilement croire
que le réformateur était un homme de grand courage et de
grande force physique pour oser affronter tant de bêtes sauvages
dont le seul et ardent désir était de le mettre en pièces.
Mais, à la vérité, il avait passé une grande
partie de sa vie à l'écart des hommes et, surtout, le voyage
l'avait bien affaibli car il avait dû avoir recours aux soins d'un
médecin. Néanmoins, il ne perdit pas sa fermeté et
il se montra plein de courage, non pas du sien propre, mais par la puissance
de Dieu.
Conscient qu'il devait comparaître
devant l'une des assemblées d'autorités religieuses et civiles
les plus imposantes de tous les temps, Luther passa la nuit précédente
à veiller. Prosterné, le visage contre terre, il lutta avec
Dieu, pleurant et suppliant. Un de ses amis l'entendit prier ainsi: "Oh
Dieu Tout-Puissant! La chair est faible, le diable est fort! Oh, Dieu,
mon Dieu! Je te supplie de rester à mes côtés pour
affronter la raison et 'la sagesse du monde. Fais-le, car toi seul le
peux. Il ne s'agit pas de ma cause, mais de la tienne. Qu'ai-je à
voir avec les grands de ce monde? C'est ta cause, Seigneur, ta cause juste
et éternelle. Sauve-moi, ô Dieu fidèle! Je n'ai confiance
qu'en toi, ô Dieu, mon Dieu [...] Je suis prêt à donner
ma vie, comme un agneau. Le monde ne réussira pas à réduire
ma conscience au silence, même s'il est plein de démons;
et si mon corps doit être détruit, mon âme t'appartient
et sera avec toi pour l'éternité […] "
On raconte que le lendemain.
lorsque Luther passa le seuil de la salle où il devait se présenter
devant la Diète, le général vétéran
Freudsburg mit la main sur l'épaule du Réformateur et lui
dit: "Petit moine, tu vas affronter une bataille différente, que
ni moi ni aucun capitaine n'avons jamais affrontée, même
lors de nos plus sanglantes conquêtes. Mais, si la cause est juste,
et tu es convaincu qu'elle l'est, avance au nom de Dieu et ne crains rien
car Dieu ne t'abandonnera pas". Le grand général ne savait
pas que Martin Luther avait déjà gagné la bataille
par la prière et qu'il entrait uniquement pour informer ses pires
ennemis de cette victoire.
Lorsque le nonce du pape
exigea que Luther se rétractât devant l'auguste assemblée,
celui-ci répondit: "Si vous ne m'avez pas convaincu d'erreur par
le témoignage des Ecritures ou par vos arguments - puisque je ne
crois ni dans le pape ni dans les conciles, car il est évident
qu'ils se sont souvent trompés et qu'ils se contredisent entre
eux - ma conscience doit obéir à la Parole de Dieu. Je ne
peux pas me rétracter, je ne peux rien retirer car il n'est ni
juste ni sûr d'agir contre sa conscience. Que Dieu me soit en aide,
amen."
De retour dans sa chambre,
Luther leva les mains vers le ciel, et le visage illuminé, s'exclama:
"Que tout soit consommé! Que tout soit consommé! Si j'avais
mille têtes, je me les ferais toutes couper avant de me rétracter!"
La ville de Worms se réjouit,
en apprenant la réponse hardie faite par Luther au nonce du pape.
Les paroles du Réformateur furent rapportées et répandues
au sein de la population qui lui rendit un hommage bien mérité.
Bien que les papistes n'eussent
pas obtenu de l'empereur, à cause de la grande influence du Réformateur,
qu'il violât le sauf-conduit accordé et qu'il fît brûler
le soi-disant hérétique sur le bûcher, Luther dut
toutefois affronter un autre grave problème. L'édit d'excommunication
entra immédiatement en vigueur; Luther était donc considéré
comme un criminel et, une fois la durée de son sauf-conduit écoulée,
il devrait être livré à l'empereur; tous ses livres
devaient être confisqués et brûlés; lui venir
en aide de quelque façon que ce soit serait considéré
comme un crime capital.
Mais il est facile à
Dieu de prendre soin de ses enfants. Sur le chemin de retour à
Wittenberg, Luther fut soudain entouré dans un bois par une bande
de cavaliers masqués, qui, après avoir renvoyé les
personnes qui l'accompagnaient, le conduisirent au milieu de la nuit au
château de Wartburg, près d'Eisenach. C'était un stratagème
du prince de Saxe pour sauver Luther de ses ennemis qui préméditaient
de l'assassiner avant qu'il n'arrivât chez lui.
Au château, Luther
passa de nombreux mois incognito; il prit le nom de Chevalier Georges
et le monde extérieur le crut mort. De fidèles serviteurs
de Dieu priaient jour et nuit. Les paroles du peintre Albert Dürer
expriment les sentiments du peuple: " Ô Dieu! si Luther est mort,
qui nous expliquera l'Evangile maintenant?"
Toutefois, de sa retraite,
à l'abri de ses ennemis, Luther avait toute liberté pour
écrire; le monde comprit ensuite, au vu d'une telle quantité
de littérature, qu'il s'agissait de l'œuvre de la plume même
de Luther et qu'en fait celui-ci était vivant. Le Réformateur
connaissait bien l'hébreu et le grec et, en trois mois, il traduisit
le Nouveau Testament en allemand. Quelques mois plus tard, l'œuvre, une
fois imprimée, était dans les mains du peuple. Il se vendit
cent mille exemplaires de cette œuvre en quarante ans, en plus des cinquante-deux
éditions qui furent imprimées dans d'autres villes. C'était
pour l'époque un tirage considérable, mais Luther n'accepta
pas un centime de droits d'auteur.
La plus grande œuvre de sa
vie fut sans doute de donner la Bible dans sa propre langue au peuple
allemand, après son retour à Wittenberg. Certes, il y avait
d'autres traductions, mais elles étaient écrites dans un
allemand latinisé que le peuple ne comprenait pas. La langue allemande
de l'époque était un ensemble de dialectes, mais dans sa
traduction de la Bible, Luther employa un langage que tous comprenaient,
celui-là même que des hommes comme Goethe et Schiller utilisèrent
pour écrire leurs œuvres. Le succès de sa traduction des
Saintes Ecritures à l'usage des plus humbles est confirmé
par le fait qu'après quatre siècles, on considère
encore sa traduction comme la principale.
Un autre facteur important
qui contribua au succès de cette traduction fut que Luther était
un érudit en hébreu et en grec, ce qui lui permit de traduire
directement à partir des langues d'origine. Néanmoins, la
valeur de son œuvre ne se base pas uniquement sur les indiscutables dons
de linguiste de son auteur, mais bien sur le fait que Luther connaissait
la Bible mieux que quiconque, puisqu'il avait ressenti l'angoisse éternelle
et qu'il avait trouvé dans les Ecritures la seule véritable
consolation. Luther connaissait intimement et aimait sincèrement
l'Auteur du Livre. En conséquence, son cœur brûlait du feu
et de la puissance du Saint-Esprit. C'est là le secret qui lui
permit de traduire cette œuvre immense en allemand en si peu de temps.
Comme on le sait, la force
de Luther et de la Réforme fut la Bible. De Wartburg, Luther écrivit
à son peuple de Wittenberg: "Jamais nulle part dans le monde, on
n'a écrit de livre plus facile à comprendre que la Bible.
Comparée aux autres livres, elle est comme le soleil par rapport
à toutes les autres lumières. Ne vous laissez convaincre
par personne de l'abandonner sous aucun prétexte. Si vous vous
en écartez un instant, tout est perdu; on pourra vous entraîner
n'importe où. Si vous restez fidèle aux Ecritures, vous
serez victorieux".
Après avoir quitté
son habit de moine, Luther décida de quitter complètement
la vie monastique; il épousa Katharina von Bora, une religieuse
cistercienne qui avait également quitté le cloître
après avoir compris qu'une telle vie était contraire à
la volonté de Dieu. Le personnage de Luther, assis près
de la cheminée chez lui avec sa femme et ses six enfants qu'il
aimait tendrement, inspire les hommes davantage que le grand héros
qui se présenta devant le légat pontifical à Augsbourg.
Lors des cultes domestiques,
la famille se groupait autour d'un harmonium pour louer Dieu tous ensemble.
Le Réformateur lisait le Livre qu'il avait traduit pour le peuple,
puis tous louaient Dieu et priaient jusqu'à ce qu'ils ressentissent
la présence divine parmi eux.
Luther et son épouse
s'aimaient profondément. C'est lui qui dit : "Je suis riche, Dieu
m'a donné ma nonne et trois fils, les dettes ne me font pas peur:
c'est Katharina qui paie tout." Katharina von Mora était estimée
de tous. En fait, certains en vinrent à la critiquer parce qu'elle
était trop économe; mais que serait-il advenu de Martin
Luther et de toute sa famille, si elle avait agi comme lui? On raconte
que, profitant du fait que sa femme était malade, il donna son
propre repas à un étudiant qui avait faim. Il n'acceptait
rien de ses élèves et refusait de vendre ses écrits,
laissant tout le profit aux typographes.
Au cours de ses méditations
sur les Ecritures, il oubliait souvent de manger. Alors qu'il écrivait
son commentaire du psaume 23, il resta trois jours enfermé dans
sa chambre, avec du pain et du sel pour toute nourriture. Lorsque sa femme
fit ouvrir la porte par un serrurier, ils le trouvèrent en train
d'écrire, plongé dans ses pensées et complètement
étranger à tout ce qui se passait autour de lui.
Il est difficile de se faire
une idée exacte de tout ce que nous devons aujourd'hui à
Martin Luther. La façon dont il a ouvert la voie pour que le peuple
soit libre de servir Dieu conformément à ses lois, dépasse
notre compréhension. C'était un grand musicien et il écrivit
quelques-uns des hymnes les plus spirituels que l'on chante encore aujourd'hui.
Il prépara le premier recueil d'hymnes grâce à un
grand travail de compilation et il établit la coutume de faire
chanter ensemble les gens qui assistaient au culte. Il insista pour que
non seulement les garçons, mais aussi les filles, reçoivent
une instruction, se convertissant ainsi en père des écoles
publiques. Avant Luther, le sermon avait peu d'importance dans les cultes,
mais il en fit la partie principale. Il donna l'exemple lui-même
pour contribuer à établir cette coutume; en effet c'était
un prédicateur d'une grande éloquence. Il n'avait pas une
très haute opinion de lui-même, mais ses messages venaient
du plus profond de son cœur, à tel point que le peuple ressentait
la présence de Dieu lorsqu'il prêchait. A Zwickau, il prêcha
devant vingt-cinq mille personnes sur la place publique. On calcule qu'il
écrivit cent quatre-vingt volumes dans sa langue maternelle et
presque autant en latin. Malgré les diverses maladies dont il souffrait,
il n'en continuait pas moins ses efforts, disant: "Si je mourais dans
mon lit, ce serait une honte pour le pape."
On attribue généralement
le grand succès de Luther à son intelligence extraordinaire
et à ses dons remarquables. En réalité, il avait
coutume de prier pendant des heures entières. Il disait que s'il
ne passait pas deux heures en prière le matin, il s'exposait à
ce que Satan gagne la victoire sur lui dans la journée. Un biographe
écrivit: "Le temps qu'il passe à prier engendre le temps
nécessaire pour tout ce qu'il fait. Le temps qu'il passe à
sonder la Parole vivifiante, lui emplit le cœur qui ensuite déborde
dans ses sermons, dans sa correspondance et dans ses enseignements."
Sa femme disait que les prières
de Luther "ressemblaient parfois aux demandes insistantes de son petit
garçon Hanschen qui avait confiance en la bonté de son père;
parfois aussi, c'était comme la lutte d'un géant dans les
affres du combat."
Dans L'Histoire de l'Eglise
chrétienne de Souer, on peut lire: "Martin Luther prophétisait,
évangélisait, parlait en langues et les interprétait,
il manifestait tous les dons du Saint-Esprit."
A soixante-deux ans, il fit
son dernier sermon sur le texte: " Cachez ces choses aux sages et aux
connaisseurs et révélez-les aux enfants." Ce même
jour, il écrivit à Katharina, son épouse bien-aimée:
"Remets ton fardeau au Seigneur et il te soutiendra. Amen". Cette phrase
est tirée de sa dernière lettre. Toute sa vie il s'attendait
à ce que le pape parvînt à mettre à exécution
sa menace répétée de le faire brûler vif. Toutefois,
ce n'était pas la volonté de Dieu. Le Christ l'appela à
lui lors d'une crise cardiaque à Eisleben, sa ville natale.
Les dernières paroles
de Luther furent: "Je vais remettre mon esprit". Puis il loua Dieu à
haute voix: "Ô, mon Père céleste! mon Dieu, Père
de notre Seigneur Jésus-Christ, en qui je crois, que j'ai prêché
et à qui je me suis confessé, que j'ai aimé et loué
[...] Ô, mon Seigneur bien-aimé Jésus-Christ, je te
recommande ma pauvre âme. Oh, mon Père céleste, très
bientôt, je devrai abandonner ce corps, mais je sais que je resterai
éternellement auprès de toi et que rien ne pourra m'arracher
de tes mains! " Puis, après avoir récité trois fois
Jean 3:16, il répéta: "Père, en tes mains je remets
mon esprit, pour que tu me délivres, Dieu fidèle", puis
il ferma les yeux et s'endormit.
Un immense cortège
de croyants qui l'aimaient sincèrement, précédé
de cinquante cavaliers, sortit d'Eisleben pour se rendre à Wittenberg,
passa la porte de la ville où le Réformateur avait, des
années plus tôt, brûlé la bulle d'excommunication
et entra par les portes de cette même église où, il
y avait vingt-neuf ans, Luther avait affiché les 95 thèses.
Pendant le culte funèbre, le pasteur Bugenhagen et Melanchthon,
le compagnon inséparable de Luther, prononcèrent chacun
un discours. Puis, on ouvrit la sépulture, placée auparavant
à côté de la chaire et on y déposa le corps
de Luther.
Quatorze ans plus tard, le
corps de Melanchthon trouva le repos de l'autre côté de la
chaire dans cette même église. Autour de ces deux sépultures,
reposent les dépouilles de plus de quatre-vingt-dix maîtres
de l'Université.
Les portes de l'église
du château furent détruites par un incendie pendant le bombardement
de Wittenberg en 1760, mais elles furent remplacées par des portes
en bronze en 1812, sur lesquelles on trouve gravées les 95 thèses.
Mais ce grand homme, qui persévéra dans la prière,
laissa gravée, non dans le métal qui finit par se ronger,
mais dans des centaines de millions d'âmes immortelles, la Parole
de Dieu qui portera ses fruits pour l'éternité.
Source: Les
Héros de la Foi par
Orlando Boyer, éditions VIDA
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