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L'Eglise de l'Unité
des Frères
d'E.A. Senft
DEUXIEME PARTIE
De la mort de Zinzendorf jusqu'à nos
jours.
1760 - 1888
CHAPITRE 14
L'EGLISE DE L'UNITE A L'EPOQUE DU RATIONALISME
La seconde moitié du XVIIIème
siècle fut, pour une grande partie de l'Europe, l'époque
du rationalisme. Celui-ci régnait dans les masses sous son aspect
le plus grossier; il revêtait, chez les esprits cultivés,
la forme philosophique et il dégénérait, chez les
sommités de la vie intellectuelle, en panthéisme plus ou
moins avoué. L'on ne retrouvait plus la foi des pères, si
ce n'est dans de nombreux individus, appartenant surtout à la classe
des humbles et des petits, ainsi que dans quelques groupes isolés
du protestantisme allemand. Au milieu de cette nuit tristement abaissée
sur l'Eglise évangélique, l'Eglise de l'Unité continua
à tenir haut le flambeau de l'Evangile.
Bien des détails, chez elle aussi, inspiraient
de l'inquiétude. La prospérité matérielle
toujours croissante de plusieurs communautés, celle de Herrnhut
d'abord, semblait paralyser le zèle chrétien. Ceux dont
les pères n'avaient pas hésité à tout quitter
au premier appel de Dieu, s'attachaient aux choses de la terre. Il n'y
avait plus chez eux le cœur franchement donné à Christ ni
l'enfantine simplicité de la foi. Il régnait même,
dans quelques cercles de l'Eglise, entre 1790 et 1800, un mauvais esprit,
joint à une conduite peu digne du chrétien: autant de déshonneurs
dont se couvraient les communautés allemandes bien plus que celles
de l'Angleterre et de l'Amérique du Nord.
Néanmoins, l'Eglise de l'Unité,
à l'époque du rationalisme, a été le rempart
de la saine doctrine et d'une piété vivante. C'est dans
son sein que se réfugiaient un grand nombre de fidèles,
nouvel élément de vie d'une incontestable valeur. C'est
en elle qu'ils trouvaient ce qu'ailleurs ils avaient cherché en
vain, pour la satisfaction des besoins de leurs âmes. C'est elle
aussi, qui, vaillamment et avec la force qui lui avait été
donnée, soutenait la lutte contre le redoutable ennemi auquel avaient
succombé tant d'autres. Sans jamais songer à la propagande
- preuve en soit ce fait que, pendant cinquante ans, depuis la mort de
Zinzendorf, elle ne fonda en Allemagne que les trois colonies de Gnadau
près de Magdebourg (1766), de Gnadenfeld dans la Haute-Silésie
(1781) et de Königsfeld en Bade (1806) - elle mettait ce qui lui
restait de vie et de puissance au service de la cause de Dieu et de son
Christ.
Nulle part, comme dans l'Eglise de l'Unité,
on ne proclama courageusement la doctrine du salut en Jésus, le
Rédempteur du monde. Nulle part, on n'insista autant sur la nécessité
d'une communion vivante et personnelle du cœur avec le Sauveur. Nulle
part, on ne veilla avec plus de jalousie sur ces éléments
d'un saint mysticisme, dont l'Eglise chrétienne ne pourra jamais
se passer sans déchoir de sa grande vocation.
Deux importantes publications allemandes ne
doivent pas être oubliées en ce lieu. En 1778, parurent le
recueil de cantiques de l'Eglise des Frères composé par
Christian Gregor, et l'Idea fidei Fratrum (exposition de la doctrine
chrétienne) par Auguste-Gottlieb Spangenberg.
Le recueil de cantiques rencontra dans l'Eglise
et en dehors d'elle l'accueil le plus chaleureux. Gregor y avait réuni
ce que et le protestantisme croyant jusqu'à l'époque du
piétisme et l'Eglise des Frères avaient produit de plus
foncièrement chrétien. Il était la protestation du
passé et du présent contre le dessèchement spirituel
du rationalisme contemporain, et ramenait, en ligne directe, les âmes
aux sources de la vie. De là le témoignage rendu, plus tard,
à ce livre par Dann, pasteur de l'Eglise nationale wurtembergeoise
à Stuttgardt: "Voici les archives où sont conservées
les expériences les plus profondes et les plus ignorées
que puisse faire un pauvre être humain. Il me semble lire dans ces
pages les confessions de l'humanité tout entière. Ici, tous
les recoins des cœurs sont grands ouverts et le péché se
trouve poursuivi jusque dans le lieu le plus reculé où il
aime à se cacher. Plus d'une fois, j'ai rencontré, dans
ce volume, rendue d'une manière parfaitement conforme à
l'expérience chrétienne, telle pensée que j'avais
en vain cherché à formuler moi-même ".
Le travail de Spangenberg eut un succès
plus grand encore. A peine sorti de la retraite d'un pavillon de jardin
à Barby, où son auteur, vieillard de soixante-quatorze ans,
l'avait composé dans le sentiment de sa grande responsabilité
et puissamment appuyé par la prière de ses frères,
ce volume fut traduit dans la plupart des langues européennes.
Le monde protestant semblait avoir attendu ces pages étrangères
à toute controverse théologique, franchement basées
sur l'Ecriture sainte, étudiées à la lumière
de riches expériences personnelles, affirmant avec beaucoup de
simplicité l'objet de la foi chrétienne et ouvrant devant
la théologie contemporaine, séduite par le culte de la raison,
le chemin du retour à la vérité et à la vie.
" Si j'eusse écrit ce seul livre, je renoncerais sans peine
à avoir publié quoi que ce soit d'autre ", disait un
grand prédicateur après avoir lu Spangenberg. Et un philosophe,
en vogue alors, s'écria: " Je lis l'Idea de Spangenberg.
Nos enfants, s'ils veulent une théologie chrétienne, devront
la chercher auprès des Frères moraves ". Dieu, de la
sorte, tira sa gloire de ces études, les moins prétentieuses,
peut-être, qui eussent jamais été publiées
par l'Eglise des Frères.
Celle-ci, d'ailleurs, ne se borna pas à
des travaux littéraires. Elle entretint, par la voie de son directoire,
des relations suivies avec les neuf universités de Leipzig, Wittemberg,
Halle, Iéna, Tubingue, Giessen, Göttingen, Erlangen et Helmstädt.
La plus grande franchise régnait dans les correspondances échangées,
entre Spangenberg et ses frères d'une part, et les chefs du rationalisme,
Semmler à Halle, Basedow à Dessau, J. G. Rosenmüller
à Leipzig d'autre part. Témoin ce fragment d'une lettre
de Spangenberg au professeur Basedow, connu par ses efforts pour déchristianiser
l'éducation de la jeunesse : " Quand, de tout votre cœur vous
vous serez tourné vers le Christ qui s'est donné lui-même
pour vous et que, par la foi, il sera devenu votre Sauveur, il vous pardonnera
vos péchés. Pardonné, vous l'aimerez. Aimant, vous
garderez ses commandements. C'est là le bonheur que mon cœur vous
souhaite. Peut-être que, lorsque vous le posséderez, il sortira
de vos mains un nouveau livre qui sera quelque chose de semblable à
La seule chose nécessaire par Amos Coménius. "
Beaucoup de liaisons précieuses se formèrent,
dans ce temps, entre l'Eglise de l'Unité et des représentants
d'autres Eglises, en Allemagne et en Suisse surtout. Les écoles
de théologie, renonçant à leur polémique,
commencèrent à rendre hommage à ce qu'elles avaient
reconnu pour bon dans l'association religieuse si longtemps combattue
avec acharnement. Dans l'Allemagne du Sud, l'Eglise de l'Unité
gagna l'affection du piétisme wurtembergeois, tandis que dans l'Allemagne
du Nord, dans les milieux les plus divers, elle vint remplacer, fort souvent,
le piétisme de Halle. Les comtes de Hohenthal et d'Einsiedel, de
Schönberg et de Hardenberg, les Moser et d'autres, attirés
par la fermeté et la simplicité chrétienne de l'Eglise,
devinrent ses bons amis.
L'œuvre morave qui, durant les temps du rationalisme,
avait, de plus en plus, sa raison d'être et s'accomplissait sous
la bénédiction particulière de Dieu, fut celle de
la diaspora. On le comprit si bien qu'un synode, convoqué ad hoc
à Herrnhut en 1782, s'occupa à fond de cette importante
branche de l'activité de l'Eglise et du devoir de celle-ci, d'être,
par ce moyen, un sel et un levain au sein des Eglises nationales. Munis
d'instruction, encouragés et fortifiés dans la foi, les
soixante-six frères et sœurs, employés dans la diaspora,
qui avaient pu se rendre à Herrnhut, repartirent pour reprendre
chacun son travail.
Celui-ci se poursuivait, dans dix-huit champs
d'activité luthériens et dans deux pays réformés
(la Suisse et la Hollande). Dans la Livonie et dans l'Estonie seules,
six mille personnes s'étaient fait inscrire comme membres de la
diaspora morave. A Copenhague, à Stockholm, à Gothembourg,
à Christiania, des noyaux s'étaient formés. Les gouvernements
se montraient favorables. Le clergé, sauf de rares exceptions,
laissait faire ou bien appuyait les Frères qui, loin de prêcher
pour leur paroisse, servaient les paroisses officielles. Dieu, en ouvrant
tant de portes, permit à ses serviteurs de jeter, sur de grandes
étendues de l'Europe, la semence incorruptible du pur Evangile,
d'affermir les croyants dans la foi à l'heure même où
celle-ci menaçait de s'ébranler au contact du rationalisme
parlant du haut de la plupart des chaires chrétiennes, et de réunir
en une infinité de foyers de lumière et de vie, les charbons
qui brûlaient encore, par-ci par-là, dans le monde protestant.
En Angleterre et en Amérique aussi,
l'Eglise de l'Unité, dans des circonstances essentiellement différentes
de celles de la branche allemande, noua de nouvelles relations. Ici, nous
trouvons Jean de Watteville à l'œuvre, tandis qu'en Angleterre
Benjamin LaTrobe travaillait infatigablement à l'union des cœurs
dans le Seigneur. Ni dans l'un ni dans l'autre de ces deux Pays ne s'appliquaient
les principes de la diaspora allemande. Mais les efforts des Frères
d'outre-mer, pour revêtir une forme nouvelle, n'en demeuraient pas
moins pour cela pénétrés de l'esprit de l'Eglise.
Nous ne nous refuserons pas, avant de tourner
cette page de l'histoire de l'Eglise morave, à citer ce mot du
professeur Dorner (1)
: "L'Eglise de l'Unité, en tenant ferme le principe dune vraie
catholicité qu'aucune dénomination chrétienne, grande
ou petite, ne saurait renier sans devenir la victime d'un esprit sectaire,
a reçu pour l'Eglise évangélique tout entière
une grande et sainte mission que l'on ne méconnaîtra pas
sans faire preuve d'étroitesse ecclésiastique. A l'époque
de la léthargie et des ténèbres spirituelles répandues
un peu partout, c'est elle, humble prêtresse du sanctuaire, qui
a nourri la sainte flamme sur son foyer. "
Il est permis de demander ce qui a rendu l'Eglise
capable de ces choses, en dépit des nombreuses lacunes que nous
avons constatées dans sa piété pratique. Nous n'hésitons
pas à répondre, qu'à côté des grandes
traditions du passé et de la puissante influence qu'exerçaient
sur elle les Spangenberg et tant d'autres instruments choisis, se dépensant
au service des âmes de leurs frères, l'Eglise est redevable
à ses Missions d'avoir pu être la ville sur la montagne et
la lumière brillante. C'était des champs missionnaires anciens
(2)
et nouveaux (les îles d'Antigoa et de la Barbade, le Pays des Bois,
le Labrador), du milieu des nombreuses Eglises d'entre les païens
(32 000 baptisés en 1798), que la sève, jeune et puissante,
refluait vers l'Eglise mère et y entretenait les saints enthousiasmes
et le feu sacré. C'était dans les conquêtes faites
sur terre païenne, que l'Evangile ne cessait point de se manifester
dans toute sa puissance et avec toutes ses grâces, sollicitant irrésistiblement
de nouveaux efforts et fortifiant les faibles dans la foi.
Notes:
(1) Geschichte der protestantischen
Theologie, p. 668..
(2) Voir chapitre 11.
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CONSTITUTIFS DE MARIENBORN (1764 ET 1769) ET DE BARBY (1775)
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DE L'UNITÉ ET LA CULTURE MODERNE
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