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L'Eglise de l'Unité
des Frères
d'E.A. Senft
PREMIÈRE PARTIE
De la fondation de Herrnhut jusqu'à la
mort du comte de Zinzendorf.
1722 - 1760
CHAPITRE 2
DANGERS SECTAIRES
Si le sol spirituel de Herrnhut
renfermait les germes d'une Eglise, il renfermait aussi ceux d'une secte.
Ce qu'il produisit en premier lieu, ne fut pas du froment, mais de l'ivraie.
La colonie morave, à peine établie, faillit devenir un nid
de sectaires. Il y a dans ce fait une profonde humiliation et des instructions
sévères.
Dieu, en permettant la crise
morale et spirituelle qu'on va lire, anéantit l'auréole
des martyrs pour l'amour de la foi. Dieu fit comprendre aussi à
la première génération de Herrnhut, ainsi qu'à
toutes celles qui lui ont succédé, que l'homme peut avoir
souffert pour l'Evangile et avoir courageusement rendu témoignage
au nom de Christ, sans être fondé et enraciné dans
la charité et avoir connu à fond la vérité.
Dieu prépara pour le cœur et la conscience de la future Eglise
cette leçon qu'il lui a donné de ne jamais oublier, c'est
que tout édifice spirituel menace ruine aussi longtemps qu'il ne
s'érige pas sur la double base d'une profonde connaissance du péché
d'une part, et de la grâce gratuite de Dieu en Jésus-Christ
d'autre part. Un grand nombre de ceux qui étaient accourus à
Herrnhut, ignoraient la corruption du cœur humain et la nature du péché.
Honnêtes, vertueux, prêts au sacrifice, ils n'en avaient pas
moins pour cela conservé leur orgueil spirituel et de subtiles
concessions faites au mal. Ils étaient le sépulcre blanchi,
orné de la gloire de l'exil. D'autres, âmes plus droites
et plus simples, cherchaient le secours non point dans les richesses de
la grâce divine, mais dans les efforts de l'homme avide de sainteté.
" Sur cent personnes, trois seulement étaient converties,
" s'écria plus tard le comte de Zinzendorf.
Il est aisé, d'après
tout cela, de suivre avec intérêt, avec compassion pour les
coupables et avec reconnaissance envers Dieu, le cours des événements.
A mesure que le village de
Herrnhut se peuplait, on y remarquait, d'une manière de plus en
plus inquiétante, la présence du grand ennemi de toute communion
fraternelle : l'esprit de jugement, observant, épluchant, critiquant
les défauts du prochain, s'attaquant surtout à toute différence
de vue doctrinale. De même qu'à Corinthe, l'un disait: "Pour
moi je suis disciple de Paul; l'autre: Et moi, je le suis D'Apollos ;
un autre: Et moi, je le suis de Céphas; et un autre: Je suis de
Christ." Piétistes, Luthériens, Moraves descendant de l'Eglise
de l'Unité, Allemands du Nord, Allemands de la Souabe, chacun faisait
valoir sa tête et les expériences de sa vie spirituelle.
Le baron de Watteville d'abord,
puis le comte de Zinzendorf, s'efforcèrent de ramener la paix,
mais le feu continuait à couver sous les cendres. Il en sortit,
flamme menaçante, répandant au loin ses sinistres lueurs,
pendant que Zinzendorf négociait, en 1726, à Ollmütz,
en Moravie, avec le cardinal de Schrattenbach, au sujet de l'émigration
de plus en plus entravée par le clergé romain. En l'absence
du comte, les vues mystiques des uns, les tendances séparatistes
des autres, avaient trouvé leur incarnation dans la personne d'un
homme cultivé, à l'esprit contentieux et plein d'ambition,
malgré toutes les apparences d'une grande piété.
En levant d'un coup de main la position déjà minée,
le conseiller Krüger, d'Ebersdorf, s'érigea en réformateur
de Herrnhut. Il prêchait la séparation d'avec l'Eglise luthérienne
qu'il accusait d'être mondanisée. Il allait jusqu'à
nommer Zinzendorf la bête de l'Apocalypse et le pasteur Rothe le
faux prophète. Sous son influence, toujours plus puissante, la
révolte des esprits devint générale. On ne parlait
plus que de la sortie de Babylone. L'erreur attaquait jusqu'aux doctrines
fondamentales de l'Eglise chrétienne: la divinité du Christ
et la réconciliation du pécheur avec Dieu par le sang de
la croix. Christian David même, ébloui, séduit, appuyait
ces vues de tout le poids de sa forte individualité (1).
Le pasteur Rothe protesta,
jaloux des droits de l'Eglise dont il était le serviteur, tout
autant que du bonheur spirituel de ses paroissiens égarés.
Mais son zèle à combattre le mouvement acheva de creuser
un abîme entre lui et Herrnhut. Zinzendorf, accouru de la Moravie,
essaya la douceur et les exhortations paternelles, mais il ne fut pas
écouté non plus. Obligé de passer à Dresde
l'hiver de 1726 à 1727, il finit par repartir de Berthelsdorf le
cœur chargé, mais espérant contre espérance et ferme
dans la foi.
Au commencement de l'année
1727, Dieu intervint. On constata chez Krüger une maladie mentale
qui nécessita son éloignement de Herrnhut. Des deux partis
qui s'étaient formés, l'un persévéra dans
des tendances sectaires, l'autre supplia Zinzendorf de revenir pour rétablir
l'ordre. Le comte ne s'y refusa pas. Ayant obtenu un congé de plusieurs
mois, il retourna à Berthelsdorf et se mit à l'oeuvre. D'accord
avec le pasteur Rothe, il se chargea à lui seul de la cure d'âmes
au sein de la colonie de Herrnhut. Ménageant les faibles, usant
de patience et d'amour envers tous, appuyé dans ses démarches
par le travail de l'Esprit de Dieu dans les cœurs, il réussit à
ramener les égarés un à un à l'Eglise officielle
et aux moyens de grâce dont elle disposait. Au mois de mai, l'aspect
spirituel de Herrnhut avait changé. Le troupeau était rendu
à son pasteur; la guerre des opinions divergentes avait cessé;
l'orgueil avait fait place à l'humilité et la propre justice
à la soif de la justice de Christ; ceux qui s'étaient combattus,
ne désiraient plus que de pouvoir s'aimer.
Mais au milieu de cette merveilleuse
transformation, un voeu se maintenait, fort et légitime. Les Moraves,
tout en s'engageant à se courber sous l'autorité de l'Eglise
luthérienne et de son pasteur, voulaient conserver les principes
de constitution et de discipline ecclésiastiques qu'ils avaient
hérités de l'ancienne Eglise de l'Unité. Zinzendorf,
trop large, trop juste aussi, pour s'opposer à ces vœux, en essaya
la réalisation. En cela, des membres du clergé luthérien
même lui prêtèrent l'appui de leur assentiment. Le
pasteur Steinmetz, entre autres, quoique ennemi déclaré
de toute séparation, le supplia de ne pas sacrifier des trésors,
qu'une fois perdus, on ne retrouverait plus, même en les cherchant
avec larmes.
Il fut donc décidé
que la colonie de Herrnhut formerait une Eglise dans l'Eglise (ecclesiola
in ecclesia), ayant ses statuts, son organisation, ses rites à
elle, tout en faisant partie de la paroisse luthérienne de Berthelsdorf.
Sur le modèle de l'Eglise de l'Unité, elle devait être
dirigée par un collège de douze anciens dont quatre occuperaient
le premier rang. Zinzendorf devint maire du village et de Watteville fut
appelé à seconder le comte dans ses fonctions. Des cultes
journaliers devaient contribuer à entretenir la vie spirituelle
et la communion des cœurs. On y donnait une large place au chant, afin
que chacun prit une part active au service rendu à Dieu.
Un événement
que rien n'avait fait prévoir, vint mettre le sceau divin sur ces
arrangements humains, dont il avait été solennellement donné
connaissance aux habitants de Herrnhut, le 12 mai de l'année 1727.
Quelques mois après,
au commencement d'août, l'Esprit qui souffle où il veut et
quand cela lui plaît, fit sentir, comme jamais auparavant, son action
dans les cœurs. Il y forma des prières empreintes d'une grande
ferveur, il pénétra les assemblées, il rendit son
témoignage par la bouche de ceux qui parlaient. Dimanche 10 août
surtout, la colonie morave, groupée, pour son culte de l'après-midi,
autour du pasteur Rothe, éprouva la présence de Dieu à
tel point, qu'oubliant le temps qui s'enfuyait, elle demeura réunie,
chantant et priant, jusque bien avant dans la nuit.
Le lendemain, son pasteur
lui envoya une invitation à un service de Cène qui devait
se célébrer le 13, dans le temple paroissial de Berthelsdorf.
L'appel fut écouté avec empressement. On consacra le reste
de la journée, ainsi que le lendemain tout entier, à la
préparation au saint repas.
Quelques-uns, vieux et jeunes,
qui jusqu'alors s'étaient tenus à distance de la Table sacrée,
subirent devant l'Eglise un examen quant à leur foi. Outre cela,
Zinzendorf, allant de maison en maison, un ami auprès des amis,
eut pour chacun une parole d'exhortation ou d'encouragement selon le besoin
individuel.
La journée du 13 arrivée,
toute la colonie se réunit dans la salle des cultes pour écouter
un discours sur la Cène du Seigneur. De là, on se mit en
chemin pour le temple de Berthelsdorf. En route, de l'abondance du cœur
la bouche parlait. Doux entretiens dans lesquels les âmes s'épanchèrent,
se rencontrant dans un seul et même désir et dans de communes
humiliations! Echange de pardons aussi, demandés et accordés
dans l'amour de Christ!
Au temple, l'assemblée
entonna un cantique. Ce fut un cri de repentance et de consécration
à Dieu, s'échappant de tous les cœurs avec tant de puissance
qu'il atteignit jusqu'à la conscience d'une grande pécheresse
accourue pour voir ce qui se passait. Après cela, le pasteur Rothe
prononça la bénédiction sur les catéchumènes,
puis, il se jeta à genoux avec tous les assistants. A ce moment,
une grande émotion s'empara des cœurs. Prosternée devant
son Dieu, l'Eglise aurait voulu faire monter vers lui un second chant,
mais les larmes coulaient, inondant et étouffant le sacrifice des
lèvres.
Plusieurs frères élevèrent
la voix pour prier. Leurs paroles révélèrent les
pensées et les vœux dont tous les cœurs étaient pleins.
Ils supplièrent le Seigneur de venir en aide à ce troupeau
chrétien, qui avait vu se briser sa propre force sur les écueils
des mésintelligences et de la séparation sectaire. Ils lui
demandèrent ses lumières sur le caractère d'une vraie
Eglise de Christ, la fidélité dans les grandes et dans les
petites choses, les fruits de l'Esprit, l'union des cœurs. Ils intercédèrent
pour ceux qui, à droite et à gauche, s'étaient égarés
loin du bon chemin, insistant pour que Dieu, par son Esprit, ne permit
à aucune âme de s'appuyer, pour son salut, sur autre chose
que Jésus-Christ seul.
Quand les supplications,
les intercessions, les confessions eurent cessé, Zinzendorf, selon
le rite luthérien prononça l'absolution et l'Eglise s'approcha
de la Table sacrée. Le pasteur Süss, de Hennersdorf, administra
le sacrement; Rothe était au milieu de sa paroisse. La joie du
Seigneur débordait dans l'assemblée qui célébrait
comme le renouvellement d'une alliance rompue. " Presque hors de
nous-mêmes, nous rentrâmes chez nous à midi, "
disait plus tard l'un de ceux qui avaient pris part aux grâces du
13 août. "Paisibles, joyeux, nous traversâmes les jours
qui suivirent. Chacun apprit à aimer! "
Vers la fin du mois, Christian
David et Melchior Nitschmann, fortuitement absents de Herrnhut, le 13
août, revinrent au milieu de leurs frères. " Qu'avez-vous
fait le 13, dans la matinée ? " s'écrièrent-ils,
à peine rentrés. Pour eux, ils s'étaient sentis pressés,
à l'heure même où l'Eglise se trouvait réunie
à Berthelsdorf, de se souvenir de leurs frères dans la prière.
Retirés dans la solitude d'un grenier, ils y avaient répandu
leur âme devant Dieu, intercédant avec larmes pour Herrnhut.
Jamais ni l'un ni l'autre n'avait connu des douceurs semblables à
celles de cette heure de fête. Il ne leur était resté
qu'un seul regret, celui de ne pouvoir associer leurs frères à
ce grand bonheur.
Mais leurs frères
aussi, sans qu'ils s'en fussent doutés, avaient goûté
toutes les miséricordes de Dieu. Et ce qui leur était arrivé,
loin de leur foyer spirituel, n'avait été que la réponse
divine aux intercessions qu'au temple de Berthelsdorf on avait fait monter
vers Dieu en leur faveur. Christian David et Melchior Nitschmann, anciens
de l'Eglise l'un et l'autre, avaient été, en effet, l'objet
d'une prière fervente.
Et nous, après plus
d'un siècle et demi, nous nous sentons toujours encouragés
par ce fait à dire avec la sainte Eglise chrétienne universelle:
je crois à la communion des Saints.
Chaque fois aussi que l'année
ramène pour l'Eglise morave le 13 août, elle se souvient
devant Jésus-Christ son Chef et avec des accents de reconnaissance
offerts à Dieu, des grandes bénédictions de 1727.
Chaque fois, elle déplore, aux pieds de son Maître, ses transgressions
de la loi de l'amour et lui demande sur son ensemble, comme sur chacun
de ses membres, l'effusion d'un Esprit de charité.
S'il y a dans l'histoire
de l'Eglise morave un fait auquel elle doive son existence prolongée
jusqu'à nos jours et son caractère d'Eglise des Frères,
c'est l'intervention divine au moment critique dont nous venons de parler.
Ils ont passé, les Inspirés de la Wetterau, les Séparatistes
de Berleburg et telles autres dénominations qui, après être
nées, elles aussi, au sein du piétisme du XVIIème
siècle, étaient dégénérées en
sectes dépourvues de simplicité, de sobriété
chrétienne comme de charité, et méprisaient, en même
temps que l'Eglise établie, les moyens de grâce donnés
par Christ. C'est pour avoir échappé, par un effet des adorables
bontés de Dieu, à cette chute profonde que l'Eglise morave
est encore debout au milieu de ses Eglises sœurs protestantes.
Table
des matières
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LA
FONDATION DE HERRNHUT
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LES
PREMIERS TÉMOINS
Notes:
.(1)
Voir Zinzendorf, vie de Christian David, racontée à Herrnhut
en 1751 : « Il ne voulait rien savoir de la réconciliation
avec Dieu par Christ et de la divinité du Sauveur. A partir de
1727 seulement, son coeur honnête et franchement ouvert à
l'influence du Saint-Esprit, apprit à attacher à ces doctrines
une grande importance et à les aimer. »
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