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L'Eglise de l'Unité
des Frères
d'E.A. Senft
PREMIÈRE PARTIE
De la fondation de Herrnhut jusqu'à la
mort du comte de Zinzendorf.
1722 - 1760
CHAPITRE 8
LE 16 SEPTEMBRE 1741
Zinzendorf, avant de se mettre en route pour
les Etats-Unis, avait groupé autour de lui-même, à
Londres, un cercle intime de neuf personnes, approuvées chacune
par le sort. On remarquait parmi celles-ci son épouse, Frédéric
de Watteville, Léonard Dober, Spangenberg. Il s'agissait d'une
réunion d'adieux, d'entretiens suprêmes, d'un synode en petit,
où allaient se traiter plusieurs questions dont étaient
préoccupés les esprits et les cœurs. Le comte, personnellement,
traversait une phase difficile de sa vie. Souffrant de ne pas avoir été
compris, humilié par la pensée d'avoir quelquefois manqué
de sagesse et d'amour, il éprouvait, plus que jamais, le besoin
d'un sérieux retour sur lui-même et d'un nouvel examen de
l'oeuvre dans laquelle Dieu avait bien voulu l'employer. " Il répandait
son âme devant le Seigneur ", disait de lui plus tard Spangenberg,
" exposant à Dieu ses circonstances et celles de l'Eglise.
Confondu par la grâce que son Maître lui avait faite, il l'en
bénissait. Conscient aussi de ses fautes, sévère
pour lui-même, s'accusant franchement des torts dont lui parlait
ou semblait lui parler son passé, il cherchait avec ardeur le pardon.
Souvent on le trouvait saisi d'une tristesse qu'il ne réussissait
pas à cacher, et les yeux mouillés de larmes. Puis, s'enfuyant
loin de ses frères, il cherchait la solitude, et dans la solitude
Jésus-Christ, l'Ami des pécheurs, auquel son cœur avait
soif de parler."
Les entretiens fraternels commencèrent le 11 septembre
et se prolongèrent jusqu'au 23. Résumant les impressions
que lui avaient laissées ces journées, Spangenberg dit dans
sa Vie du comte de Zinzendorf : "Tout en nous appartenait
aux sujets qu'on traitait; sauf ceux-ci, rien n'avait plus d'intérêt
pour nous. Toute l'oeuvre que Dieu avait ordonnée et confiée
aux Frères, fut examinée devant sa face. Racines, branches,
feuilles, fleurs et fruits de l'arbre de l'Eglise, ce qu'il y avait de
nuisible à sa croissance, comme aussi ce qui semblait être
condition de sa prospérité, tout fut passé en revue,
droitement, sincèrement, sans acception de personnes. Un seul désir
remplissait nos cœurs, celui de savoir la volonté de Christ et
de la faire fidèlement et dans la simplicité de l'enfant.
Répondant à nos souhaits, plein de grâce pour nous,
le Sauveur daigna alors nous révéler sa pensée et
nous diriger comme un père dirige ses enfants et un maître
ses serviteurs. Notre âme était certaine de sa présence
au milieu de nous, selon la promesse qu'il avait faite à ses premiers
disciples: "Voici, je suis avec vous jusqu'à la fin du monde".
"
Parmi les questions traitées au sein de la conférence
de Londres, il y en avait une qui occupait le premier rang. Elle concernait
le ministère dont, jusqu'alors et depuis nombre d'années
(1735), Léonard Dober avait été revêtu et dont
il avait exprimé le désir d'être déchargé,
c'est-à-dire la vocation d'ancien en chef de l'Eglise.
Cette charge, dont la pensée, les attributions,
les devoirs avaient subi, dans le cours des années, des modifications
successives toujours plus sensibles, avait fini par devenir un sacerdoce
dont la responsabilité était écrasante et qui élevait
l'homme à des fonctions dont l'exercice dans l'Eglise appartient
à Christ seul.
L'ancien en chef n'avait plus rien à voir, en
1741, aux affaires proprement dites de l'Eglise. Il ne s'occupait ni de
l'administration des biens temporels, ni des questions d'organisation
ecclésiastique, ni de la direction des cultes. Il était
au dessus de toutes les questions d'Eglise, comme il était au dessus
de tous les serviteurs de l'Eglise, y compris les évêques.
Il était l'homme de la prière par excellence, l'incarnation
vivante de l'intercession permanente, celui dans la personne duquel la
vocation et l'oeuvre des Frères étaient constamment placées
sous le regard de Dieu et assurées de la protection divine.
Zinzendorf faisait grand cas de ce ministère qui,
à plus d'un égard, répondait à ses vues et
à ses désirs les plus chers. La charge de l'ancien, dépouillée
qu'elle était de tout ce qui rappelait le cadre étroit d'une
Eglise particulière, lui semblait convenir, mieux que toute autre,
à la grande et belle mission qu'il rêvait pour l'Eglise des
Frères. Celle-ci, on le sait, devait travailler à l'union
de tous les croyants dans n'importe quelles dénominations religieuses
et, par là, à l'édification d'une Eglise vivante
dans l'Eglise officielle, si loin quelquefois d'être l'Eglise de
Christ. Qui donc, mieux que l'ancien, était qualifié pour
lui prêter de l'appui dans l'exercice de ces fonctions? Le pasteur,
l'évêque même, servaient nécessairement en premier
lieu les intérêts de leur Eglise particulière. Seul
l'ancien, par la nature même de la place qu'il occupait, était
assez libre pour pouvoir se vouer à son Eglise dans la seule mesure
du travail et des sacrifices que celle-ci accomplissait pour les autres.
S'il appartenait à ces quelques frères qui l'avaient choisi,
cet homme appartenait tout autant au grand cercle de tous les enfants
de Dieu que Zinzendorf aurait voulu unir en un seul corps.
Il serait difficile, d'après ce que nous venons
de dire, d'imaginer un ministère plus délicat par sa nature,
plus élevé par sa pensée, plus universel par ses
fonctions que celui de l'ancien. Aussi Zinzendorf aimait-il à dire,
au sujet de l'homme qui s'en trouvait chargé: " Nous l'honorons
au fond de nos cœurs de notre respect, tout autant que l'Eglise catholique
honore son pape qu'elle a élevé sur un trône visible."
En même temps le comte ne se dissimulait pas à lui-même
le danger moral que courait le frère si haut placé. "Je
ne crois pas", dit-il un jour, " qu'après la mort de
Léonard Dober on choisisse un nouvel ancien en chef. Il faut pour
ce ministère des qualités exceptionnelles. Celui qui l'occupe
n'ose guère se dire une seule fois, dans l'espace de dix ans, qui
il est et à quoi il est appelé. Autrement vous pourriez
bien assister à une chute du genre de celle de Satan."
Quant à Léonard Dober en particulier, certaines
appréhensions ne manquaient pas de se produire. On ne les lui cachait
pas. Lui-même les comprenait. Homme d'action, nature forte, caractère
plein d'énergie, ne devait-il pas rencontrer, dans sa route, la
tentation de s'arroger, en abusant de la confiance de ses frères,
un pouvoir temporel qui aurait fait de lui le souverain chef de l'Eglise?
De fait - personne ne le sentait plus profondément que lui-même
- il n'était pas l'homme qu'il fallait pour la charge d'ancien.
Plein d'humilité, dans l'espoir de pouvoir mieux servir Dieu dans
d'autres conditions, il demanda donc, le 16 septembre, au matin, d'être
déchargé de ses fonctions, à moins que le Seigneur
lui-même, consulté par le sort, n'en décidât
autrement.
La conférence de Londres, qui partageait les sentiments
de Léonard Dober, se trouva dans un cruel embarras. Passant en
revue tous les noms, elle n'en rencontra aucun qu'elle jugeât digne
d'être associé à la charge en question. " Alors
", racontent les procès-verbaux, " la pensée nous
vint à tous, de remettre entre les mains du Sauveur les fonctions
dont, jusqu'à ce jour, avait été revêtu un
homme de notre choix. Ouvrant le livre de Textes de 1742, nous nous trouvâmes
en face de ces paroles: Ainsi a dit l'Eternel, le Saint d'Israël,
interrogez-moi sur les choses à venir et sur ce qui regarde mes
fils et marquez-moi ce que je dois faire de l'ouvrage de mes mains (Esaïe
45:11). Cela nous décida. Sans tarder un seul instant de plus,
nous choisîmes Christ pour notre Ancien. Seul il devait et pouvait
l'être. Et lorsque, après cela, nous relûmes cette
parole du jour: La gloire de l'Eternel remplissait toute la maison,
elle fût pour nous la réponse d'En Haut à notre décision.
"
Nul ne décrira ce qu'éprouvèrent,
à ce moment solennel, les quelques frères et sœurs qui,
par un acte de foi, don de la grâce divine agissant dans leur cœur,
venaient d'annuler une charge humaine que tous jusqu'alors avaient envisagée
comme indispensable à l'oeuvre des Frères. L'appui humain
rejeté, l'appui céleste choisi; le visible sacrifié
à l'invisible: voilà ce qui avait été accompli.
A genoux, devant le Seigneur, tous adorèrent le céleste
Ancien de l'Eglise.
Quelques observations ne manqueront pas d'utilité
pour ceux qui voudraient se rendre un compte exact de l'expérience
du 16 septembre 1741.
Il faut constater d'abord, que la conférence de
Londres, dans son installation du céleste Ancien, ne se borna pas
à rendre hommage a Christ comme au Chef suprême de l'Eglise
en général. Depuis bien des années, les Frères
avaient fait ce premier pas. En 1730 déjà, le comte de Zinzendorf
s'était écrié: " Ce n'est pas moi qui vous préside;
c'est Christ. Christ, voilà le Chef de l'Eglise; essaye, qui voudra,
de le détrôner! " Mais, si l'on n'avait jamais douté
de la divine prérogative du Seigneur de régner lui seul
sur son Eglise et de la gouverner, on s'était cependant rendu coupable,
au sujet de cette doctrine, d'une inconséquence dont les suites
menaçaient d'être fâcheuses.
Spangenberg relève ce point fatal dans un discours
du 10 septembre 1778, Condamnant, dans un retour sur le passé,
l'installation d'un ancien en chef humain, il s'écrie: " Ne
nous suffit-il donc pas de posséder cette parole de Christ: Un
seul est votre Maître et pour vous, vous êtes tous frères?
Mais l'homme est toujours enclin à vouloir posséder ce qui
saute aux yeux. C'est de cela que le Sauveur a voulu nous guérir.
Il n'y a jamais eu d'époque où je n'eusse pas cru que Christ
fût notre Ancien. Il l'a été dès l'éternité.
Mais nous avons voulu avoir un ancien humain avec et à côté
du divin; et voilà l'erreur que Dieu a détruite. "
Il y a, dans cette déclaration, un aveu de grande
valeur. Les Frères, jusqu'en 1741, tout en reconnaissant l'autorité
suprême de Jésus-Christ sur l'Eglise, n'avaient pas cru pouvoir
se passer d'un homme dont le sacerdoce était, pour eux, comme une
garantie de succès et une bénédiction indispensable
à leur travail. Supprimer l'ancien humain, c'était donc
rendre complet un acte de foi consommé, jusqu'alors, à moitié
seulement. C'était tout remettre entre les mains de Christ, et
tout attendre de lui seul. C'était croire que l'oeuvre dans laquelle
l'Eglise des Frères pensait avoir trouvé sa tâche
spéciale, savoir l'union des croyants autour du Sauveur, s'accomplirait
par la seule force de Jésus-Christ. C'était aussi compter
sur ce Dieu Sauveur pour le dénouement de toutes les complications
de l'heure présente et de l'avenir, tant de celles qui concernaient
l'Eglise que de celles qui regardaient les individus. Or, il fallait que
l'Eglise des Frères en arrivât là. La suppression
de l'ancien humain était pour elle une nécessité,
mais une de ces nécessités qui ne se réalisent que
par l'opération puissante de l'Esprit de Dieu dans les cœurs.
Cela dit, nous citerons, sans
crainte de malentendu, les paroles suivantes, empruntées à
la biographie du comte de Zinzendorf par Spangenberg, et se rapportant
à l'expérience du 16 septembre 1741: " La question
n'était pas de savoir, si le Sauveur était, ou non, le Pasteur
et l'Evêque de nos âmes. Notre désir était plutôt
qu'il daignât traiter une alliance spéciale avec le pauvre
et petit peuple des Frères, (1)
qu'il nous envisageât comme les siens, qu'il prit soin de toutes
nos circonstances, même des plus petites, qu'il veillât sur
nous tous et qu'il se donnât à chaque membre de l'Eglise
individuellement, accomplissant d'une manière parfaite ce que l'ancien
humain n'avait accompli au milieu de nous que bien imparfaitement. Pour
nous, nous nous engageâmes à l'aimer et à l'honorer,
à vivre avec lui dans une communion personnelle et intime, à
nous conformer à sa volonté, à ne plus jamais choisir
de maître humain pour les affaires du cœur, mais à demeurer
fidèlement attachés à notre Chef divin, lors même
que toute la génération perverse de nos jours lui tournerait
le dos. "
Le 13 novembre, la démission de Léonard
Dober fut portée à la connaissance des Eglises de Herrnhut
et du Herrnhaag. Ce fut aussi et surtout un jour de nouvelle et joyeuse
consécration à Christ, dans la personne duquel, comme jamais
auparavant, l'Eglise des Frères saluait son unique Chef, pourvoyant
à tout selon les richesses de la grâce divine.
La fête, particulièrement à Herrnhut,
revêtit le caractère d'une grande solennité religieuse.
A 10 heures du matin, l'Eglise, convoquée par les trombones, se
réunit à la chapelle. Une lettre du comte la mit au courant
de ce qui venait de se passer à Londres. Le Seigneur, invisiblement
présent au milieu de ceux qui se disposaient à lui offrir
leurs hommages et leurs adorations, parla avec puissance aux cœurs et
aux consciences.
Emus, humiliés, confondus par les miséricordes
de leur Sauveur, heureux de pouvoir le nommer leur Maître et de
s'abandonner sans réserve à sa sagesse et à sa grâce,
tous se jetèrent à genoux devant le céleste Ancien.
Parmi les larmes qui coulaient en abondance, se trouvèrent,
chez plusieurs, celles de la repentance. Le message du comte avait parlé
d'une amnistie générale qui, dans ce jour de fête,
serait accordée, de la part de l'Eglise, à, tous ceux qui
l'avaient contristée et qui se trouvaient sous sa discipline. Confirmant
encore cette promesse de son serviteur, le Seigneur remua, par son Esprit,
les consciences des coupables. Ceux-ci, après le culte, s'empressèrent
de confesser avec humilité leurs fautes aux pasteurs. Il y en avait
parmi eux, qui, depuis dix ans, avaient persévéré
dans leur impénitence. Dieu, en les courbant sous le joug de son
amour, mit son sceau sur la fête de l'Ancien.
A plusieurs reprises, dans la même journée,
l'Eglise se réunit encore devant la face du Seigneur. Les enfants
aussi eurent leur culte à eux. Vieux et jeunes ne se lassaient
pas de chanter les louanges du Seigneur, en se groupant sous la houlette
du bon et divin Berger. Il y eut une grande grâce sur eux tous.
Dieu, d'une manière exceptionnelle, avait béni et enrichi
son peuple.
Toutes les années, depuis les faits que nous venons
de rapporter, se célèbrent dans l'Eglise des Frères
le 16 septembre et le 13 novembre. A la première de ces dates,
les serviteurs de l'Eglise se réunissent pour un service d'humiliation
et de consécration à Christ, le souverain Chef de son troupeau.
Le 3 novembre, toute l'Eglise renouvelle le cantique de louange qu'entonnèrent,
en 1741, les Eglises de Herrnhut et du Herrnhaag à l'honneur et
à la gloire du céleste Ancien. Elle se souvient des innombrables
preuves qu'elle a reçues, a travers sa longue histoire, de la fidèle
sollicitude et de la puissance de Celui qui avait fait dire aux pères:
Interrogez-moi sur ce qui regarde mes fils. Elle ressaisit, par
la foi, la main de son Dieu et elle lui demande des secours nouveaux pour
son ensemble et pour chacun de ses membres, pour toute oeuvre qui s'accomplit
dans son sein ou par son moyen, comme aussi pour la solution de tous les
problèmes qui l'agitent.
Ainsi se place, dans l'Eglise des Frères, à
côté de la fête du 13 août, la fête du
13 novembre. L'une et l'autre, la fête de l'amour fraternel et la
fête de la consécration à Christ, seul et unique Chef
de l'Eglise, lui ont été données par Dieu, intervenant
dans son histoire, à deux époques différentes, avec
une puissance particulière. Le 13 août 1727, il sauva l'Eglise,
en danger de dégénérer en secte. Le 13 novembre 1741,
il fit la grâce à l'Eglise de renoncer au dernier de ses
appuis humains pour ne plus compter que sur Christ seul.
Trésor de grands et d'impérissables souvenirs!
Source toujours jaillissante, où l'Eglise n'a jamais cessé
de puiser vie et forces nouvelles!
On raconte que quelques frères observèrent
à Herrnhut, le 13 novembre 1741, un fort bel arc-en-ciel. Un siècle
plus tard, le même jour, le phénomène s'y répéta.
Ce fut pour les hommes qui y prirent garde, le signe de l'alliance et
de l'éternelle fidélité de Celui qui avait donné
à ses enfants de croire en son saint nom et de se confier en son
pouvoir.
Note:
1) Pour
couper court à toute fausse interprétation de ces termes,
nous ajouterons cette autre parole de Spangenberg: " Oh! si seulement
il y avait beaucoup de communautés chrétiennes qui fussent
dans ces dispositions et qui demandassent à Jésus la même
grâce ! Il ne se déroberait pas à elles. Que dis-je
? ne fût-ce qu'un seul homme qui demandât individuellement
cette faveur, s'il la demande en simplicité, en esprit et en vérité,
le Sauveur est fidèle, il se souvient de sa grande promesse et
ne confond point la foi de celui qui s'est adressé à Lui.
"
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