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L'Eglise de l'Unité
des Frères
d'E.A. Senft
PREMIÈRE PARTIE
De la fondation de Herrnhut jusqu'à la
mort du comte de Zinzendorf.
1722 - 1760
CHAPITRE 1
LA FONDATION DE HERRNHUT
Vers la fin du mois de mai
de l'année 1722, le comte de Zinzendorf était en séjour
sur ses terres de Berthelsdorf. Causant, un jour, avec le pasteur Rothe,
il apprit la présence dans la ville voisine de Görlitz d'un
charpentier morave en quête, lui dit-on, d'un lieu de refuge pour
des compatriotes qui se disposaient à quitter la Moravie pour l'amour
de leur foi. Le comte, vivement intéressé par ces détails,
fit prier l'étranger de se présenter devant lui et promit
son secours aux émigrants. Sans songer à les recueillir
sur son territoire, il espérait leur préparer une nouvelle
patrie dans la principauté de Reuss-Ebersdorf où régnait
l'un de ses amis.
Christian David, car c'était
là le nom du charpentier, n'était pas un descendant des
Frères de l'Unité. Né à Senftenberg, an sein
de toutes les erreurs et de toutes les superstitions du catholicisme,
mais sérieusement préoccupé du salut de son âme,
il avait été puissamment ébranlé par le chant
d'un cantique, sortant de l'obscurité d'un cachot où quelques
protestants souffraient pour leur foi. Sans tarder, il s'était
mis en relation avec les parents des prisonniers. Insensiblement, la lumière
s'était faite dans son âme. Par l'étude de la Bible,
mais surtout dans les réunions piétistes du pasteur Schäfer,
à Görlitz, où il avait échoué après
avoir servi sous les drapeaux du roi de Prusse, il avait trouvé
la paix de son âme. Heureux dans la possession de ce trésor,
il avait repris ensuite le chemin de sa patrie, annoncé la bonne
nouvelle et provoqué un réveil des consciences. Individualité
originale et puissante, prêchant, par sa conduite aussi bien que
par sa parole, la consécration complète de l'homme à
Christ, il avait enfin su triompher des indécisions et des doutes
des réveillés qui s'étaient décidés
à émigrer. Ces derniers portaient presque tous des noms
allemands. C'étaient, selon les suppositions des historiens, des
descendants d'un groupe de Vaudois allemands qui, en 1480, s'étaient
joints aux Frères de Bohême et de Moravie.
Tandis que ces choses se
passaient dans la contrée de Senftenberg, le piétisme exerçait
son influence sur un autre point de la Moravie encore. Les vieilles et
pieuses traditions de l'Eglise de l'Unité, disparue depuis tant
d'années, s'étaient réveillées à Kunewalde
et à Zauchtenthal. Dieu avait choisi, pour l'accomplissement de
ce ministère, le pasteur Jean Adam Steinmetz, à Teschen.
Tout à la fois piétiste du fond de l'âme et homme
aux vues profondes et larges, il avait dirigé les protestants moraves,
accourus pour l'entendre, dans la voie de l'Evangile et d'une saine largeur
spirituelle. " Il chassa d'eux l'esprit de secte, " disait plus
tard à ce sujet le comte de Zinzendorf, " ce dont nous ne
saurions lui être assez reconnaissants. "
A peine la promesse du comte
obtenue, Christian David retourna en Moravie. Quelques-uns de ceux auxquels
il dit: " J'ai trouvé un asile, " lui répondirent:
" Cela nous vient de Dieu " et se déclarèrent
prêts à tout quitter. " C'est le moment de partir, "
ajouta le coutelier Jacob Neisser; " avant que ce ne soit trop tard,
je veux sauver mon âme et celles de ma famille. Moi et mon frère
Augustin, nous sommes décidés à tourner le dos à
tous nos biens et à nous rendre au lieu que Dieu a choisi pour
nous. " Puis, s'adressant à son cousin Michaël Jäschke
: " Et toi, si tu le veux, fais comme nous. Nous t'emmènerons
selon la promesse que nous avons faite à ton père, afin
que ton âme aussi soit sauvée. " Le soir du même
jour, mercredi après la Pentecôte de l'année 1722,
un peu après dix heures, les émigrants partirent, n'emportant
avec eux qu'un paquet de hardes. La petite troupe se composait de onze
personnes: quatre hommes, trois femmes et quatre enfants dont deux jumeaux
de trois mois.
Zinzendorf était absent
quand les émigrants arrivèrent sur ses terres. On l'en avertit
par lettre, et, revenu forcément de son premier plan, il permit
l'établissement des étrangers aux environs de Berthelsdorf.
Le 17 juin, ils commencèrent
leurs travaux. Plantant vigoureusement sa hache dans le premier tronc
d'arbre, Christian David s'écria: "C'est ici que le passereau a
trouvé sa maison et l'hirondelle son nid: tes autels, ô Eternel
des armées, mon Roi et mon Dieu!"
Du reste, le lieu que l'économe
du comte avait choisi pour les Moraves n'avait rien d'attrayant. Marécageux,
couvert de broussailles, il offrait l'aspect de la désolation.
Aussi, dépourvus de tout comme ils l'étaient, les émigrés
faillirent plus d'une fois perdre courage. "Nous avions le sentiment,
" disaient-ils plus tard, " d'être comme de petits enfants
qui se construisent une petite maison avec des bûchettes. "
Et ceux qui passaient par là et qui observaient ces quelques hommes
à l'oeuvre, se moquaient d'eux en disant: "Quelle folie!"
Folie selon les hommes, mais
non pas auprès de Celui qui avait dit à Abraham: "Sors de
ta Patrie et de la parenté et va au pays que je te montrerai; voici
je serai avec toi et je te ferai devenir une grande nation. Tu seras béni,
et tu seras bénédiction." Un jour que la femme d'Augustin
Neisser s'était écriée sous le poids du découragement:
" Où prendrons-nous du pain dans ce désert? "
le pieux Marche, précepteur dans la maison de Madame de Gersdorf
à Hennersdorf lui répondit: " Si vous croyez, vous
verrez, dans ce lieu même, la gloire de Dieu. " Parole prophétique
à laquelle l'avenir a donné raison. La hutte perdue dans
les bois du Hutberg devint le berceau d'une Eglise dont l'existence et
les œuvres proclament jusqu'à nos jours ces paroles de l'Apôtre:
"Dieu choisit les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu
choisit les choses faibles et les plus méprisées pour confondre
les fortes."
Le village naissant fut appelé
Herrnhut (la garde du Seigneur). Inspiré par Marche et Heitz,
ce nom fut généralement adopté en 1724 - il devait
couper court à tout désir de la vanité humaine de
rattacher à l'oeuvre commencée le souvenir de quelque nom
d'homme. Il était destiné aussi à rappeler ces deux
choses : la fidélité de Dieu à garder les siens et
le devoir du chrétien de veiller et de prier en tout temps.
A la veille des fêtes
de Noël, le comte de Zinzendorf revint en Lusace avec sa jeune épouse.
Quand sa voiture s'approcha du Hutberg, une fenêtre, éclairée
au milieu du bois, attira son attention. Ne se souvenant pas d'habitation
humaine dans ce lieu, peu au clair sur l'emplacement de la colonie morave,
il demanda des renseignements et apprit qu'il se trouvait en face des
émigrés, établis sur ses terres. Le comte, alors,
descendit, entra dans la maison, salua ses hôtes, se jeta avec eux
à genoux et bénit ces lieux avec effusion.
A partir de ces jours mémorables,
l'immigration morave continua à travers dix années. Tout
arrivant fut obligé de se présenter d'abord devant le juge
de paix de Berthelsdorf. Conformément aux exigences de la paix
de Westphalie, on n'accordait le droit d'établissement à
Herrnhut qu'à la condition d'un départ volontaire de la
Moravie, pour l'amour de la foi seule et avec abandon de tous les biens
terrestres.
L'une de ces nombreuses arrivées
a marqué dans l'histoire de Herrnhut. C'était dans l'après-midi
du 12 mai de l'année 1724. Zinzendorf, entouré d'un certain
nombre de ses amis, ainsi que de toute la colonie morave, se disposait
à poser solennellement la première pierre d'une vaste maison
qu'il destinait à l'éducation de la jeunesse noble et dont
la grande salle devait servir de chapelle aux émigrés. A
ce moment, on vint lui annoncer l'arrivée tout inattendue de cinq
hommes de Zauchtenthal en Moravie. Trois d'entre eux portaient le nom
de David Nitschmann; le quatrième s'appelait Melchior Zeisberger
et le cinquième Jean Töltschig. Tous, en route pour la ville
de Lissa en Pologne où ils comptaient trouver des descendants des
Frères de l'Unité, n'avaient désiré que saluer
en passant la colonie de Herrnhut et son pieux protecteur, le comte de
Zinzendorf. Mais celui-ci, évidemment préoccupé de
l'événement du jour, les reçut si froidement qu'ils
faillirent se retirer déçus et scandalisés. Nul doute,
en effet, qu'ils ne se fussent remis en route, si Dieu, par de puissantes
impressions produites sur leurs cœurs, ne les eût contraints de
se fixer à Herrnhut.
Debout au milieu de l'assemblée,
Zinzendorf ouvrit la solennité par un discours empreint du plus
grand sérieux. Il parla du but visé dans la construction
de cette maison. Il s'arrêta surtout à cette pensée
qu'elle devait servir à l'honneur et à la gloire de Dieu
seul. Il la voua à la destruction à partir du jour où
elle ne répondrait plus à cette grande mission.
Au comte succéda le
baron Frédéric de Watteville, établi, depuis quelque
temps, à Herrnhut même et au milieu des émigrés.
A genoux sur la pierre fondamentale, il prononça une prière
dont les accents se gravèrent en traits ineffaçables dans
les coeurs des assistants. La parole d'une foi inébranlable et
l'émotion d'une âme adorant les miséricordes divines
s'y mêlaient à la plus joyeuse et la plus complète
consécration à Dieu. " Vous avez beaucoup promis, "
dit, après la cérémonie, la comtesse de Zinzendorf
à Monsieur de Watteville; " si Dieu nous donne d'en voir la
moitié, ce sera bien au-delà de nos espérances. "
Et Zinzendorf lui-même avoua, dans la suite, plus d'une fois, n'avoir
jamais rien entendu de pareil à cette prière. " C'est
depuis le moment qu'elle fut prononcée, " aimait-il à
ajouter, " que la grâce divine a agi avec puissance parmi les
Frères. "
Saisis au coeur, ébranlés
jusqu'au fond de leur être par ce qui venait de se passer sous leurs
yeux, les cinq hommes, arrivés dans la matinée, ne songèrent
plus à repartir. La main de Dieu les avait arrêtés
et les avait joints à jamais à la colonie naissante au pied
du Hutberg.
Ni Zinzendorf, ni personne
d'autre, ne se doutait de la valeur de l'acquisition que Herrnhut venait
de faire par là. Courageux, fermes, entiers dans la foi, dépositaires
de souvenirs particulièrement vivants quant à l'Eglise de
l'Unité, riches héritiers d'un grand passé, les arrivants
du 12 mai de l'année 1724 devinrent des colonnes de l'Eglise morave
renouvelée, à laquelle ils avaient apporté un trésor
inappréciable de traditions et de grâces.
Ainsi s'accroissait d'année
en année la population de Herrnhut. En 1727, on y comptait déjà
près de deux cents émigrés moraves, dont la plupart
n'avaient pu échapper que par miracle à la servitude de
l'Eglise de Rome, surveillant, poursuivant, punissant, torturant jusqu'au
sang les hérétiques. D'autres, moins heureux, furent condamnés
aux travaux forcés ou bien durent expier dans des cachots, pendant
le reste de leurs jours, le courage d'avoir confessé Jésus-Christ
comme leur seul Sauveur. Hardi jusqu'à la témérité,
Christian David entreprit, néanmoins, toute une suite de voyages
d'évangélisation dans son ancienne patrie. Au nom de Christ,
il entrait dans la caverne du lion pour lui arracher sa proie. Mais personne
ne réussit à mettre la main sur le prédicateur des
bois. Dieu veillait sur son serviteur et le conservait pour l'amour de
son peuple misérable et maltraité.
Connaîtra-t-on jamais
tous les héroïsmes chrétiens de ces jours-là
? Saura-t-on ce qu'ont dû souffrir pour le nom de Christ ces hommes,
ces femmes, ces enfants, grandis dans le bien-être les uns et obligés
de tout sacrifier, pauvres les autres et n'ayant que leur corps à
offrir à la fureur de l'ennemi ? Appréciera-t-on à
leur juste valeur, les luttes qui se sont livrées au fond des consciences
et des cœurs jusqu'à ce que, triomphante de toutes les résistances,
la foi eût appris à dire : tout pour Christ?
D'ailleurs, les habitants
du village naissant de Herrnhut ne se composaient pas uniquement d'émigrés.
A l'élément morave vinrent se joindre des éléments
allemands. Des gens des environs, attirés par les prédications
du pasteur Rothe, à Berthelsdorf, demandèrent la permission
de s'établir à Herrnhut. D'autres, tels que les frères
Martin et Léonard Dober, potiers l'un et l'autre, arrivèrent
de la Souabe; d'autres encore de diverses parties de l'empire allemand;
en tout, jusqu'en 1727, une centaine de personnes. La localité,
à cette époque, possédait trente-quatre maisons habitées
par une population de trois cents âmes et régulièrement
construites autour du grand édifice inauguré le 12 mai 1724.
Deux nationalités s'y coudoyaient. Des différences de caractères
et de vues s'y mêlaient les unes aux autres. Quoique unis par un
amour commun porté à Christ, les cœurs et les esprits ne
se comprenaient pas toujours.
Beau commencement! Miracle
de la bonté et de la puissance de Dieu! Etat de choses fécond
en dangers aussi! Problème encore irrésolu!
Qu'allait devenir et faire
tout ce petit peuple à l'aspect bigarré qui se trouvait
groupé au milieu des forêts du Hutberg?
Zinzendorf l'ignorait. Dieu
seul le savait.
Aucun homme ne s'était
créé ce champ de travail. Dieu l'avait préparé
pour son serviteur, Dieu allait en prendre soin par Zinzendorf.
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